Saint-Martin: faillite de la France dans sa gestion initiale de crise. Enquête.
Publié le 11/09/2017 à 00h08 | Crise, dispositif néerlandais, failles techniques, gendarmes, gestion, IRMA, militaires, Ouragan, Pays-bas, Pillages, Politique, prévention, Saint-Martin, Sécuritaire, Sécurité | 5 commentaires
Gestion de Crise à Saint-martin: Radiographie d’un échec.
« On s’est planté » C’est un des membres de la cellule de crise qui parle. Sans craindre de contredire les propos gouvernementaux comme ceux du ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb. L’homme est un technicien pas un « politique ». « Il faut le reconnaître, Il y a une faille dans la prévision, l’évaluation. C’est ce qui explique les réactions compréhensibles d’une grande partie de la population sur place, qui n’a pas ménagé ses critiques. Ce sont celles-là qui m’ont interpellé, à juste titre, ce sont de celles-là dont il faut tenir compte, certainement pas à mon sens de celles des groupes politiques quels qu’ils soient qui se saisissent aujourd’hui du drame pour en faire un sujet de pure polémique politicienne ».
De fait, un autre expert confie: « Lorsqu’on voit comment les Pays-Bas, si petit pays, qui ne dispose pas de notre puissance, a réagi en amont, et instantanément en aval, après le passage de l’ouragan, on ne peut que constater qu’ils ont eu tout bon. Les néerlandais, eux, avaient tout simplement pré-positionnés 2 navires de guerre avec des moyens, du personnel militaire à bord. Ils ont pigé vite ce qui se passait, (quand le danger sécuritaire est devenue une menace prioritaire et que la configuration de l’urgence a changé) et ont réagi au mieux. A tous les niveaux; Nous on était à la traine, et à coté de la plaque »
Les Pillages de masse, tous azimuts.
A la Guadeloupe, un responsable d’une association de secours d’urgence, en contact permanent avec l’ile martyrisées explique: Très vite, au lendemain de la première vague, la gendarmerie locale est dépassée. Les fonctionnaires présents font leur maximum pour aider et sauver, mais ils ont été essoré aussi par l’ouragan, ils sont seuls ou presque en première ligne, seuls et en sus-effectifs, ils ne peuvent faire face au phénomène des pillage global à grande échelle. Quand cela a a débuté, les forces de l’ordre ont pensé avoir affaire à une réaction tristement « classique » lors de ce type de catastrophe. Des pillards, jeunes, parfois très jeunes, en règle générale,, profitant du chaos ambiant, s’attaquent aux magasins, shopping-center, boutiques abandonnées, pour y rafler rapidement tout et n’importe quoi: (TV, frigos, électron-ménager, montres, bijoux, chaussures, vêtements, tout ce qui se passe sous la main…) avant de disparaitre. Mais là, dans des conditions exceptionnelles, le phénomène va prendre une toute autre dimension dans une ile qui n’est pas un pur paradis de carte postale ou la criminalité serait absente. Bien au contraire, elle y est très active. Prospérant à partir des zones les plus pauvres de l’ile. Et les zones les plus pauvres sont, sans conteste, bien plus présente coté français que néerlandais explique un policier qui fut affecté à Saint-Martin.
Cette fois, donc, des bandes organisées saisissent l’occasion: Profitant d’une situation qui leur laisse une grande « liberté d’action ». Tous les paramètres les servent: mauvaise évaluation, de l’absence de réponse immédiate, les forces de l’ordre déjà débordées, épuisées, (qui ont elles aussi subi aussi la violence de la catastrophe) et qui ont pour mission première de protéger leur propres casernes, leurs stocks d’armes, leurs générateurs etc… La Préfecture qui aurait du être un centre opérationnel est de fait, inopérante. Trop de dommages subis… Alors le phénomène s’amplifie donc radicalement : Les bandes structurées de voyous s’y mettent très activement. Attaquant méthodiquement, après les magasins, les résidences, les maisons individuelles… Parfois avec des machettes, parfois des armes de poing ,allant dans certains cas, comme l’ont confié certaines victimes (témoignages vérifiés) jusqu’à menacer de violer de tuer, si les gens ne donnent pas eau, bijoux, argent, clés de voiture etc… La terreur se répand en l’absence de réplique sécuritaire adaptée. Les bandes vont écumer systématiquement les hôtels, chambres par chambre, les résidences de luxe, les villas abandonnées ou habitées etc… C’est un pillage sans précédent, une razzia de masse en règle. « Ce n’était pas comme des politiques de droite le prétendent, avec mauvaise foi caractérisée et une volonté d’instrumentaliser un drame, un problème racial, c’était un problème de classes, les plus riches, les mieux nantis sont les européens, les occidentaux, résidents ou touristes, et ce sont donc eux qui ont été visés en priorité ! » dit un guadeloupéen dont la famille vit à Saint-Martin.
