SEP-SORTS: Carnage à la voiture bélier. Un tueur au double visage. Reportage.
Publié le 16/08/2017 à 03h13 | aveux confus, Carnage, conducteur-tueur, David F., double visage, GAV, gendarmes, Information judiciaire, Justice, meurtre aggravé, Pizzeria, Procureur Maux, Seine et Marne, Sep-sorts, troubles psychotiques, voiture-bélier | 1 commentaire
Retour sur les lieux d’un crime odieux et terrifiant. Au bord, d’une route nationale, une petite zone commerciale plantée sur le bitume. Quelques restaurants alignés, Les habitants d’une bourgade du coin viennent d’habitude régulièrement grignoter une pizza en famille. Les plus jeunes sont assidus du MacDo voisin. L’endroit est d’ordinaire tranquille, l’ambiance y est conviviale. Aujourd’hui, la zone est déserte. Morte. Figée dans la douleur et la stupéfaction . Le Lieu a été le théâtre d’une effroyable tuerie. Une invraisemblable attaque à la voiture piégée.
D’autres, appartenant à l’unité de recherche criminelle s’efforcent de retracer précisément le parcours de la voiturée devenue une arme de mort. Aucune trace de freinage, un virage à angle droit pour dévaster la terrasse et défoncer la façade du restaurant. Une vaste bâche noire masque la devanture de l’établissement ravagé. Devant une petite barrière, quelques bouquets de fleurs déposés par des anonymes en hommage aux victimes, dont certaines, encore en état d’urgence absolue luttent contre la mort.
A quelques minutes de là, dans la commune de la Ferté sur Jouarre, « ville fleurie », en ce 15 aout, les rues sont vides. Le silence règne. Les quelques personnes croisées sont sous le choc. La bugrane est assommée. Le sentiment général qui domine est l’incompréhension. Incompréhension mêlée d’un immense désarroi. Car David P., le tueur fou, est décrit par tous comme un homme gentil, charmant, calme, souriant, intelligent et à la compagnie agréable. Il n’est personne, personne qui n’ait pu imaginer les tourments intérieurs qui ont amené cet homme à devenir « un monstre » lâche une voisine avant de fuir tête baissée. « On a honte dit un autre mais comment on aurait pu deviner ? Il ne nous a jamais montré le moindre signe qui aurait pu nous alerter ».
Dans une rue excentrée, des villas alignées. David P. habitait au numéro 32, une bâtisse de plein pied, dont les grilles sont hermétiquement fermées. située juste en face d’un vaste jardin potager qu’il aimait à cultiver avec 2 voisins proches. Ceux-là acceptent de venir parler. Parfois en pleurant.
Le geste fou de David P les sidère. « C’était un garçon en or raconte l’homme. Il travaillait comme agent de sécurité. On le voyait partir le matin en costume, toujours bien sapé. Il était agent de sécurité à Paris. Il était en arrêt de travail depuis quelques temps. Il était tombé et s’était esquinté à l’épaule. Du coup, il ne touchait plus que la moitié de son salaire, il avait aussi des soucis avec sa petite amie, qui ne vivait pas avec lui. On ne la voyait que le week-end. Mais cela n’altérait pas sa bonne humeur, sa serviabilité, sa gentillesse. On pouvait toujours compter sur lui, » dit l’homme. Isabelle, elle est abasourdie. « Je l’ai vu à 19h40 ! Une heure et demie avant la tragédie. Il sortait de chez le voisin. Je lui ai donné des légumes du jardin. Il m’a souri, et m’a lancé : «A demain ! On mangera des gâteaux ensemble, je lui ai répondu OK pas de problème». L’homme surenchérit : « Moi, je l’ai croisé plusieurs fois dans la journée. J’ai jamais pensé une seconde qu’il pouvait s’être drogué où avoir pris des médicaments. On a parlé comme d’habitude. C’était un gars intelligent. On ne peut pas penser une seconde qu’il était dépressif, non, pour nous il ne l’était pas. Maintenant peut-être qu’il « cachait son jeu ». Y’a plein de gens qui sont dépressifs et qui le cachent. Mais vraiment nous, on a rien vu.Ca fait 13,14 ans qu’il était là, et y’a jamais eu un problème. Je ne l’ai jamais vu boire d’alcool. Avec nous il buvait toujours du jus de fruit. Non vraiment, Il est resté comme on le connaissait jusqu’à la dernière minute »…«Adorable et le cœur sur le main. Je le dis, je l’aimais beaucoup, et j’en ai gros sur la patate, insiste s voisine. Je comprend pas pourquoi il m’a parlé de rien, Je comprends pas ce qui s’est passé, vraiment pas dit elle en sanglotant. Pour moi c’est un mystère absolu »
