Barcelone: Après l’attentat, radiographie d’un réseau de la terreur jihadiste.

Publié le 20/08/2017 à 16h17 | Alcanar, attentat, Barcelone, camionnette-bélier, Etat Islamique, explosifs, jihadistes, marocains, Mosos, Rambla, Ripoll, TATP, terrorisme | Écrire un commentaire

Barcelone, enquête, reportage.

La Police en a désormais la certitude. L’équipe d’une douzaine de jihadistes, qui a frappé à la camionnette puis à la voiture-bélier, à Barcelone, puis à Cambrils, préparaient une offensive imminente d’une ampleur bien plus importante. Devant frapper à l’explosif une ou plusieurs cibles.

Parmi ces cibles, des éléments de l’enquête et des indices recueillis dans la « maison conspirative » située à Alcanar (200km de Barcelone) semblent indiquer que la cellule avait envisagé à l’origine – notamment – de viser comme cible principale, la «Sagrada familia », immense édifice au 18 tours. La basilique avait d’ailleurs été évacuée juste après l’attentat… et c’est aussi en son sein que s’est tenue aujourd’hui une grande une messe en l’honneur des victimes, à laquelle assistait notamment   le Roi d’Espagne et son épouse, une cérémonie placée sous très haute surveillance.

L’édifice religieux et touristique est toujours très fréquenté, et visité quotidiennement par des touristes du monde entier. (plusieurs millions chaque année). Selon les policiers espagnols, 3 camionnettes bourrées d’explosifs, auraient pu frapper simultanément la basilique. Des documents relatifs à la basilique, mais aussi au complexe portuaire de Barcelone ont été retrouvés dans les ruines de la ville d’Alcanar, qui servait de pur QG logistique. Les policiers étudient cette hypothèse comme celle d’une attaque multi-cibles simultanées.

Comment une « erreur technique » a bouleversé les plans initiaux de la cellule jihadiste…

C’est dans la villa d’Alcanar qu’étaient stockés plus d’une centaine de bombonnes de gaz ! Et que certains membres de l’équipe jihadiste préparait du TATP, explosif très prisé des jihadistes. (utilisé notamment lors des attentats de masse de Paris et de Molenbeek ). Le TATP est connu pour être ultra-puissant, dévastateur, mais ultra-volatile aussi. « Si les étapes menant à sa cristallisation, à température ambiante, ne sont pas respectées scrupuleusement, il peut exploser lors du processus de fabrication, comme lors de son transport » explique un démineur. Le terroristes palestiniens qui sont les premiers à avoir utilisé le TATP pour des attentats-suicides. l’ont surnommé « Satan’s mother », la mère de Satan. A plusieurs reprises, les kamikazes sont morts du fait de l’explosion de leurs bombes, avant qu’ils n’atteignent leurs cibles.

C’est justement l’erreur de manipulation de deux des jihadistes qui a provoqué une explosion terrible, ravageant la maison d’Alcanar, mercredi dernier. L’un est mort, l’autre grièvement blessé. L’explosion a semé la dévastation jusqu’à des dizaines de mètres à la ronde! Dès lors, la cellule bouleverse ses plans. Le lendemain, l’équipe ayant compris qu’elle va être découverte passe à l’action, usant d’un plan B. Ayant perdus leurs explosifs, ils utilisent les vans loués comme armes par destination. Frappant d’abord la Rambla, les Champs-Elysées de Barcelone. Un Van a fauché plus d’une centaine de personnes sur la voie piétonnière Un autre véhicule attendait pour assurer la fuite du conducteur du Van.

Une Audi A3, a forcé un barrage à la sortie de Barcelone, blessant 3 policiers. et rejoignant la cité balnéaire de Calmils où ils disposaient d’une autre cache. « Mais ils étaient déjà pistés, et lorsqu’ils ont appris que des forces de police convergeaient vers la cité, ils se sont lancés dans un dernier baroud, en fonçant à nouveau avec un autre véhicule sur des passants, avant d’être abattus. Ils étaient alors équipés de fausses ceintures explosives et armés de poignards et de machettes » lâche un enquêteur Même si le bilan des deux attaques est déjà terrible, il faut savoir qu’il aurait être infiniment plus élevé » .

En l’état, les autorités espagnoles estiment que la cellule est totalement démantelée et hors d’état de nuire, même si des hommes sont encore recherchés. 4 suspects sont en détention, 5 terroristes ont été tués. deux sont des « Wanted ». Tous ceux qui été identifiés ont d’une extrême jeunesse. De 17 à 25 ans ! « C’est là où ca devient difficile de prévenir ce type d’actions de déceler des signaux d’alarmes et de démanteler en amont dit un expert du renseignement espagnol. La cellule avait ses QG hors de Barcelone, dans des petites villes où ils ont monté leur affaire clandestinement. Aucun n’avait d’antécédent lié à des enquêtes terroristes. Ils étaient d’une grande prudence. Rien ne trahissait leur basculement ». Dans la petite ville de Ripoll ou tout le monde se connaît, (7 des jihadistes en sont originaires) c’est la stupéfaction. Reste qu’un imam local de cette commune est activement recherché. L’imam Abdelkabi el satis, qui selon plusieurs témoins, excercait un ascendant moral très fort sur les jihadistes identifés. L’homme faisait ses prêches dans un bâtiment comptant un garage transformé en mosquée de fortune.

 

Il a disparu mardi dernier. Considéré comme le « leader spirituel » du groupe, mais ayant aussi peut-être des compétences « techniques », Il a peut-être trouvé la mort dans l’explosion de la maison d’Alcanar. C’est une hypothèse sur laquelle se penchent les enquêteurs. Ils attendent le résultat des analyses ADN.

Un autre suspect important est en cavale. Il s’appelle Younes Abouyaaqoub. L’enquête le désigne désormais ce jeune marocain de 22 ans, venu aussi de Rippol, comme étant celui qui pilotait la camionnette-tueuse sur la Rambla.

 

L’enquête et la chasse à l’homme se poursuivent donc. Pendant ce temps, la population et les touristes de Barcelone, sont revenus sur la Rambla. Le mot d’ordre ? Non tenim Por » « we are not afraid », « nous n’avons pas peur ».

 

Il est conjugué dans toutes les langues. « Pas question que l’on change notre mode de vie dit un habitué. Ni que Barcelone change de visage. «  Nous avons vaincu Franco, résisté aux offensives terribles d’ETA, surmonté l’attentat d’Atiocha perpétré par Al Qaeda (200 morts) en 2004. Nous ne céderons rien à ceux qui se revendiquent où s’inspirent de l’état Islamique. Ils ne ne passeront pas ! Et Barcelone restera une ville ouverte. Pas question de la bunkeriser, ni d’installer de la défigurer avec des plots ou autres protections au demeurant parfaitement inutiles, tant il y a de cibles, et de modes opératoires possibles. Nous resterons une ville ouverte, une ville d’accueil, une ville de fêtes et de joies, une cité pluraliste, mutli-culturelle et ethnique, joyeusement cosmopolite, une terre de tourisme et d’échanges. C’est le plus bel hommage que nous pouvons rendre aux victimes de l’horreur »

Frédéric Helbert