Frédéric HELBERT, journaliste d'investigation

Notre rôle n’est pas d’être pour ou contre, il est de porter la plume dans la plaie. (Albert Londres)


Israël : L’improbable équation militaire et politique de l’éradication du Hamas.

Publié le 13/10/2023 à 18h50 | , , , , , , , , , , , ,  | Écrire un commentaire

 

« Tout membre du Hamas est un homme mort ».C’est Benjamin Netanyahu qui le martèle. « Nous allons rayer le Hamas de la surface de la terre ».C’est son ministre de la Défense Yoav Galant qui embraye. « Nous les éliminerons et les anéantirons jusqu’au dernier » affirme à son tour le commandant en chef de Tsahal le général Halevi.

Des mots. Secs, catégoriques prononcés sans aucune ambiguïté, ni retenue. Voilà pour le discours. Mais au rayon de la méthode, face à une ambition si clairement affirmée, c’est le brouillard. La question, après le fiasco sécuritaire total, mérite pourtant d’être posée :  Quelle est la stratégie ? Qu’est ce qui pourrait permettre aujourd’hui de réussir un but de guerre aussi colossal.

Gaza va- -t-elle être rasée ? Ce qui s’y passe actuellement ressemble bien plus à une opération de bombardements sans discernements, qu’à des frappes ciblées. Plus de 4000 tonnes de bombes larguées. Des immeubles soufflés en une seconde. Des quartiers entiers dévastés. Une majorité de victimes civiles, qui subissent aussi Un siège médiéval en règle. Et ce n’est que le début assure un haut-gradé… Comble du cynisme, les autorités israéliennes ont demandé aux civils d’évacuer Gaza-city d’ici 20h ce soir. Sur un itinéraire qui ne sera pas visé. Et ce en préparation d’une offensive terrestre. Le Hamas somme la population de rester. Mais, malgré cela des milliers d’habitants, ceux qui le peuvent, sont entrain d’essayer de fuir, vers le Sud en catastrophe. Ces dernières informations laissent à penser qu’une . L’ONU estime que cet appel qui s’adresse aussi à ces personnels aura pour conséquence une nouvelle catastrophe humanitaire.

 

Autre élément de langage partagé partout : « le Hamas, c’est Daesh, et il faut le traiter de la même manière ». Un vétéran du Shin-Beit, tempère pourtant singulièrement le propos, exemple à l’appui :  

 «Pour reprendre la ville de Mossoul en Iraq à l’état islamique, des centaines de tonnes de bombes ont été larguées. Il a fallu 9 mois pour contrer quelques milliers d’islamistes et récupérer le contrôle d’une ville transformée en un immense champ de ruines. Israël peut-il se permettre cela ? J’en doute, même si Je comprends la soif de vengeance. Je comprends ceux qui affirment avec justesse que lors de cette invasion, les hommes du Hamas, ont utilisé les mêmes méthodes effroyables que Daesh. Mais ils n’ont pas le même même agenda, ni la même stratégie. Le Hamas est une organisation ultra-structurée, pyramidale. Ses combattants ou terroristes de terrain, suivent des ordres précis. Les tueries, les massacres abominables perpétrées en Israël, ont été décidés, voulus, ordonnés et perpétrés dans un but précis :Meurtrir, scandaliser, et chauffer à blanc un peuple tout entier. Et ainsi Attiser la volonté de vengeance, faire en sorte que l’armée israélienne frappe de manière indiscriminée, avec une violence non contenue. Quitte à contrevenir aux lois de la guerre. »Et il s’efforce de voir plus loin. « Quelles seraient les conséquences, que l’on voit déjà poindre ? La refonte d’une solidarité, si ce n’est des régimes, des populations arabes de la région, et l’apparition de menaces contre notre pays pouvant venir de partout ! Du front Nord, avec le Hezbollah, qui est une machine de guerre redoutable, et qui se déclare désormais prêt à passer à l’action… mais aussi d’autres pays, comme la Jordanie par exemple. Des premières manifestations ont appelés le gouvernement à ouvrir les frontières, pour permettre des infiltrations massives. Aujourd’hui de nouvelles manifestations ont eu lieu, tant en Jordanie qu’en Irak et en Cisjordanie. Et l’Arabie saoudite a annoncé le gel du processus de normalisation avec Israël. Et puis il y a un front intérieur en surchauffe. Les mouvements armés de Cisjordanie, quels qu’ils soient pourraient aussi rentrer en action…

Le Hamas a calculé son « coup ». Il se moque de la population de Gaza, qui n’a pas son mot à dire. Et plus il y aura de frappes massives, et donc de destructions et de pertes civiles, plus la position israélienne sera difficile à tenir, sans compter la pression les cris déchirants que le gouvernement de l’état hébreu se refuse en l’état à entendre : Ceux des familles d’otages. Dont 13 seraient déjà morts dans les bombardements si l’on en croit les dernières annonces du Hamas. 

