Anis Amri : Radiographie d’une cavale trans-frontières.
Publié le 28/12/2016 à 18h01 | Allemagne, Anis Amri, Belgique, bus, cavale, espace Schengen, France, frontières, Italie, train | Écrire un commentaire
Anis Amri : Le terroriste qui ignorait les frontières. Retour sur 4 jours d’une cavale solitaire à travers l’Allemagne, les Pays-bas, la Belgique, la France, puis l’Italie! Comment? Pourquoi? Par quels moyens? Eléments de réponse.
Le 19 décembre dernier, Anis Amri est à Berlin. A 20h40, il est au volant du camion, un 38 tonnes, qu’il utilise pour semer la mort sur l’un des marchés de Noël de la ville. l’attentat aurait du se solder par une opération suicide. Mais le chauffeur polonais Lukas Urban, laissé pour mort sur le siège passager, après avoir été poignardé, battu, et atteint d’une balle de calibre 22, parvient dans un ultime effort, à faire dévier la trajectoire du poids-lours, qui vire à gauche après 80 m de course sanglante, et cale en biais, après être ressorti du marché de Noel.
Anis Amri, sort donc vivant de la cabine, parvient à s’échapper, en traversant la route. Mais les enquêteurs allemands sur la foi d’un mauvais témoignage arrêtent un réfugié pakistanais, et vont perdre de précieuses heures. Permettant au fugitif d’organiser et de débuter sa cavale.
Le 20 décembre, le lendemain, dans la journée, le premier suspect est – tardivement – dédouané. Entre-temps, les policiers allemands déclarent – tardivement- avoir retrouvé les papiers d’identité authentiques du tunisien, mais pourtant aucune information ne filtre publiquement. Aucune décision prise…
Le 21 décembre, en fin de journée seulement, Anis Amri est enfin officiellement désigné comme le suspect n°1 de l’attentat. Là encore, retard à l’allumage :Ce n’est que vers minuit qu’un avis de recherche public est lancé, assorti d’une prime de 100 000 euros. De cette stupéfiante perte de temps, le terroriste a déjà profité pour se « mettre en cavale » et quitter l’Allemagne. Avant la publication de l’avis de recherche, l’homme dont on sait qu’il possède 8 « alias » et des faux passeports, a déjà réussi dans des conditions restant à déterminer à franchir une frontière, celle séparant l’Allemagne des Pays-Bas.
Ce même 21 décembre au soir, en fin d’après-midi, vers 17h30, (alors qu’il n’est toujours pas recherché, ni connu du grand public) il embarque facilement à bord d’un car de la compagnie Flixbus, en Hollande A destination de la France. Selon la procédure Flixbus, x’est le chauffeur seul qui « check » rapidement tickets et pièces d’identité des voyageurs. Et n’a pas pour vocation à contrôler les bagages.. D’après les éléments qu’ils découvriront plus tard, les enquêteurs détermineront qu’il est monté dans un car dans la ville hollandaise de Nimègue (Niwregen), proche de la frontière allemande et notamment d’un camp de migrants où il était « inscrit », qui met le cap sur Lyon. (et non d’Amsterdam comme initialement annoncé) Aucun bus de la compagnie n’effectue de trajet direct. Une correspondance est obligatoire. Anis Amri a pris le car passant par Bruxelles, pour rejoindre Lyon. ll n’aurait pas pris le risque de prendre celui imposant une halte en territoire allemand (Dusseldorf). C’est donc une nouvelle frontière qu’il franchit en passant des Pays-bas en Belgique ou il arrive le 21 décembre vers 19 h. Il reste 2 heures sur le sol belge, sans être repéré ni inquiété, avant de continuer son trajet vers la France.
Le 22 décembre, peu avant midi, il l arrive à la gare de Lyon Part-Dieu, y achète 1 billet de TGV Lyon-Milan via Chambéry, qu’il paye en liquide vers 13h. (c’est ce fameux billet que les policiers italiens découvriront dans son sac). Les policiers français, ont fini après avoir visionné de longues heures durant les images de télésurveillance, par l’identifier formellement en gare de Lyon-PartDieu. En partance pour l’ Italie. Rodé aux techniques du brouillage de pistes, se sachant alors recherché, il va fractionner son trajet, évitant de rester trop longtemps dans une même rame. Si l’on a cru dans un 1er temps qu’il avait marqué une halte à Chambéry, il s’avère en fait qu’il a attendu le passage effectué sans encombres de la frontière italienne, pour descendre dans la petite ville piémontaise de Bardonecchia. Là, fini le TGV et les grandes lignes, il prend un train régional cette fois à destination de Turin.
A la Gare de Turin, des images de télé-surveillance, rendues publique, le montrent, seul de dos, capuche sur la tête, mains dans les poches, au sous-sol de la gare semi-déserte… Il est alors 22h14.
