Frédéric HELBERT, journaliste d'investigation

Notre rôle n’est pas d’être pour ou contre, il est de porter la plume dans la plaie. (Albert Londres)


Incendies: Après la tornade de feu, la vie reprend, la menace demeure. Reportage

Publié le 29/07/2017 à 16h06 | , , , , , , , , ,  | Écrire un commentaire

A Bormes-les-Mimosas, la vie reprend son cours, mais le risque reste au niveau maximal.

vue générale

REPORTAGE

Au coeur d’ une rue calme, une bâtisse blanche, l »’hôtel de la Parenthèse» idéalement situé à deux pas du port de Bormes-les-Mimosas. L’accueil y est charmant mais  le réceptionniste s’agace : « On allume la télé, et on voit encore des images d’incendies déchainés , alors que tout est éteint depuis 2 jours et qu’aucune infrastructure dédiée au tourisme n’a été touchée, que tout est accessible dans le village, sur le port  et la plage! Mais je passe mon temps maintenant à rassurer au téléphone les gens qui nous appellent, qui ont réservé et s’inquiètent, renoncent  même parfois ». Si l’hôtel de 30 chambres affiche complet pour le week-end, une quinzaine d’annulations de séjours, au mois d’aout, et début septembre a déja été enregistré. « Pour un petit hôtel comme le notre, ca fait beaucoup et çà fait mal ». Sur le port, pourtant, les touristes sont bien là, revenus après l’enfer. La plage est prise d’assaut. Les vendeurs de glace font du chiffre et dans le ciel, à l’ancienne, des petits « coucous » traitant des banderoles publicitaires ont remplacé les Canadairs…

A l’Office du tourisme, c’est  d’ailleurs « l’insurrection » contre « les journalistes » et les chaines d’infos, « qui en font beaucoup trop » se plaint une charmante hôtesse. « Tout va bien » ne cesse de t-on de répéter en boucle à l’office.

« Tout va bien, C’est vite dit » rétorque un des experts de la Préfecture du Var. Certes nous avons pu évité le pire, la ville en elle même n’a pas été touchée, aucune victime n’est à déplorer, mais les dégâts dans une nature réputée merveilleuse, et faisant l’attrait de la région sont considérables.  Et la menace reste très, très présente. Le Préfet a même émis un avis d’alerte générale  pour le week-end. La canicule va persister, le vent va repartir. Le risque que les incendies suivent est malheureusement bien là ».

l'avis d'alerte émis par le Préfet du Var.

l’avis d’alerte émis par le Préfet du Var.

Evidement, cette carte, badigeonnée de rouge vif, qui fait état partout, dans pas moins de 9 massifs forestiers, d’un risque incendie qualifié de très sévère », n’est guère engagent. Une commerçante qui avoue avoir vécu un début de saison mitigé trouve çà « too much »… « Mais nous n’avons pas le droit de méconnaître le risque où de le dissimuler » dit un expert de la protection civile. Ce serait criminel de notre part ». Nous sommes en état d’alerte quasi-maximale, et ça va durer’… 

pompier

Comme pour en témoigner, planté sur le sommet d’un massif ravagé par les flammes, juste à la sortie de la ville un pompier guette. « Nous avons des équipes (DIPS) un peu partout comme cela. Il fait tellement chaud qu’on se relaie toutes les heures. Au rayon pronostic, le pompier, fait la moue. C’est pas très bon pour dimanche, le canard qui tape fort, et le vent risque de prendre de la vigueur. La région va devoir vivre avec le risque tout l’été ». Mais pas question de jouer les oiseaux les « Cassandre ». Tout est fait pour que les soldats du feu, soient en mesure de « riposter » à la moindre offensive du feu qui viendrait. Les renforts venus de tout le pays, tous les départements de France, sont là. Certaines colonnes ont traversé l’hexagone, pour arriver dans la région. « On a roulé 15 heures, quand l’alerte a été déclenchée » racontent des hommes arrivés avant-hier soir de l’Essone! Et on s’est reparti le boulot pour permettre aux unités locales de souffler un peu ».