Un mystère que les enquêteurs n’ont pas éclairci. Le Procureur-adjoint de Maux reçoit les journalistes en fin de journée au cœur du Palais de justice désert, flanqué des gendarmes qui dirigent l’enquête. Et c’est un tout autre individu que celui décrit par ses voisins, dont il parle. « Les auditions sont très compliquées » confie le magistrat. Il évoque un homme malade, délirant, confus qui souvent ne répond pas aux questions. « Il souffre de délires de persécution, il croit qu’il était suivi, épié par les gendarmes. On a beaucoup de mal à le saisir. Il a évoqué une( pseudo) première tentative de suicide la veille du drame. Il a avalé 2 boites de médicaments, (de l’Antaren et du Dafalgan codéiné) mais en sachant que ces médicaments ne pouvait le tuer. Alors après avoir évoqué une tentative de suicide, il dit qu’il les a pris pour se sentir mieux. Lorsqu’on lui demande pourquoi avoir le lendemain choisi la Pizzeria pour procéder à cet acte là, il explique que c’était un lieu facile d’accès, sans protection et sans sécurité particulière mais il nous explique également que très peu de temps avant de se décider à commettre son acte là, il ne devait plu se rendre dans la zone commerciale avait prévu de partir à Paris. Il se décrit comme « hors-contrôle » au moment des faits. Il est très confus quant aux mobiles. Il dit que s’il va en prison, il se sentira protégé. Il n’était pas suivi sur le plan psychiatrique. Il s’est déclaré très gros consommateur de stupéfiants, ayant commencé à l’âge de 9 ans. A la fin de sa garde à vue une information judiciaire sera ouverte et Il sera présenté à un juge d’instruction ».
Le magistrat de Meaux ‘a pas la maitrise ni l’expérience d’un François Molins. il n’est pas un communicant hors-pair. Et au vu de la difficulté avouée des auditions, si la question essentielle d’une hypothèse terroriste a été évacuée d’emblée, bien des questions demeurent. L’identité du meurtrier présumé qui circule partout tant sur le web que dans la rue? Le Procureur refuse de la confirmer. Pourquoi avoir choisi le mode opératoire de ciblage de la pizzeria ? Pas de réponse. Pourquoi le conducteur-tueur n’a pas été examiné d’entrée par un médecin psychiatre ? Pas de réponse, si ce n’est celle qui ne cadre pas avec la procédure : il le sera vu par un expert demain. Une source proche de l’enquête me confiera en aparté, qu’en fait, l’état de grande confusion mentale, et l’évidence de troubles psychologiques, pour ne pas dire psychotiques, graves immédiatement constatée par des néophytes aurait du conduire à conclure que l’état de David P. n’était pas compatible avec un placement immédiat en garde à vue. Et que pour le bien de l’enquête elle aurait du être différée, mais précise t-il « la pression de la hiérarchie, du pouvoir politique, et de la « vox populi » ont joué. Au vu de l’horreur du crime et du bilan terrible, c’eut été une révolution si l’auteur du carnage n’avait pas immédiatement été placé en garde à vue . Et la pression a fait que David P a été déclaré pénalement responsable, et qu’officiellement, aucune abolition du discernement n’a été décernée »… ‘Stupéfiant’ dit sans rire un psychiatre expert près la Cour d’Appel de Paris.
« Reste dans ces conditions de nombreuses zones d’ombres à éclaircir. Tant le Procureur que les gendarmes saisis de l’enquête le savent. Comment un homme a pu vivre une descente aux enfers psychologique pour finir en tueur de masse, en dissimulant tout à son entourage, pendant des années, jusqu’au moment ou « la bombe hors-contrôle » a explosé, semant la mort et la dévastation sur sa route. « Les questions trouveront-elles un jour une réponse, tant cette histoire échappe au rationnel ? » Les gendarmes encore poursuivis par les images du bain de sang se sont promis de tout faire pour résoudre l’énigme d’une terrifiante tuerie de masse.