Puis il remonte dans un autre train à destination de Milan,, quelques heures plus tard, une caméra capte une une autre image à l’arrivée de son train, en gare centrale, portant un bonnet, un sac à dos, marchant tranquillement derrière d’autres voyageurs, preuve que personne ne l’aura reconnu durant le trajet.
le 23 décembre, vers 3 heures du matin, il est repéré par une patrouille de 2 carabiniers (policiers) italiens, errant seul dans une commune de la banlieue de Milan (Sesto San Giovanni) qu’il a rejoint en bus. Non loin d’une gare routière, où l’on suppose qu’il entendait prendre un autre car au petit matin. Sur ce point précis, un mystère demeure d’ailleurs. Des premières informations ayant circulé ont fait état d’une alerte donnée par un habitant du quartier, mais très vite, sans doute pour des raisons de sécurité, cette version disparait. Toujours est-il que c’est la fin de la cavale. Un des policiers demande à Anis Amri ses papiers et ce qu’il fait là. Il répond qu’il est de Calabre, puis instantanément sort son petit pistolet de calibre 22, et tire, en hurlant « bâtards de flics ». Christian Movio est touché à l’épaule. Luca Stata en tir de riposte immédiat l’atteint d’une seule balle qui lui sera fatale.
Dans son sac à dos les policés retrouveront des éléments précieux permettant de retracer son parcours. Le billet de TGV français, Lyon-Turin-Milan, mais aussi une carte de téléphone hollandaise portable (Sim) prépayée, non utilisée. Les investigations permettront de démontrer que cette carte a fait partie d’un lot spécial distribué gratuitement dans le cadre d’une opération promotion pour Noel par la compagnie E Solo, entre le 20 et le 22 décembre, dans les centres commerciaux de 3 villes hollandaises, Breda, Zwolle, et… Nimègue… C’est donc l’exploitation de cet élément qui permettra de retracer la « traversée de la France par Amri.
Ainsi donc, à ce jour, il apparait qu’Anis Amri a passé les frontières de l’Allumage, (de la Belgique), de la France, avant de gagner l’Italie.
Une cavale qui a fait naitre une polémique, animée notamment par des figures de la droite et de l’extrême-droite. Remettant en cause le dispositif Schengen, mais accusant les forces de l’ordre d’avoir failli. La campagne est d’autant plus virulente que le Ministre de L’Intérieur Bruno le Roux, après s’être figé dans le silence, adopte la posture du « no comment »…
« C’est cette attitude qui a mis de l’huile sur le feu, et l’ a attisé. Il est évident que la stratégie de la transparence eut été plus adéquate confie un haut-gradé de la DGPN (Direction Générale de la Police Nationale), ancien patron d’une unité spécialisée dans l’anti-terrorisme. Parce que les policiers, douaniers, où militaires, sont depuis longtemps à bloc. Et qu’on ne voit pas ce qu’on pourrait leur reprocher. Je rappelle que les contrôles renforcées avaient été rétabli aux frontières! notamment les frontières allemandes, belges, françaises. Mais qu’ il n’y pas, qu’il n’y a jamais eu, qu’il n’y aura jamais de filet totalement étanche. C’est une utopie que d’imaginer que l’on pourrait contrôler tout et tout le monde aux frontières. Par ailleurs, on sait que Anis Amri était un champion du changement d’identité, de visage, et qu’il avait plusieurs alias et faux passeports… Il n’est pas monté dans un bus où un train avec un drapeau de Daech, un couteau entre les dents et un bazooka en bandoulière! Il a joué la carte de la discrétion totale. Il ‘était dans une dynamique de fuite. Il n’a menacé personne, n’a jamais essayé de mener une nouvelle action lors d’une cavale menée avec sang-froid. En utilisant des réseaux secondaires (trains, bus). Dans ces conditions il aurait fallu un sacré coup de chance , où coup de pouce du destin pour qu’il soit stoppé. Regardez les photos de l’avis de recherche tardivement diffusé et celles extraites de la vidéo de revendication de l’état islamique! Anis Amri y démontre sa capacité à changer d’apparence .. Et Il n’est pas le premier et ne sera pas le dernier terroriste activement recherché, réussissant à déjouer des contrôles qui ont et auront toujours leurs limites ».
Le haut-fonctionaire estime qu’aucune faute ne peut être reprochée aux divers services engagés dans la sécurisation du territoire. Dans la mesure où Anis Amri n’a pas échappé aux écrans radars dans sa fuite. Il n’y est jamais rentré! Aucun tuyau, aucune info, aucune alerte qui aurait pu être exploitable n’a été négligée. « C’est encore une fois bien en amont, au niveau des services de renseignements, qui ont ignoré des signaux forts, où les ont mal interprétées qu’il faut rechercher les causes d’une « faillite » qui a conduit à l’attentat de Berlin ».
Frédéric Helbert