Entre détermination et impréparation: la story d’un commando Jihad au féminin
Publié le 09/09/2016 à 16h27 | Adnani, attentats déjoués, bonbonnes de gaz, Boussy-Saint-Antoine, commando féminin; femmes de l'état islamique, DGSI, essence, Notre-Dame, Procureur Molins, RAID, terrorisme, voiture piégée | Écrire un commentaire
Le fanatisme jihadique au féminin
Si il est une certitude, c’est que Inès M, bien qu’âgée de 19 ans seulement, s’était radicalisée et fanatisée à l’extrême. A un point tel que cela n’avait échappé ni aux autorités,-elle était fichée S- ni à sa famille. Puisque c’est son père qui avait effectué un signalement de radicalisation. La jeune femme avait déjà cherché l’an dernier à rejoindre le « Cham », le califat, les territoires de l’état islamique en Syrie. Elle avait échoué. Alors elle a suivi le conseil d’Abu Mohamed El-Adnani. Le chef, le stratège, et la voix de Daech jusqu’à ce qu’il soit tué par la frappe ciblée d’un drone US « Hellfire » dans les environs d’Alep le 30 août dernier. Et prêté allégeance à l’état islamique avant de « passer à l’action ».
Adnani avec un pragmatisme féroce, s’était adapté à une situation devenue délicate sur le terrain pour l’EI, et à la difficulté de plus en plus grande pour les candidats au Jihad de rejoindre la Syrie. Il avait incité, via les médias qui s’adressent en plus de 80 langues, aux supporters, membres de l’EI, et possibles « nouveaux adhérents », de rester dans leur pays respectifs et d’y mener avec quelques moyens que ce soit, toutes sortes d’attentats possibles, destinés à faire le plus grand nombre de victimes. Où à faire résonner un écho médiatique trans-frontières, où les deux.
C’est ce qui fut fait à Maganville en juin dernier, lorsque Larossi Aballa a sauvagement assassiné un couple de policiers. Puis à Nice, et à Saint-Etienne du Rouvray l’été dernier. Avec un terrible attentat au camion tueur fonçant dans la foule sur la promenade des anglais, un 14 juillet, et puis l’égorgement du père Hammel, donnant une messe dans une petite commune, ayant soudainement accédé à une sinistre notoriété internationale. Depuis le stratège El-Adnani est mort, (cf article précédent) mais son message est resté et continue à se propager. Et c’est à ce message qu’Inès M, 19 ans, et ses complices, femmes où hommes, se sont référés, pour tenter de frapper la France en son coeur à nouveau. Mais si la détermination était totale, absolue, il a manqué singulièrement, et heureusement, la capacité à se préparer, à réunir les éléments nécessaires à commettre un attentat spectaculaire et meurtrier. Le « manque d’expérience » et l’impréparation d’un commando composé essentiellement de femmes, ne lui a pas permis de commettre le pire. Et le ratage initial, doublé d’erreurs dans leur fuite, ont fait que les hommes de la DGSI a pu très vite remonter la piste, et démanteler la cellule, non sans avoir été obligé d’utiliser leurs armes pour stopper l’ultime tentative, de la jeune fanatisée, menant le commando, de tuer un policier au couteau.
Reste que la détermination ne fait pas tout. Dès le début, dans leur entreprise destinée à semer la terreur, la cellule menée par 3 femmes, a démontré un degré d’impréparation et d’incapacité à se fournir en moyens ‘adéquats » pour commettre un attentat d’ampleur.
L’échec de l’attentat à la voiture aux bonbonnes près de Notre-Dame à Paris
D’abord explique un homme de la lutte anti-terroriste, « Un commando chevronné n’aurait jamais, comme cela a été fait utilisé une voiture « familiale ». Or c’est ce qu’a fait Inès M, subtilisant la 607 de son père, pour tenter de la piéger très sommairement. Dès lors que la voiture, n’a pas explosé, il était facile de remonter la piste. Et ce d’autant que le propriétaire de la voiture nous a très vite confirmé que sa fille avait agi à son insu, qu’elle s’était radicalisée à l’extrême ces derniers temps, et qu’elle avait disparu après avoir volé la voiture »
Ensuite, la manière dont la voiture a été « piégée », manière qui a longtemps semé le doute quant aux intentions réelles de celles qui l’avaient utilisée. Aucun détonateur, aucun système de mise à feu couplé à un retardateur n’a été retrouvé, preuve que le commando n’en avait pas, ni ne savait comment en confectionner un. Les bonbonnes de gaz étaient simplement alignées, avec d’autres plus petites de gazole. Non reliées entre elles. Il ressort des auditions menées après l’opération de Boussy-Saint-Antoine, que deux des femmes au moins auraient essayé de provoquer une mise à feu manuelle du véhicule, et ce sans y parvenir. « On ne peut évidement que s’en féliciter dit un enquêteur, mais cela montre que ce commando avait des « ambitions terroristes dépassant ses capacités techniques et opérationnelles ».
