Attaque Notre-Dame: Une bascule en Solo indétectable. Infos, analyse
Publié le 11/06/2017 à 04h21 | Al Qaida, Beghal, Daech, DGSI, Emmanuel Macron, Etat Islamique, Farid Iken, Internet, islamistes, Jihad, Karim Cheurfi, Larossi Aballa, Molns, Notre-Dame, radicalisation, Renseignement, Web, Xavier Jugelé | Écrire un commentaire
Notre-Dame: Un attaquant solitaire, auto-radicalisé, inconnu au bataillon jihadiste. Le casse tête du recrutement de Daech via le Web. Les différentes strates de la menace. Les armes pour l’endiguer…
Après 4 jours de garde à vue, l’enquête sur Farid Iken l’auteur de l’attaque de Notre-Dame, avortée du fait de sa pauvreté tactique, et de la réaction des policiers visés confirme la thèse d’une action préméditée par un homme seul, sans aucun contact direct, avec l’état islamique, ni lien avec la mouvance jihadiste. C’est l’histoire de l’auto-radicalisation en vase clos d’1 « intello » via internet. Et d’un projet terroriste raté au bout du compte, tant celui qualifié de « néophyte » s’est montré peu adroit, à tous niveaux: La préparation, la planification, et la réalisation.
L’enquête effectuée dans l’entourage de Farid Ikken montre que l’homme est issu d’une famille algérienne kabyle, peu pratiquante. Qui plus est tous ceux qui connaissaient le « doctorant » en sciences de la communication, n’en sont toujours pas revenus. Ses frères, ses cousins, ceux qui l’ont côtoyé dans le cadre universitaire, tous sont unanimes: Aucun signe n’a permis de détecter chez un homme décrit comme ouvert, occidentalisé, instruit, cette auto-radicalisation solitaire. Farid Ikken était d’ailleurs totalement inconnu des services de police, de renseignement. Pas de casier judiciaire, pas la moindre fiche, aucun signalement., il n’était même pas de ceux que l’on étiquette « signaux faibles » .Avec lui c’était zéro signal. dit un enquêteur. D’où la difficulté extrême soulignée par le Procureur Molins de démasquer ce type d’individus en amont.
Dans une note de 10 pages, rédigée par un expert du contre-terrorisme de terrain, et ayant nourri la réflexion de la cellule politique du mouvement « En Marche » chargée de « muscler » la connaissance d’Emmanuel Macron des phénomènes terroristes et jihadistes, ce type de profils est décrit précisément. L’expert pointe l’existence de cette catégorie d’hommes, qui n’ont pas de gourou, de mentor, de guide, de connexion établie avec EI et se débrouillent tout seul. « Ils n’ont pas de passé islamiste, une connaissance très limitée des principes de L’Islam radical », Le web est là pour leur permettre de se former, tant idéologiquement que techniquement pour les amener à se rallier à la « cause. l’impact démultiplié du net tant dans le processus d’adhésion et d’endoctrinement est une constante pour ceux là ».
Farid Ikken appartient à cette catégorie. Il représente le niveau le plus difficilement détectable de la menace. Son itinéraire bat d’ailleurs en brèche l’idée qu’il n’y a pas de « loups solitaires »… Car en l’espèces, aucune complicité n’a été établie, aucun lien avec un quelconque mentor non plus. Personne ne l’a amené sur le terrain jihadiste, il y est allé seul. L’exploitation des supports numériques et téléphonique saisis, révèle ainsi que l’attaquant de Notre-Dame a mené une démarche totalement « solo ». Comme un universitaire méthodique, il s’était d’abord abondamment « documenté », abreuvé de propagane. Ont été retrouvés par les experts de la cyber-police, des manuels de formation, notamment un au « combat asymétrique » édités par les services de propagande de l’état Islamique, et signés « l’équipe des loups solitaires du Jihad », mais aussi de nombreux textes issues de revues facilement accessibles sur le net, comme « Dabiq ». Ainsi que des images et des vidéos à la fois de combats en Syrie, mais des images aussi des attentats du Bataclan, de Bruxelles ou encore de Mohamed Merah, qui reste encore une « référence » pour nombre de jihadistes où apprentis jihadistes.
