Le récit accablant de rescapés du Kibboutz de Be’eri. L’armée pointée du doigt .
Publié le 06/11/2023 à 01h58 | armée, attaque 7 octobre, Berri, Hamas, Kibboutz, massacre; défaillance sécuritaires, Tsahal en faute | Écrire un commentaire
Le Kibboutz de Be’eri est situé à deux pas de la frontière avec Gaza. Il aura été l’une des principales cibles d’un massacre de masse perpétré par le Hamas. Pourtant, dès le début de l’attaque, des messages d’alertes, et de détresse sont lancées. En vain. Messages venant de civils, cachés comme ils le pouvaient, messages de membre de l’équipe de volontaires, appelant à plusieurs reprises des renforts et l’intervention d’avions et d’hélicoptère de chasse. Ils n’obtiendront rien, pas plus que celles ou ceux qui, en direct, ont appelé les chaines de TV passées en édition spéciale comme « Channel 12 ». Entre cafouillages, alertes ignorées, envoi de soldats en sous-nombre, refoulés par la mitraille du Hamas, jusqu’a la vision hallucinée d’un garde-sécurité, au moment de son évacuation, de 500 soldats et leurs blindés, attendant aux portes du Kibboutz, l’arme au pied, jamais Tsahal et les forces de sécurité d’Israël n’auront autant failli.
Récit, enquête.
A 5h55 du matin, deux terroristes sur -armés, arrivent à la barrière électrique à l’entrée principale du Kibboutz. Ils se cachent, attendent l’arrivée d’une voiture. Tuent ses occupants et s’emparent d’un véhicule civil, une Mazda, dont ils tuent les occupants, et pénètrent dans le Kibboutz. Ils sont suivis par des dizaines de terroristes. L’image, saisie par les caméras de sécurité, est diffusée sur la chaine Telegram » South First Responders ».
6h35 : Les messages d’alerte et de panique entre membres du Kibboutz et de différentes communautés voisines se multiplient.
7h04 : des dizaines de commandos du Hamas sont dans le Kibboutz et s’y déploient en toute tranquillité. La cellule de volontaires de sécurité est submergée. Mais se battra jusqu’au bout.
La cellule de sécurité à l’entrainement (image d’archives)
Sophie BARZON , survivante, avec son époux er ses enfants, raconte que très vite sur la messagerie whats’sapp des « mamans du Kibboutz » fusent les messages de stupéfaction et de panique, alors que les familles pour la plupart se sont réfugiées dans les abris (anti-roquettes). Le massacre à haute intensité commence, par tous moyens. Les terroristes font du house to house », tuent, mutilent, torturent. Et capturent de futurs otages. Quand les portes des maisons résistent, elles sont brulées. Sophie BARZON raconte :« Les gens criaient à l’aide. C’était des cris de désespoir affreux. Ils criaient pour qu’on leur vienne en aide et qu’on les sauve »
Mais personne ne vient. Un vielle dame appelle en direct la chaine de TV « Channel 12″», et d’une voix effrayée dit : « Les terroristes rentrent dans les maisons et nous massacrent. Personne ne vient nous secourir, pourquoi personne ne vient ? »
A 10h49, une autre femme lance à son tour le même message: « Ou diable est l’armée »?
A 11h21: message d’un autre un autre résident : « Ou est cette armée de merde? C’est un fiasco absolu »
Les heures s’écoulent et alors que les tueries continuent, Sophie Barzon retranchée dans la pièce de sécurité de sa maison, avec sa famille, ses parents, ses enfants lance un appel vibrant sur son compte Instagram :
« où est l’armée ? »
A 10h49, une autre femme lance à son tour le même message: « Ou diable est l’armée »?
A 11h21: message d’un autre un autre résident : « Ou est cette armée de merde? C’est un fiasco absolu »
14h06 : Sophie Barzon pense qu’elle va mourrir : Elle écrit un nouveau message : « les maisons sont en feu, j’aurais tellement aimé que quelqu’un vienne nous sauver ». Les terroristes sont à sa porte. Miraculeusement, dans l’abri, ou je tenais un couteau, je les ai entendus arriver. J’ai cru que c’était la fin. Mais ils sont partis ailleurs soudainement sans que je puisse l’expliquer. Les massacres se poursuivent ailleurs. Et puis ; soudain, à 18h, explique la rescapée, on a entendu des voix parler hébreu. C’était pour nous la première intervention des hommes de Tsahal. « J’ai vu 10 soldats, je les ai suppliés de nous évacuer, mais à ce moment, une alerte à la roquette a retenti. Certaines sont tombées tout près. Les soldats disent alors à la jeune femme et sa famille, de rejoindre l’abri voisin d’une autre famille. Et ils partent se battre ailleurs. Le cauchemar va continuer encore 5 heures supplémentaires.
