Frédéric HELBERT, journaliste d'investigation

Notre rôle n’est pas d’être pour ou contre, il est de porter la plume dans la plaie. (Albert Londres)


Marseille. certitudes, interrogations, et polémiques après l’attaque terroriste.

Publié le 02/10/2017 à 02h31 | , , , , , , , , , ,  | Écrire un commentaire

marseille 11

La revendication douteuse

L’état islamique (Daech) via son « agence » Amaq a revendiqué l’attaque de Marseille à la gare Saint-Charles. Revendication d’opportunité après une action mortelle et terrifiante ? Ou bien Daech était-t-il en lien d’une manière ou d’une autre avec le tueur ? L’avenir le dira. En état les enquêteurs penchent nettement pour la thèse d’une revendication opportune.  Pour l’heure aucun élément (vidéo, message,élément de preuve) n’a été diffusé par l’organisation, et rien dans l’enquête sur le tueur en l’état ne  permet de valider la revendication. « Nous ne ne la considérons pas comme valable pour l’instant » dit pour sa part un enquêteur spécialisé. Qui réfute désormais l’adage selon lequel l’état islamique ne revendique que les actions réellement commises par des hommes en lien avec le groupe. « C’était vrai au début. Cela l’a longtemps été, Et puis sont apparues des « bugs » dans certaines revendications d’attentats, et pour certaines « opérations » revendiquées, nos services où d’autres, à l »échelle européenne où mondiale n’ont jamais pu, après coup, trouvé le moindre lien réel ».  Un Smartphone saisi sur le cadavre du tueur abattu à Marseille, est en cours d’exploitation. Il permettra d’en savoir plus.

Le mode opérationnel

« L’attaque d’un strict point de vue opérationnel était imparable » dit un policier. Le tueur ne s’est pas fait repérer. Il n’avait pas d’arme apparente, était assis sur le parvis de la gare, avant de se lever et de passer soudainement à l’action avec un simple couteau . Tout s’est joué en moins d’une demi-heure. « Quand on en arrive à ce stade là, et que n’importe qui décide d’agir seul, avec peu de moyens,, que ce soit pour le compte de l’ Etat Islamique où non aucune loi, aucun dispositif, aucun dispositif ultra-sécuritaire ne peut permettre de prévenir une attaque de ce type qui peut survenir n’importe quand, n’importe ou. C’est trop tard » ajoute l’expert de terrain.

Les victimes

victimes

Ce sont deux très jeunes femmes, pour lesquelles la vie était pleine de promesses. Deux cousines très complices. Mauranne, venue d’une petite commune des Bouches-du-Rhône, 21 ans, faisait de brillante études de médecine à Marseille.  Sa cousine elle se destinait à être infirmière. Et étudiant à Lyon. Les deux cousines s’étaient retrouvées pour le week-end. Dans leurs communes d’origine réciproques, des hommages divers leur ont déjà été rendus. D’autres viendront.  à « deus jeunes femmes lumineuses et épatantes dont un salopard a fauché les vies dans des conditions révoltantes » dit l’un de leurs proches « Nous n’oublieront jamais d’honorer leur mémoire ». Leurs obsèques se sont déroulés jeudi 5 octobre, Des cérémonies bouleversantes, au cours desquels, la peine, le chagrin, la révolte se sont exprimées. Dans la simplicité et le refus de la haine. Hors de toutes polémiques.

Sentinelle

sentinelle after

C’est une patrouille de l’opération Sentinelle qui a neutralisé le tueur. 3 légionnaires (bérets-verts) du 1er REG (Régiment étranger du Génie) qui sillonnaient les quais de le gare,  ont accouru sur le parvis, alertés par des cris. Le tueur a alors marché vers eux l’arme au poing. s’apprêtant à attaquer à nouveau, criant à nouveau « Allah Akkbar ». Après une double sommation restée vaine, l’un des légionnaires, a tiré. 2 fois. L’homme s’est écroulé à terre, alors que plusieurs policiers en civil, (certains en service, d’autre non) ont surgi à leur tour l’arme au poing, sur le parvis. Le tueur encore vivant a été menotté par les policiers. Mais il a succombé quelques minutes plus tard sans avoir dit un mot.