Aux abords de la ville, les pompiers Meurthe et Moselle, goutent un peu de répit. « J’allais partir en vacances. 2 heures plus tard j’étais à la caserne raconte un volontaire. Entre la préparation et la route, on a mis 18 heures pour atteindre le site, et nombre d’entre nous ont été engagés immédiatement. Ce qui fait plaisir à voir, c’est qu’on a été accueilli merveilleusement. Depuis qu’on est là, les gens viennent spontanément vers  nous. Ils nous apportent des boissons, des vivres, des cadeaux, nous félicitent, ça fait chaud au coeur. On est bien loin ici des traquenards des bandes de banlieues! »

accueil pompiers

pompiers au repos

Répartis dans toutes les zones sensibles, prêts à intervenir à la moindre, alerte, les pompiers, professionnels où volontaires, sont fêtés comme de véritables  héros. Ils savourent modestement le sourire aux lèvres, en se gardant bien de rentrer dans tout débat à « caractère politique » sur la puissance des moyens engagés.

homage pompiers

Dans un bar du centre-ville, les éloges venus des habitants pleuvent : « Ce sont vraiment des gens formidables qui ont fait un boulot formidable dit Eric, 48 ans, commerçant. Penser que malgré l’intensité des feux, il n’y a pas eu une seule victime, c’est dingue non ? Eh bien c’est grâce à eux, et aux pilotes d’avion anti-incendies ». La palme de l’héroïsme et de l’efficacité est décernée aux Canadairs. « Ce qu’ils ont fait c’est de la haute-voltige Monsieur, dit un agriculteur à la peau tannée. Presque 300 rotations, assure t-il pour venir à bout des flammes. Je les ai vu moi, affronter le vent et les flammes,  A bloc et à la limite des possibilités. Ce sont des cracks ! ».

L’Etat et les écologistes fustigés.

A l’inverse de tous les personnels militaires où civils qui ont été engagés directement contre le feu, l’Etat, le gouvernement en prennent eux pour leurs grades. « On interdit aux pompiers de parler ! Mais moi je vais vous dire la vérité s’emporte un habitué, ancien rugbyman: La France nous fait de la peine… Comment est ce possible que des Canadairs soient cloués au sol ? Que la maintenance ne puisse être assuré correctement ? Alors on construit des Rafale, des Airbus, mais on n’est pas foutu de bâtir un bombardier d’eau ? Où de mettre au point une vraie flotte européenne anti-incendies ? « Macron, il nous vante et nous vend l’Europe de la Défense, avec des trémolos dans la voix. Mais quand il faut agir, plus personne ! Et Pourtant ca brule de partout ! En Espagne, en Italie, en Grèce, au Portugal… Qu’il fasse l’Europe de la Défense contre le feu ! Au lieu de cela, il nous envoie le premier Ministre qui vient nous expliquer qu’on va acheter des Dash. Mais ce sont des avions qui lâchent du retardateur, et ca prend du temps, et si y a pas le Canadair qui passe derrière, ça sert à rien ! Tout çà c’est de l effet d’annonce, mais c’est du n’importe quoi  ».

L’éternel débat sur le « débroussaillage » revient aussi dans les conversations. « Les écolos font régner leurs lois, on en fait pas assez, mais on nous explique qu’il ne faut pas bousculer l’ecco-système. « Moi je préfère sacrifier des grenouilles à des humains ! Et puis là, maintenant que tout a brulé, ben tous les petits animaux y sont passés, grenouilles comprises ! ». « Non vraiment, enchaine un autre, les Politiques sont incorrigibles. Et les écolos comprennent rien. Combien d’années va t-il falloir pour reconstruire le paradis végétal qui est parti en fumée  