Quand la voiture a été trouvée, tout est allé très vite, grace au témoignage du père d’bord, puis à une enquête « serrée » de téléphonie, et de géo-localisation, qui semble démontrer que les femmes du commando et leurs complices ne prenaient guère de précautions dans l’usage de leurs téléphones perso… C’est ce qui a permis aux policiers de repérer le téléphone d’une des 3 femmes, qui était déjà fichée aussi et repérée. Or cette femme était domiciliée à Boussy-Saint-Antoine, et c’est là que la cellule en cavale avait choisi de se regrouper. C’est lors de nombreux échanges téléphoniques, et alors qu’elles étaient placées sous écoutes, que les femmes ont évoqué divers nouveaux projets d’attentats. Elles ont parlé d’attentats kamikazes, notamment grace à l’utilisation de ceintures piégées. « Mais on ne se fournit pas en ceintures piégées comme çà précise un expert de la Préfecture de Police et en confectionner requiert un savoir très particulier et un technicité spéciale en la matière. On l’a vu avec les attentats de Paris, puis ceux commis en Belgique ». Or hier, indiquait une source participant à l’enquête, rien, aucun matériel, aucun élément dangereux ou destiné à la fabrication d’un quelconque engin explosif, n’ont été retrouvés.
D’ailleurs, alors que la police resserrait son étau et avait placé le périmètre de la « planque » des jeunes femmes sous surveillance étroite, les choses se sont précipitées lorsque Inès, la tête du réseau, qui se trouvait avec ses 2 complices, a repéré une voiture banalisée de la DGSI. Les 3 jeunes femmes sont alors sorties ensemble d’une camionnette blanche, (dont il reste à déterminer l’usage qu’elles voulaient faire), sans ceinture ni engin explosif, sans armes de poing, mais simplement armées de couteaux, deux d’entre elles, les plus enragées des jihadistes se sont jetées sur 2 policiers de la DGSI, réussissant à en blesser un à l’épaule. L’autre assaillante a été « stoppée » par des tirs de réplique, qui l’ont touché aux jambes avant qu’elle ne puisse frapper sa cible. La troisième complices elle, n’ont pas eu autant de « cran » et a tenté de s’enfuir. Elle a très vite été rattrapée, et l’opération de neutralisation de l »ensemble du commando a duré quelques minutes à peine.
Alors? Alors si un premier attentat à la voiture sommairement piégée a été évité, c’est du fait d’un ratage technique des femmes terroristes qui voulaient la faire exploser. Reste à savoir maintenant dans quelle mesure, ces femmes, et leurs complices actuellement gardés à vue, étaient réellement, véritablement, en mesure de monter rapidement d’autres opérations et de passer à l’acte. L’enquête le dira. Comme elle devra dire comment les autorités ont failli, bien qu’alertées par des témoins à plusieurs reprises quant à la présence de la « voiture aux bonhommes » abandonnée aux abords de Notre-Dame, et qui est à l’origine de tout le dossier. Cette enquête montre déjà en tous les cas à travers les diverses arrestations opérées depuis hier, que tout un réseau aux relations inquiétantes, pouvant aller jusqu’en Syrie, en passant par les tueurs de Magnanville et de Saint-Etinenne du Rouvray, a été mis à jour. Mais en l’état, sous réserve de nouvelles révélations, il n’ est pas d’éléments matériels connus permettant de penser qu’un danger imminent d’action sanglante à grande échelle était imminent. Ainsi que certaines autorités l’affirment.
Il n’en demeure pas moins que la menace est toujours là, que le danger peut survenir partout, à n’importe quel moment, et surtout que les propos tenus par le Procureur de Paris, François Molins, dans une interview accordée la semaine dernière au journal « le Monde« . Il avait alerté quant à l’accélération des dossiers concernant des jeunes femmes, notamment mineures, des profils très inquiétants, des personnalités très dures. Elles sont parfois avait-il déclaré à l’origine de projets terroristes, qui, sur le plan intellectuel, semblent très aboutis.
C’est désormais une nouvelle dimension que les services anti-terroristes vont devoir appréhender, après l’avoir peut-être un peu négligé: la capacité des femmes liées à l’état islamique, qui ne sont pas que des épouses soumises, où des jeunes femmes perdues en quête d’un « prince charmant » en Syrie, à passer à l’action, à devenir de véritables « opérationnelles », prêtes à tout.
Si l’on se retourne vers le passé, on s’aperçoit que tous les mouvements terroristes ultra-violents, ceux du proche-Orient, de la péninsule arabo-musulmane, comme ceux issus de ce qu’on a appelé l’euro-terrorisme des années 70/80, avec la Fraction armée rouge notamment,, où en France les tueuses d’Action Directe, ont utilisé des femmes comme opérationnelles, et que leur détermination était parfois encore plus implacable que celle des hommes. C’est une des femmes d’Action Directe qui a été vue donnant à bout portant le coup de grace, en tirant froidement une balle dans la tête du PDG de Renault, Georges Bessse, assassiné à Paris devant son domicile en novembre 1986… Et à l’époque de ces années, dites de plomb, les instructeurs de la police d’Allemagne de l’Ouest disaient aux élèves policiers: « Si vous faites face à un couple de terroristes, tirez d’abord sur la femme »!
Enquête à suivre…
Frédéric HELBERT