« Le dispositif Sentinelle, a donc été efficace mais d’une certaine manière » tempère un militaire off. L’action des légionaires n’a pas pu être préventive, mais réactive. Les soldats ont fait leur job avec sang-froid, mais  d’un point de vue opérationnel cela ne mérite pas le flot de louanges venu du gouvernement et des politiques qui plaident pour le maintien d’une opération lourde à gérer et couteuse et usante pour l’armée française. Une opération  dont l’efficacité reste très discutée. On préférait des moyens, des casernements, et des soldes convenables » rappelle un autre.  

Les éléments qui intriguent

Des questions restent en suspens sur l’action du tueur après l’examen des images de caméras de vidéo-surveillance. Le tueur au couteau  venait à peine d’arriver à Marseille en Gare Saint-Charles. Il s’est assis sur un banc, sur le parvis de la gare, puis s’est jeté sur sa première victime quelques minutes plus tard usant d’un couteau de cuisine et perpétrant son premier crime au cri d' »Allah Akbar ». Puis il  a semblé prendre la fuite en courant, avant de faire volte-face,  revenir sur ses pas, de poignarder une deuxième jeune femme, (les deux jeunes femmes de 20 ans, Luura et Morane, deux cousines, n’ont rien pu faire.  Les images montrent qu’une passante (très) courageuse a tenté de s’interposer, avec un porte-drapeau. En vain. L’homme après avoir brièvement trébuché, puis s’est relevé   Il s’est ensuite retrouvé face à une patrouille « Sentinelle » alertée par les cris. Il a foncé sur elle en criant à nouveau « Allah Akbar », voulant d’évidence tenter de s’en prendre aux militaires, ou marcher vers cette soit-disante « mort en martyr » garantie sans facture par les propagandistes de l’état islamique.. C’est après cette étrange valse hésitation, et deux assassinats sauvages, qu’il a été abattu donc par Sentinelle.

Marseille 1

Très vite, après les premières constations, le recueil des premiers témoignantes, une analyse de l’attaque, Le Parquet anti-terroriste de Paris au vu du lieu de l’attaque, du  mode opératoire, des cibles, des circonstances a ouvert une enquête en flagrance, confiée à la direction centrale de la Police Judiciaire, et à la DGSI dont le nouveau patron, Laurent Nunez, est l’ancien préfet de Police des Bouches du Rhône.

Ce qu’on sait du profil du tueur

Dès les premiers moments de l’enquête, il apparait, selon des sources sécuritaires, le tueur au couteau, est un tunisien, d’une trentaine d’années, connu des services de police pour des petits faits de droits communs (stups, vols…) commis dans plusieurs villes différentes.

L’enquête démontre par ailleurs que l’homme était en situation irrégulière en France, mais suffisamment habile et sachant profiter des failles ou manque de moyens administratifs pour, en utilisant tour à tour pas moins de sept « alias », sept identités différentes, échapper à une expulsion du sol français.  Fait intriguant et polémique: Il a été interpellé, 3 jours avant son passage à l’acte à Lyon, pour une affaire de tentative de vol à l’étalage d’un blouson. Puis placé en garde à vue, mais relâché, sur décision du Parquet, faute d’éléments probants. Lors de son audition il a présenté un passeport tunisien au nom d’Ahmed Hanachi. Passeport qui lui a été restitué à l’issue de sa garde à vue. Mais qu’il ne possédait pas à l’heure de l’attaque. Et qui s’est révélé être authentique. Autant d’éléments qui posent question, quand à la mue soudaine mue de ce « looser apparent », inconnu des services de renseignement, en assassin redoutable. agissant au nom de l’état islamique à en croire l’organisation. A la fin de sa garde à vue, les policiers et c’est là que s’ouvre le sujet de polémique, contactent leurs homologues de la PAF (Police de l’air et aux frontières) lesquels tentent de joindre la préfecture du Rhône, seule habilitée à délivrer une autorisation de placement en contre de rétention administrative pour clandestins en situation irrégulière. Mais aucune réponse ne vient. « On était alors samedi, et une préfecture un samedi, ça tourne au ralenti » soupire un policier. Il semble que le fonctionnaire habilité à régler ce type de problèmes n’ait pas été là… Autre explication avancée: pas de place disponible en centre de rétention! Dès lors, à ce moment précis, Les policiers n’avaient plus aucun moyen légal de retenir celui dont nul ne pouvait deviner les desseins. Le lendemain il est Marseille-Saint-Charles… Le Ministre de L’Intérieur a demandé l’ouverture d’une enquête à l’inspection générale de l’administration.