Dans un appareil photo a été retrouvée une vidéo d’une minute, d’allégeance à Daech, ou Farid Iken, lit un texte le doigt tendu vers le ciel, avec en arrière-fond, non pas un vrai drapeau de l’état islamique, mais une photocopie papier dudit drapeau! Cette vidéo « cheap », au matin de son action, Farid Iken a tenté de l’envoyer via « Telegram » à n’importe quel jihadiste susceptible de la relayer, mais sans y parvenir…
Quant à son action, dont la stratégie s’est avérée confuse, elle a été menée avec un marteau, (et des couteaux qui n’ont pas servi) achetés dans un supermarché parisien. Une stratégie d’attaque frontale des policiers, plutôt que de s’en prendre à la foule nombreuse, et beaucoup plus vulnérable… On sait que le sang-froid et la maitrise de ces policiers, malgré leur jeunesse, a permis d’éviter un drame.
Donc tant la volonté de rendre publique sa vidéo d’allégeance, que l’attaque du « néophyte » du terrorisme ont été mises en échec. Echec global donc, donc, sauf quant au « coup de com », puisque le monde entier a rendu compte de cette attaque ratée. Une surmédicalisation provoqué par une sur-réaction des services de sécurité parisiens, en vertu du principe de précaution… « En d’autres termes, on a servi la soupe à un tocard esseulé du Jihad regrette un haut-responsable policier…
les enquêteurs attendent désormais l’expertise psychiatrique de l’homme, qui a été mis en examen et écroué. Mais déjà certains pointent le fait que Farid Iken, qui a monté sa petite entreprise de terreur en solo, aurait pu être été conduit à cette démarche du fait d’une grande solitude, d’une absence de vie sociale, et de perspective d’avenir. Malgré son CV et son niveau intellectuel brillant, ses ambitions personnelles ont souvent été déçues. « Il voulait « mourrir en martyr » selon un des enquêteurs qui l’ont interrogé. C’eut été son heure de gloire ». Mais là encore la maitrise du feu des policiers agressés aura contrarié ses desseins ».
Son « cas » pose encore une fois le problème de l’attractivité incroyable que peut exercer la propagande écrite et vidéo de l’état islamique, et la facilité excessive d’y accéder via le net. « C’est là où il faut chercher des parades dit un juge spécialisé. C’est là où on patauge encore. L’état français, le gouvernement n’ont d’abord pas la capacité de contrôler le flux du net, et sa riposte en la matière, avec des vidéos ou des clips, ne sont vraiment pas à la hauteur et ne font pas le poids face aux productions propagandistes des jihadistes » . « Ce défi là reste à relever » souligne encore l’expert dans sa note de 10 pages rédigée un mois avant l’élection.
Dans cette même note, le rédacteur- qui a lui-même traité de tous types de dossiers, et participé au démantèlement de réseaux entiers, recense par ailleurs les autres catégories d’ individus, composant le vaste spectre de la menace. Il y a les personnes sans expérience initiale, sans vraie connaissance du fait religieux, mais plus ou moins connus des services de Police ou de Renseignements, et facilement manipulables pour une raison où une autre. Ceux-là, endoctrinés rapidement, pilotés par l’état islamique sans pour autant s’être rendu au « Cham », en terre de Jihad, peuvent passer très vite à l’acte en commettant les pires atrocités. Sans que les services français soient parvenus à détecter leur dangerosité réelle. C’est à cette catégorie qu’ont appartenu des hommes, jeunes, comme les assassins du Père Hamel à Saint-Etenne du Rouvray. Où Larossi Aballa, auteur du double assassinat du couple policiers de Magnanville. où Karim Cheurfi, l’assassin du policer Xavier Jugelé où encore les « moujahida », ces jeunes femmes ayant tenté d’organiser l’attentat raté à la voiture « si mal piégée » de Notre-Dame.