?A quelques kilomètres de la Bormes-les-Mimosas, voilà soudain un sentier de terre qui grimpe vers les hauteurs. et d’ou l’on aperçoit au loin le fort de Breganceeon.  La tristement bien nommée « montée de l’enfer ». Un chemin touristique d’ordinaire très prisé et déserté. Interdiction y est faite d’y circuler.

la "montée de l'enfer"

la « montée de l’enfer »

De part et d’autre du chemin, plus on monte, plus on prend la mesure de l’ampleur du désastre. A perte de vue, des paysages lunaires. Des massifs et des vallées, transformées en cendres. Seuls les chênes-lièges ont résisté, et ressemblent à autant de squelettes dressés dans un paysage lunaires. A perte de vue, des étendues ravagées pr le feu, qui ont ramené quantité de sublimes massifs forestiers à des cimetières végétal.

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Un été de tous les dangers ?

Plus haut, soudain, un petit groupe de touristes, qui ont été sauvés des flammes en évacuant à temps. « L’organisation a été impeccable explique une jeune femme, et les pompiers ont fait un travail de titan, mais je me souviendrai longtemps de cette nuit passée dans la voiture, sur un parking municipal de Bormes-les-Mimosas. On était noyée sous une épaisse fumée noire, derrière lesquelles des flammes immenses jaillissaient. On avait perdu la notion des distances, du coup on pensait que le danger était à deux pas. On a eu une peur bleue. Le Lendemain, c’était fini, et on a pu regagner notre maison de location nichée sur les hauteurs. Pas question d’annuler les vacances ! On sait que l’on peut compter sur des vrais pros, des gens admirables, si jamais la menace resurgissait  Là on est venu leur rendre hommage à notre manière ». Petits et grands se recueillent devant la stèle érigée en 1990, au carrefour de trois sentiers, là ou 3 pompiers volontaires et un civil avaient été emportés par les flammes. Derrière la stèle, un vieux camion d’époque, alors pris au piège et ravagé par le feu. 

receuil

« La preuve dit un haut-responsable des Pompiers du Var que nous dansons toujours sur le fil, même si les équipements de sécurité ont évolué. Il ne faut jamais oublier que quelque soit l’origine du feu, il est un ennemi mortel qui peut tuer en un instant, et prendre la vie, aussi bien celles des femmes et des hommes qui sont prêts au sacrifice ultime que celle des habitants du coin. Il est même nécessaire de le rappeler, car la saison commence, et nous restons toujours en zone rouge, rouge vif même »…. L’homme est soucieux. Il dispatche ces équipes destinées à sonner l’alerte au cas où. « Jusqu’à présent, on a tout maîtrisé, quelques départs de feux, sont à nouveaux intervenus, là où ca avait déjà brulé. On est intervenu aussi vite que possible. Mais il suffit de pas grand-chose s’inquiète le professionnel endurci. Un nouvel embrasement général et multiple est toujours possible. « Il va falloir être vigilant chaque jour, 24 heures sur 24, dans le Var, le Haut-Var, Les Bouches du Rhône, la Corse bien sur, partout. Ca peut tenir bien sur, mais il ne faut pas se voiler la face : Le plus dur n’est pas forcément derrière nous. On est dans une configuration ou le risque reste maximal. C’est ce qu’on appelle un « été de tous les dangers ».

Frédéric Helbert

A suivre.


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À propos de l'auteur

Grand-reporter de guerre, (souvent), journaliste d'investigation, multi-médias, tous terrains, membre de l'association de la presse judiciaire, passionné par les phénomènes terroristes depuis le début de ma carrière à Europe11. Tropisme assumé pour le Moyen-Orient et la péninsule arabe-musulmane. Jamais rassasié d'infos,  accro à tous types d'enquêtes et reportages, j'aime explorer le dessous des cartes de dossiers sensibles. En toute liberté. Vos témoignages, vos infos, vos commentaires sont  bienvenus!

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