C’est seulement à 2h du matin, après 20h de cauchemars que Sophie et sa famille sont évacués par Tsahal. 20 heures ! Alors que le kibboutz n’est plus qu’un cimetière à ciel ouvert et un champ de ruines. D’autres attendront encore sept heures supplémentaires.
« Des centaines de soldats sont restés aux portes du Kibboutz, alors que les terroristes continuaient à nous massacrer. Ils nous ont laissés nous battre seuls »
Yair AVITAL (membre de la cellule de sécurité du Kibboutz, a vécu aussi cette horreur et reste aujourd’hui encore, traumatisé. Au point d’avoir perdu toute confiance en l’armée.
» Le matin de l’attaque raconte -t-il, à 7h30, on avait déjà perdu 2 hommes de l’équipe de sécurité. 5 policiers sont arrivés, seulement armés de pistolets. Ils sont repartis chercher d’autres armes plus lourdes. Mais comme il y avait des attaques partout, ils ont été appelés ailleurs et on ne les a pas revus… »
L’équipe de sécurité à l’entrainement (photo d’archives)
A 9 heures du matin, il voit une première équipe de soldats arrive. Des membres de l’unité spéciale « Shaldag », dépendant de l’armée de l’air. Mais ils ne sont que 14 soldats seulement. Et face au feu nourri de terroristes en surnombre, ils ressortent du Kibboutz.
« Les blessés étaient alors soignés dans la clinique dentaire, dans laquelle on s’y est retranché. On a abattu pas mal de terroristes. Mais tout le kibboutz était attaqué et ils étaient près d’une centaine, sillonnant en toute tranquillité en moto les axes du Kibboutz On a réclamé des renforts et des avions de chasse. En vain. »
De son point d’observation, Yair raconte 1h du matin , un escadron de l’unité « Shaldag » avec une équipe de l’unité « Sayeret Maktal » sont arrivés. « On s’est dit que le rapport de forces allait changer « dit un autre membre de l’équipe de sécurité. Mais les massacres continuent. Et selon un autre membre de l’équipe de sécurité du Kibboutz, les soldats étaient en sous-nombre, Yoel raconte qu’il a interpellé un groupe des forces spéciales. Mais ils ne combattaient plus, ils évacuaient leurs blessés. » je leur ai dit qu’il y avait aussi des blessés dans la clinique, et qu’ils devaient les évacuer. Ils m’ont répondu qu’ils étaient trop affaiblis pour le faire, mais qu’ils reviendrait en force ». Yoel insiste: « vous devez rester, vous êtes là, et nous nous avons besoin d’armes et de soutien ». Une vaine supplique. En fait, dit un autre rescapé, « on a vu une armée désorganisée, faible face à l’ennemi, et incapable de se coordonner. On ne savait pas vraiment qui commandait. Cela a été un désastre ».
« Les terroristes ont atteint la clinique et l’ont ont attaqué témoigne Yair Je n’avais pas le choix, j’avais été blessé par une grenade, j’étais couvert de sang , j’ai fait le mort. J’ai survécu, alors que tous les autres étaient exécutés. J’ai attendu jusqu’à A 6h30 du matin le lendemain… » Lorsque les hommes de Tsahal atteignent la clinique, Yair, et une infirmière sont les seul survivants.
Quand il est évacué, sur une civière, le survivant éprouve un choc terrible. « J’ai vu 500 soldats lourdement armés, avec des chiens, des véhicules blindés. Ils étaient là immobiles, et ils ne faisaient rien. Ils étaient là et alors que l’on se faisait massacrer, ils n’ont rien fait. Je leur ai hurlé dessus : les terroristes nous massacrent, nous kidnappent. Allez-y ! sauvez-nous ! Aucun ne m’a regardé ni répondu « .
Les soldats se disaient entre eux. ‘the terrain n’est pas sûr. Il doit être sécurisé et déminé avant qu’on entre.
» Cela voulait dire enrage Yair qu’ils n’avaient rien compris de ce qui s’était passé dans le kibboutz. Et oublié leur devoir de protection des civils ».
A ce jour, les familles endeuillées, celles d’otages, les rescapés, n’ont reçu aucune explication. Ni Aucune excuse. Pour Yair, les choses sont claires : » les forces de sécurité d’Israel , nous ont abandonnés, et j’ai désormais perdu toute confiance en l’armée de mon pays. »
Frédéric HELBERT