Par ailleurs il ressort de son audition que l’homme s’est présenté comme SDF, sans emploi (hormis quelques travaux comme peintre en bâtiment), divorcé, et « consommateur de drogues dures ». Autant d’éléments qui posent question, quand à la mue soudaine mue de ce « looser apparent », inconnu des services de renseignement, en assassin redoutable. Un autre élément intrigue particulièrement les enquêteurs: Il a été établi, que le terroriste a reçu, peu de temps avant son passage à l’acte, différents virements d’argent sur un compte bancaire qu’il possédait. Pour un montant total d’environ 2000 euros. D’où venait l’argent? Pourquoi celui qui s’est prétendu SDF mais louait un petit studio à Marseille, l’a t-t-il reçu? Et Pourquoi s’en aller faire un allez-retour à Lyon, deux jours avant l’attaque pour tenter au passage d’y voler un blouson d’une valeur de moins de 100 euros? Autant d’interrogations qui interpellent, démontrent des incohérences que les hommes de la DGSI et la PJ vont devoir expliquer…

L’état de la menace. L’ennemi idéologique.

La menace reste aujourd’hui à son plus haut-niveau, ainsi que l’attaque de Marseille le démontre encore. N’importe qui peut avec des moyens dérisoires « répondre à l’appel de Daech » ou mener une action « dans son coin ». D’autant que les services de renseignement affichaient récemment leurs craintes quand à la possible multiplication de ce type d’attaques. La propagande de Daech, a multiplié ces derniers mois, sur le net des véritables guides et manuels d’actions pour tueurs solitaires, disposant de peu de moyens. Guides tactiques accompagnées de l’habituel fatras idéologique. « Là est le problème, l’ennemi principal est l’idéologie mortifère qui n’a jamais cessé de se répandre, et ce poison est partout désormais tempêteun magistrat spécialisé. L’état islamique continue d’ailleurs à « mettre le turbo » en la matière, usant de tous les moyens numériques. Le fil internet n’a pas été coupé. Au travers de sites,  de forums, de messageries cryptées, voire même de Facebook et Twitter, EI appelle sans cesse à commettre des assassinats sous toutes formes. Il donne des conseils, il détaille toutes les possibilités de frappe. Et l’idéologie prend! Fait de nouvelles recrues, touche des esprits structurés autant que des esprits faibles ou dérangés. C’est sur ce point là qu’il faut pousser les feux de la lutte. La réponse sécuritaire, toujours renforcée, est très insuffisante. C’est sur la dé-radicalisation, et la lutte préventive contre la radicalisation. Ainsi que sur les moyens d’un appareil médical psychiatrique à l’os. Jusqu’à présent la faillite de l’état et celle d’organisations soit disant dédiées à la dé-radicalisation  qui se sont souvent révélées être des entreprises d’escroquerie pure, a été totale. Tout en la matière reste à faire. Hors de cette équation insuffisamment prise en compte, insiste le magistrat, on ne s’en sortira pas »…

Frédéric Helbert

(Enquête mise à jour en fonctions de son avancée)


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À propos de l'auteur

Grand-reporter de guerre, (souvent), journaliste d'investigation, multi-médias, tous terrains, membre de l'association de la presse judiciaire, passionné par les phénomènes terroristes depuis le début de ma carrière à Europe11. Tropisme assumé pour le Moyen-Orient et la péninsule arabe-musulmane. Jamais rassasié d'infos,  accro à tous types d'enquêtes et reportages, j'aime explorer le dessous des cartes de dossiers sensibles. En toute liberté. Vos témoignages, vos infos, vos commentaires sont  bienvenus!

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