Les errements de la gestion française, le (quasi) sans-faute des néerlandais
Contrairement aux français, Les hollandais eux, réagissent sans tarder. Parce qu’ils avaient anticipé ! leurs 2 navires font route vers l’Ile. Les Commandos de marine qui devaient essentiellement faire du « génie », du déblaiement,, des évacuations d’urgence. là, sont déployés sur la partie de l’ile qu’ils contrôlent, lourdement armés. La consigne: « tolérance zéro ». Le 1er ministre de l’ile (disposant d’un statut autonome), déclare l’état d’urgence, décrète un couvre-feu. Des barrages sont installés. Des contrôles et fouilles systématiques effectués. Des pillards sont arrêtés en flagrant délit. La frontière, d’ordinaire immatérielle, est cette fois bloquée par des hommes et des camions. Et hermétiquement bouclée. Bien sur il y a eu des pillages coté néerlandais aussi, et des victimes, mais le résultat de cette mobilisation ne laisse guère de doutes sur le bien fondé d’une stratégie d’anticipation réussie. Le premier hélicoptère qui a survolé l’Ile est un NH 90 néerlandais. Le premier bateau qui a accosté est néerlandais, le premier avion qui a atterri à Saint-Martin sur l’aéroport international « retapé » en urgence est néerlandais, et les premières troupes à avoir sécurisé le terrain sont néerlandaises !
De l’importance d’un bon vieux média: la Radio!
Parallèlement, un outil tout simple qui permet de communiquer , de recevoir des infos joue un rôle essentiel. La radio FM LASER 101.1. Avec elle, les néerlandais ont la possibilité de savoir ce qui se passe,, de recevoir des alertes, les autorités ont celle de délivrer des consignes appropriées. Faire passer des messages. Des citoyens parviennent à appeler pour signaler des situations d’urgence ou demander du secours, signaler une zone de pillage, une autre nécessitant des secours immédiats. Rôle essentiel car cette radio permet non seulement aux uns et aux autres, mais aussi d’échanger de précieuses informations qui vont faciliter les interventions d’aides, de secours et de sécurisation. Les hommes de Laser 101,1 ne ménagent pas leurs efforts. Eux-même avaient anticipé! Prévoyant du matériel de secours pour maintenir le fil rouge. Ils réussissant à brancher une antenne de secours après la défaillance de l »émetteur principal. Mais coté français, Il n’y a rien de tel! Pas de radio locale qui fasse ce boulot, Et les rumeurs véhiculées sur le net, les réseaux sociaux, ou de bouche à oreille, et venant de partout, sèment la panique dans tous les sens. Aucune autorité n’est en mesure d’y couper court!
(NB: depuis hier Radio-France a ouvert dans un temps record une station dédiée aux sinistrés (UrgenceInfo iles du Nord).
des Pilleurs redoutant la menace de « José ont envahi des résidences habitées pour se protéger!
Du coup, les français de l’Ile se sentent abandonnés, livrés à eux mêmes. En danger constant. Des vidéos alarmistes apparaissent et se répandent sur les réseaux sociaux. La mécanique de la rumeur tourne à plein. certains résidents, ou leurs proches, en métropole, poussent des « coups de gueule » sur Facebook, appellent à l’aide contre les pilleurs, évoquent toutes les rumeurs, d’autres confient leur détresse. Mais l’ampleur du phénomène est au départ si ce n’est délibérément minimisé, à tout le moins mal évalué. Et puis les moyens manquent toujours. L’immensité de la catastrophe et des dégâts focalise l’attention alors que les pillages continuent La menace de l’ouragan José pointe. C’est à ce moment selon des témoignages précis recueillis auprès d’habitants de l’Ile, que l’on en arrivé à l’invraisemblable : Les pilleurs envahissent des résidences, pour en chasser leurs propriétaires, et trouver des endroits ou se protéger! (de l’ouragan José).
