Frédéric HELBERT, journaliste d'investigation

Notre rôle n’est pas d’être pour ou contre, il est de porter la plume dans la plaie. (Albert Londres)


Le scandale des alertes venues des « sentinelles » d’Israël, totalement Ignorées par l’armée

Publié le 22/11/2023 à 21h43 | , , , , , , , ,  | Écrire un commentaire

Elles avaient tout vu. Tout. Tous les préparatifs, les entrainements, les « répétitions », du Hamas. Elles n’ont cessé d’alerter leur hiérarchie. Elles ont rédigé des rapports, des mois durant, ont interpellé parfois directement des officiers-supérieurs. Elles avaient conscience  de la possible survenance d’une attaque sans précédent. Elles ont crié dans le désert. Et la catastrophe est arrivée.

Elles ? Ce sont les jeunes soldates, affectées à la surveillance permanente de la frontière. Dans des PC spécialisés. Elles sont les « observatrices » de première ligne, les  « sentinelles » d’Israël.  Elles ont fait le job.  » Mais personne ne nous a cru, personne !  » dit l’une d’entre elles, qui a échappé au massacre du PC sécurité de Nahal Oz, pris aussi sous le feu des terroristes du Hamas le 7 octobre. « Non seulement on ne nous pas pris au sérieux, mais certaines d’entre nous ont été moquées, raillées, rabaissées, par des commandants arrogants, sexistes, et machistes. On nous a même menacé de sanctions, si nous persistions à dire ce que l’on voyait sur nos écrans de contrôle. Une honte absolue ».

Certaines de celles qui ont survécu , ont décidé dans ces conditions  de briser l’omerta et de  témoigner – anonymement – aujourd’hui, de dénoncer les fautes impardonnables de ceux, qui ont opposé des des fins de non recevoir catégoriques aux avertissements qui se succédaient, alors que le pire se préparait. Car les sentinelles d’Israël, avaient commencé il y a près d’un an pourtant à observer derrière leurs écrans, des mouvements très inquiétants, menés par les troupes du Hamas. « Ils ne se cachaient même pas. Ils savaient qu’ils étaient observés. Mais ils semblaient s’en foutre ! Les unes et les autres, nous avons vu les combattants de l’unité d’élite du Hamas venir tenir des réunions aux abords de la frontière. S’y entrainer à faire circuler à la limite de la zone tampon, toutes sortes de véhicules, vans, motos, quad, à faire voler des drones de plus en plus souvent, à faire exploser des engins non loin de la frontières, et même à répéter l’attaque d’un faux char israélien, celle d’une réplique d’une tour d’observation,  et à s’attaquer à des personnes, militaires ou civils, à les  neutraliser ou à les faire prisonniers.  Ils ont déroulé sous nos yeux les bases du scénario de l’attaque du 7 octobre »

Ci-dessus : Document photo recueilli par une observatrice:  Une réunion de combattants du Hamas avec leurs véhicules à deux pas de la barrière de sécurité.

Les soldates du PC d’observation, en activité 24h sur 24, en alerte constante, formées à déceler, noter tout détail inhabituel, les ont soigneusement consignés dans, des rapports circonstanciés, mais leurs supérieurs de la « division Gaza » n’en ont tenu aucun compte. « Ils faisaient preuve d’une arrogance, d’un sexisme, d’un machisme insupportable, confie une des sentinelles. Elle se rappelle s’être adressé directement à un commandant d’unité. Celui-ci, lui a rétorqué qu’il connaissait mieux son métier et le terrain qu’elle. Qu’elle n’était qu’une gamine en poste depuis 6 mois, alors qu’il avait 10 ans d’armée. « Je me suis heurtée à un mur, c’était hallucinant, je ne sais pas ce que sont devenus nos rapports, nos informations, nos alertes, si les services de renseignement militaires les ont eu. Le commandant m’a dit que tout allait bien !  Qu’il ne voulait plus entendre parler de nos élucubrations. Sous peine de sanctions !  C’était dingue. Ce qui est sur, c’est qu’on nous a pris pour des moins que rien, et nous pensons que si nous avions été des  hommes, cela aurait tourné différemment »

