Gaza : l’impossible équation militaire de l’éradication totale du Hamas
Publié le 13/10/2023 à 00h44 | bombardements, Cisjordanie, défi militaire, Gaza, guerre, Guerre totale, Hamas, IDF, Israel, Liban, Netanyahu, Rabin, Sécurité, Shin-beit, stratégie otages, terrorisme, Yoav Galant | Écrire un commentaire
« Tout membre du Hamas est un homme mort ». C’est Benjamin Netanyahu qui l’affirme.
« Nous allons rayer le Hamas de la surface de la terre » C’est son ministre de la Défense Yoav Galant qui l’affirme.
« Nous les éliminerons et les anéantirons » jusqu’au dernier » affirme le commandant en chef de Tsahal le général Halevi.
Des mots. Secs, tranchant, prononcés sans aucune ambiguïté, sans aucune retenue.
Mais quelle est la stratégie ? Qu’est ce qui pourrait permettre aujourd’hui de réussir un but de guerre colossal. Gaza va- -t-elle être rasée ? Ce qui s’y passe actuellement ressemble à une opération de bombardements et sans grands discernements. 4000 tonnes de bombes larguées. Un siège médiéval en règle. Et ce n’est que le début assure un haut-gradé.
Autre élément de langage partagé par les plus belliqueux : le Hamas, c’est Daesh, et il faut les traiter de la même manière. Une source du Shin-Beit, nuance pourtant : « Comparaison n’est pas raison. Pour reprendre Mossoul, en Iraq, des centaines de tonnes de bombes ont été larguées, et il a fallu 9 mois pour reprendre une ville qui n’est plus qu’un tas de ruine. Israël peut-il se permettre cela. Je comprends la soif de vengeance. Je comprends ceux qui affirment avec justesse que lors de cette invasion, les hommes du Hamas, ont utilisé les mêmes méthodes effroyables que Daesh. Ils ont les mêmes méthodes, mais pas la même idéologie, ni la même tactique. Il faut savoir, que le Hamas est une organisation ultra-structurée, pyramidale, et que les combattants ou terroristes de terrain, suivent des ordres. Les tueries, les massacres abominables, ont été voulues et ordonnés dans un but précis. Meurtrir, scandaliser et chauffer à blanc un peuple tout entier. Et ainsi Attiser la volonté de vengeance, faire en sorte que l’armée israélienne frappe de manière a tout va, partout, avec une violence non contenue. Quitte à contrevenir aux lois de la guerre. »
Mais l’homme va plus loin. « Quelles seraient les conséquences que l’on voit poindre ? La refonte d’une solidarité des populations arabes de la région, et l’apparition de menaces contre notre pays pouvant venir de partout ! du front Nord, avec le Hezbollah, qui est une machine de guerre redoutable, mais aussi d’autres pays, comme la Jordanie par exemple. Des manifestations ont appelés le gouvernement à ouvrir les frontières, pour permettre des infiltrations massives. Et puis il y a un front intérieur en surchauffe. Les mouvements armés de Cisjordanie, quels qu’ils soient pourraient aussi rentrer en action…
Le Hamas a calculé son « affaire ». Il se moque de la population de Gaza, qui n’a pas son mot à dire. Et plus il y aura de frappes massives, et mathématiquement, de destructions et de pertes civiles, plus la position israélienne sera difficile à tenir, sans compter les cris déchirants que le gouvernement de l’état hébreu se refuse en l’état à entendre : Ceux des familles d’otages.
Un colonel de réserve, rencontré lors d’une opération massive précédente, sur le terrain, exprime lui son souci quant à la capacité de Tsahal de mener une opération au sol, en profondeur, et dans la durée. « Le sang de nos soldats va couler. Combien de temps, et quel niveau de pertes parmi nos hommes et parmi les otages dont les familles lancent des appels déchirants, mais ignorés par les autorités, pourront nous tenir ?