Un colonel de réserve, rencontré lors d’une opération massive précédente, sur le terrain, exprime lui son inquiétude quant à la capacité de Tsahal de mener une opération au sol, en profondeur, et dans la durée. « Le sang de nos soldats va couler s’ils s’infiltrent à terre. Combien de temps, et quel niveau de pertes parmi nos hommes et parmi les otages dont les familles appellent en vain à la cessation des bombardements. Si le Hamas a préparé soigneusement son offensive terrible, soyons sûr qu’il en a fait de même pour sa défense. La preuve en qu’il est encore capable, malgré l’intensité des bombardements, de tirer des roquettes.

« Prenons l’exemple de la dernière guerre du Liban m’interpelle le militaire. Vous y étiez comme journaliste, j’y étais comme soldat. Nous avons détruit toutes les infrastructures du pays, nous avons bombardé à outrance Beyrouth. Cela n’’a pas empêché le Hezbollah d’être en mesure de résister, de tirer des roquettes meurtrières, qui ont atteint Haïfa par exemple. Notre pays était à l’arrêt. Les sirènes résonnaient sans cesse. Des villes entières se sont vidées. Mais le chef de l’organisation Hassan Nasrallah, notre cible n°1, n’a jamais été inquiété. Nous frappions de plus en plus fort, pendant un mois, sans résultat effectif. A la fin, nous avons tenté une incursion terrestre, elle s’est révélée désastreuse pour notre armée, désastreuse ! Nous avons pris une raclée mémorable. Et perdu 69 hommes. Ce fut un traumatisme national. Le Hezbollah en est ressorti plus fort que jamais ! On ne peut pas aujourd’hui user de slogans définitifs, et penser que le reste va suivre simplement.  Notre supériorité technologique et humaine incontestable, deviendra infiniment moins efficace, si nous nous retrouvons au sol dans un territoire ennemi qui est un labyrinthe urbain, et sous-terrain ».

Côté politique, certains veulent gardent la tête froide. Comme cet opposant irréductible à un gouvernement qui, selon lui  « mène déjà depuis des mois le pays au désastre. Imaginons que nous parvenions si ce n’est à éradiquer le Hamas, ou au moins, à le diminuer à un point considérable, qui gouvernera Gaza ? Israël n’a aucun désir de réinvestir ce territoire, et Netanyahu a tellement fait pour diminuer, rabaisser, discréditer l’autorité palestinienne, que nous ne voyons personne dans ses rangs, qui puisse s’affirmer comme un leader et bâtir un gouvernement. Et puis soyons réalistes. Il restera toujours des partisans, des activistes, des terroristes, du Hamas, capables de mener des actions de guerre, ou des attentats ».

Israël fait face à un défi immense. Car tant pour faire la guerre à outrance que la paix, il faut des leaders politiques d’envergure. « Pensez-vous sérieusement que Netanyahu en soit un ? Ce type poursuivi pour corruptions, fraude, et qui ne pense qu’à sa survie politique, et ses ministres ultras qui veulent chasser tous les palestiniens, annexer la Cisjordanie, sont des hommes qui ont une étrange conception de la sécurité d’Israël. Ils sont aux antipodes d’un Yitzhac Rabin. A-t-on oublié Rabin ? le général victorieux de la guerre des 6 jours, qui avait fait sa mue politique, et conduisait sans faiblir le pays à la paix. A-t-on oublié cet homme intègre, droit,  courageux, que Netanyahu vomissait, applaudissant aux manifestations ou Rabin était dépeint sur des pancartes en uniforme nazi ? A-t-on oublié que Rabin, à la sortie d’une manifestation de soutien monstre à Tel-Aviv, a été assassiné en 1995 par un extrémiste juif, Ygal Amir, admiré par les ultras qui sont aujourd’hui au gouvernement, comme Itamar Ben-Gvir, l’extravagant ministre de la sécurité intérieure ?  A-t-on oublié qu’alors le pays tout entier a pleuré Rabin ?  Je me souviens de son credo : De sa voix grave, il disait : Je combats le terrorisme, comme s’il n’y avait pas de négociations de paix, et je négocie comme s’il n’y avait pas de terrorisme. Aujourd’hui, ce sont ces pires ennemis qui gouvernent Israël et qui ont commis des erreurs fatales ayant permis au Hamas, de grandir, de se renforcer, de prendre tous les pouvoirs, jusqu’à semer une horreur insoutenable sur notre sol. Et ce sont ces incompétents qui nous promettent désormais « l’éradication totale » des salauds du Hamas ? Je vous le dis comme je le pense : Nous sommes entrés dans un cauchemar effrayant, et nul ne sait comment, et dans quel état, nous, comme les palestiniens les palestiniens allons en sortir ».

Frédéric HELBERT   


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À propos de l'auteur

Grand-reporter de guerre, (souvent), journaliste d'investigation, multi-médias, tous terrains, membre de l'association de la presse judiciaire, passionné par les phénomènes terroristes depuis le début de ma carrière à Europe11. Tropisme assumé pour le Moyen-Orient et la péninsule arabe-musulmane. Jamais rassasié d'infos,  accro à tous types d'enquêtes et reportages, j'aime explorer le dessous des cartes de dossiers sensibles. En toute liberté. Vos témoignages, vos infos, vos commentaires sont  bienvenus!

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