Le jour de l’attaque, tout s’est déroulé à une vitesse hallucinante, Les sentinelles ont compris, elles, que de l’entrainement qu’elles avaient repéré, les hommes du Hamas passaient au stade opérationnel. Il n’y avait alors côté israélien à Nahal Oz, qu’une quarantaine de soldats de la brigade GOLANI et quelques autres, qui ont été submergés par des centaines de terroristes du Hamas. « Avant que nous soyons nous même attaquées raconte une sentinelle, nous avons vu les premières images de l’offensive. Nous avons alerté une dernière fois. Trop tard hélas, pour empêcher ce qui s’est passé ensuite, et qui n’aurait jamais du arriver, jamais ! ».

Le Hamas a aussi attaqué le PC sécurité de Nahal Oz. « Donc non seulement on ne nous a pas cru, mais nous avons été abandonnées par les nôtres témoigne une survivante. Douze  d’entre nous sont mortes, d’autres enlevées. « J’ai perdu beaucoup d’amies ce jour-là, massacrées par les terroristes. Et la catastrophe a touché toutes les localités proches de la frontière avec Gaza. J’ai compris alors à quel point, notre état-major, nos services de renseignements, nos politiques, toute la chaine, avaient tous faillis. Ils pensaient, avec suffisance,  « être dans la tête »  des hommes du Hamas. Ce sont eux qui ont compris ce que nous étions, comment nous pensions, notre arrogance, notre incapacité à imaginer le pire. notre foi dans une supériorité militaire totale. Les hommes du Hamas ont sciemment joué les « gros-bras », sous l’oeil de nos caméras, nos drones. Ils ne se cachaient pas. Et dans l’esprit de nos supérieurs, si les hommes du Hamas agissaient ainsi, sans se cacher, eux, les champions de l’action secrète, les obsédés de l’espionnage, ce ne pouvait être qu’une bravade, une rodomontade. Aucune analyse sérieuse et poussée, ayant au delà des idées habituelles, n’a été lancée. C’est un échec absolu ».

Aujourd’hui, l’armée officiellement se tait, mais l’armée le sait : Elle a totalement failli. « Et Après nous avoir méprisées,  après avoir négligées nos informations, l’armée nous lâche« . dit une survivante. Celles qui sont à l’hôpital  n’ont même pas reçu la visite de leurs supérieurs.  Certaines n’osent même pas aller à l’hôpital.  « Je ne peux pas décrire les sentiments de dégout et de colère qui m’habitent, ni celui de honte quant à la manière dont nous avons été traitées. Sans  l’aveuglement criminel  de ceux que nous n’avons cessé d’alerter en vain, il n’y aurait jamais eu la catastrophe du 7 octobre, ni la guerre qui a suivi. Mais le gouvernement de Netanyahu a mis cela sous le tapis. Comme le reste. A ma connaissance, pas un des commandants fautifs n’a été sanctionné, et nous ne savons ce que sont devenus nos rapports.

La mère d’une jeune soldate, d’une « sentinelle » brillante, oscille entre douleur et rage:  » Ma fille avait tout vu, tout  compris. Elle n’a pas été écoutée. La scandaleuse surdité de ses supérieurs lui a couté la vie ainsi qu’à d’autres et a entrainé tout Israël dans la tourmente.  Le pays doit savoir, le monde doit savoir, et les incompétents qui ont ignoré les alertes doivent être jugés. Ils sont le déshonneur de l’armée d’Israël ». 

Frédéric HELBERT 


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À propos de l'auteur

Grand-reporter de guerre, (souvent), journaliste d'investigation, multi-médias, tous terrains, membre de l'association de la presse judiciaire, passionné par les phénomènes terroristes depuis le début de ma carrière à Europe11. Tropisme assumé pour le Moyen-Orient et la péninsule arabe-musulmane. Jamais rassasié d'infos,  accro à tous types d'enquêtes et reportages, j'aime explorer le dessous des cartes de dossiers sensibles. En toute liberté. Vos témoignages, vos infos, vos commentaires sont  bienvenus!

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