« Si le Hamas a préparé soigneusement son offensive terrible, soyons sûr qu’il en a fait de même pour sa défense. La preuve en qu’il est encore capable, malgré l’intensité des bombardements, de tirer des roquettes. Prenons l’exemple de la dernière guerre du Liban m’interpelle le militaire, vous y étiez comme journaliste, j’y étais comme chef d’unité. Nous avons détruit toutes les infrastructures du pays, nous avons bombardé à outrance Beyrouth. Cela n’’a pas empêché le Hezbollah d’être en mesure de résister, de tirer des roquettes meurtrières, qui ont atteint Haïfa par exemple. Notre pays était à l’arrêt. Les sirènes résonnaient sans cesse. Nous avons frappé de plus en plus fort, pendant 1 mois ! Mais ni chef de l’organisation Nasrallah, cible n°1, n’a jamais été inquiété. 23 tonnes de bombes ont été envoyées sur son bunker supposé sans aucun résultat. A la fin, nous avons tenté une incursion terrestre, elle s’est révélée désastreuse pour notre armée, désastreuse ! Nous avons pris une raclée mémorable. Ce fut un traumatisme national. On ne peut pas aujourd’hui user de mots définitifs, et penser que le reste va suivre simplement. Notre supériorité technologique et humaine incontestable, deviendra bien moins efficace, lorsque vous vous retrouvez dans un territoire ennemi qui est une labyrinthe urbain, et sous-terrain ».
Côté politique, certains gardent la tête froide. Comme cet opposant irréductible à un gouvernement qui selon lui « mère le pays au désastre, Imaginons que nous parvenions à éradiquer le Hamas, ou au moins, à le diminuer à un point considérable, qui gouvernera Gaza ? Israël n’a aucun désir de réinvestir ce territoire, et Netanyahu a tellement fait pour diminuer, rabaisser, discréditer l’autorité palestinienne, que nous ne voyons personne dans ses rangs, qui puisse s’affirmer comme un leader et bâtir un gouvernement.
Et puis soyons réalistes. Il restera toujours des partisans, des activistes, des terroristes, du Hamas, capables de mener des actions de guerre, ou des attentats ».
Israël fait face à un défi immense. Car tant pour faire la guerre à outrance que la paix, il faut des leaders politiques d’envergure. « Pensez-vous sérieusement que Netanyahu en soit un ? Cet homme poursuivi pour corruptions, fraude, et qui ne pense qu’à sa survie politique, et ses sbires, des ultras qui veulent chasser tous les palestiniens, sont des hommes qui ont une étrange conception de la sécurité d’Israël.
Ils sont aux antipodes d’un Yytzhac Rabin. A-t-on oublié Rabin ? le général conquérant de Jérusalem, qui avait fait sa mue politique, et conduisait sans faiblir le pays à la paix. A-t-on oublié cet homme intègre et courageux, que Netanyahu vomissait, applaudissant aux manifestations ou Rabin était dépeint sur des pancartes en uniforme nazi ? A-t-on oublié que Rabin, à la sortie d’une manifestation de soutien monstre, a été assassiné par un extrémiste juif, Ygal Amir, admiré par les ultras qui sont aujourd’hui au gouvernement, comme Itamar Ben-Gvir?, l’extravagant ministre de la sécurité intérieure ? A-t-on oublié qu’alors le pays tout entier a pleuré Rabin ?
Je me souviens de son credo : De sa voix grave, il disait : Je combats le terrorisme, comme s’il n’y avait pas de négociations de paix, et je négocie comme s’il n’y avait pas de terrorisme. Aujourd’hui, ce sont ces pires ennemis qui gouvernent Israël et qui ont commis des erreurs fatales ayant permis au Hamas, de grandir, de se renforcer, de prendre tous les pouvoirs, jusqu’à semer une horreur insoutenable sur notre sol. Et ce sont ceux-là qui nous promettent désormais « l’éradication totale » des salauds du Hamas ? Je vous le dis comme je le pense : Nous sommes entrés dans un cauchemar effrayant, et nul ne sait comment, et dans quel état, nous, comme les palestiniens allons en sortir ».
Frédéric HELBERT