Troisième niveau de la menace: des hommes comme ceux arrêtés à Marseille, disposant eux d’une connaissance et d’une vraie maitrise technique, d’une détermination sans faille. Et d’une vraie capacité à se connecter avec la sphère « irako-syrienne »… Dernière catégorie « d’opérationnels », celle des « revenants », les « envoyés spéciaux » de l’état islamique comme l’auteur de la tuerie du musée juif de Bruxelles, où les hommes des attentats du 13 novembre. Ceux- là sont tant que faire se peut, surveillés étroitement par les services français. Mais certains savent échapper aux radars dès lors qu’ils ont décidé de passer à l’action.
Enfin note notre expert, il y a la dormance des grands anciens… Plus âgés ils ont suivi la mutation de la menace jihadistes. Passant des GIA, aux réseaux al qaida, puis à ceux de l’état islamique. On leur reconnaît dans la sphère terroriste, une expérience de terrain, une maturation idéologique, qui leur confèrent une autorité morale, et le statut de cadres dirigeants, de mentors, de recruteurs de haut-niveau. Il en est ainsi d’hommes tel Jammel Beghal, arrêté en 2001 pour avoir voulu faire exploser l’ambassade des Etats-unis à Paris, que l’on retrouvera comme mentor des frères Kouachi, auteurs du carnage à Charlie-Hebdo, où d’autres moins connus comme Said Laidouni. Les anciens opérationnels d’hier, sont devenus les cadres d’aujourd’hui, ayant un solide « bagage religieux, intellectuel et militaire.Ils sont les leviers de la contagion jihadiste en France.
« Tout cela nous indique dit un homme du renseignement français, que tout peut arriver, n’importe quand, n’importe où, et venant de n’importe qui. Et que menace principale est essentiellement endogène, c’est à dire venant de l’intérieur, en grande majorité de citoyens français, où parfois résidents étrangers où bi-nationaux, installés dans l’hexagone, et il ne faut pas leurrer la société française, in nous est impossible de garantir une sécurité pro-active dans l’intégralité de l’espace public. Les annonces politiques se font sur le dos des policiers où des militaires, déjà épuisés, exsangues, et à qui l’on en demande toujours plus. Et encore plus après chaque attentat (réussi ou manqué). Maintenant tient à souligner cette source, il ne faut pas tomber dans la paranoïa et garder raison. Non, La France n’est pas en guerre. La guerre c’est des bombes, des attentats chaque semaine, c’est l’Irak, l’Afghanistan, la Syrie… Là-bas, les attentats de grande ampleur frappent sans cesse, et font des bilans effrayants. Ici, évidement, chaque attentat est un drame, une tragédie pour ceux qui sont touchés. Mais il faut essayer d’échapper à au caractère irrationnel des phénomènes terroristes. Ainsi qu’à ceux qui pour des raisons de basse politique hurlent sans cesse au loup. En termes de bilans humains, il faut rapporter les choses à leur juste mesure. Un week-end chargé de chassez-croisez sur les routes francises peut faire 300 morts! Personne ne viendrait à imaginer pour autant interdire la circulation routière! »
« Le terrorisme d’inspiration jihadique frappe depuis less années 90!. La menace a muté, est aujourd’hui prothéiforme. Une menace que nous devons combattre sans pitié, et sans relâche. Avec et un cap clair. On ne gagnera pas en versant dans le tout sécuritaire, le tout militaire, en se « bunkerisant », se divisant, et en fustigeant telle ou telle catégorie de population. . Pour limiter la casse, et enrayer la contagion, la vraie guerre « se joue » sur le terrain de l’idéologie. A nous de trouver les nouvelles armes, tous ensemble pour vaincre le poison de cette idéologie sanglante et mortifère, qu’est le Jihadisme, que le Web a permis de propager dans le monde entier. Cette guerre là ne fait que commencer! »
Frédéric Helbert