Un habitant de Saint-Martin, bénévole dans une association d’aide, joint par whatsapp témoigne « c’était chaud, chaud, chaud, dans la rue, toute le monde se baladait avec des poignards, des machettes, des armes. Tout le monde avait peur de tout le monde. N’importe quoi pouvait se passer. Le danger était partout. Seule des gendarmes ou des militaires pouvaient calmer la situation, ah oui c’était chaud! ».
Bref confesse aujourd’hui un militaire de haut-rang, » le manque d’anticipation a été catastrophique au niveau du maintien de l’ordre. or sans ordre, sans sécurité, pas d’opération de secours de masse possible. Les néerlandais disposant de nettement moins de moyens ont été beaucoup plus efficaces à tous niveaux. Notre gestion de crise, focalisée sur la donne humanitaire, a été prise en défaut. Et il a fallu du temps, trop de temps, pour prendre les mesures destinées à corriger le tir » . Du coup, la folie s’est emparée de l’Ile. Déjà la dévastation c’était énorme, mais les pillages et l’insécurité bien réels qui ont suivi, sans compter les rumeurs, qui ont rendu littéralement « dingue » une partie de la population, déjà traumatisée. Au point que certains ont essayé de fuir à n’importe quel prix, prenant d’assaut les avions chargés des évacuations sanitaires et s’entassant devant les grilles de l’aérodrome français…. Le pire exemple au rayon rumeur qui panique a été celui de la fausse « story » de l’évasion de 250 détenus de la prison hollandaise de l’Ile. Cette rumeur complètement folle et anxiogène a été un temps confirmé par la gendarmerie française! Cela en dit long sur l’état des communications et des relations entre les autorités néerlandaises et françaises de l’Ile…
Là, c’est vraiment allé beaucoup trop loin, avant que ne vienne le démenti officiel. A Paris, un responsable de la Sécurité Civile reçoit même en ces heures de « grand bordel » un message alarmiste. Un de ses correspondants se demande s’il ne faudrait peut-être arrêter d’’ envoyer des matériels de secours, et des vivres, à Saint-Martin parce qu’il n’y a pas de forces de sécurité suffisantes pour protéger les dépôts…
Bref pendant plusieurs jours,, çà a tangué sec, jusqu’à l’arrivée des premiers renforts, par les airs er la mer. Ils se sont déployés tant pour sécuriser les lieux, que pour apporter toute forme de soutien. et faire observer un couvre-feu tardivement déclaré. Les pillards semblent désormais avoir disparu. Certains ont été arrêté, mais le problème est que d’ordinaire, contrairement à ce qu’il se passe en « territoire néerlandais, il n’y a pas de prison. Normalement l’ile française de Saint-martin, envoie ses délinquants vers la Guadeloupe fin qu’ils y soient jugés. Nouveau casse-tête logistique donc… Car il y a d’autres priorités en terme de transports. Et puis l’absence de communications fait que bon nombre de gens ignorent que l’essentiel du danger est passé, ou craignent que cela ne reprenne.
La situation (à l’heure où ces lignes sont écrites) reste très difficile et la survie quotidienne un combat. Manque d’eau, risques d’épidémies, très peu d’électricité, routes toujours coupées, zones encore inondées, certaines restant inaccessibles. Les experts espèrent l’arrivée rapide de médicaments de première nécessité, notamment de vaccins anti-tétaniques (en pénurie absolue). D’hommes et de matériel et de denrées de première nécessité.(comme des bâches pour protéger les maisons n’ayant plus de toit. Il faut répondre à l’urgences,restaurer le calme dans les esprit. Et la confiance. Faire face désormais à l’immense défi humanitaire. Car la colère de bon nombre d’habitants, échaudés par les manquements de la France dans sa gestion de crise, n’est pas encore retombée. « Nous on fait pas de politique, ni de polémiques, On essaye de mettre la gomme » dit simplement un militaire pour tenter de rattraper le temps perdu ». De fait une amélioration sensible au plan sécuritaire, est palpable. Même si on est loin du compte: Des habitants racontent que la tension est forte dans les files d’attentes, ou certains sont armés. D’autres que des camions de vivres ou d’eau sont pris d’assauts. L’un tombé en panne a été « pillé » en quelques minutes.
Désormais, alors que la donne humanitaire est revenue au premier plan, c’est l’incapacité des autorités à combler rapidement les besoins immédiats en eau potable, et encore un sentiment d’insécurité vivace, qui nourrissent l’exaspération de la population de Saint-Martin.