Le martyre de Kobané où L’échec tragique de la coalition face à l’EI
Publié le 07/10/2014 à 00h17 | coalition, Daesh, encerclement, Etat Islamique, frappes aériennes, Kobané, Kurdes, massacre programmé, offensive | 2 commentaires
Voila plus de 20 jours que la ville syrienne kurde de Kobané (Ain-el-Arab) subit un assaut et un encerclement méthodique menée par les hommes de l’état Islamique. Inexorablement, jour après jour, l’étau se referme sur cette position stratégique dont Daesh a fait l’une de ses priorités. Le drapeau noir de l’EI flotte déjà sur plusieurs quartiers d’une ville loin d’être désertée. Y demeurent des milliers de résistants kurdes des civils prêts à mourir, campant devant leur maison, avec pour seule arme des vieilles pétoires. Et des milliers de réfugiés de toutes origines, venus de villes ou villages voisins, pris par les islamistes, qui n’y sont pas allé avec le « dos du couteau ». Kobane est située sur la ligne frontière avec la Turquie, censée faire partie de la coalition, membre de l’OTAN, mais dont les chars restent immobiles, inertes, alors que les hommes de l’EI « arrosent » à coups de mortiers et d’obus d’artillerie la ville qu’ils étendent conquérir. Seulement voila, les kurdes de Kobane est défendue non par les peshmergas, (les « bons » kurdes, ceux du Kurdistan irakien qui font au sol le boulot que la collation hétéroclite emmenée par Obama se refuse à faire. Les combattants kurdes de Kobane appartiennent à l’YPG, l’armée des kurdes de Syrie (unités de protection du peuple), qui sont pour Ankara des ennemis puisque proche du PKK, que le gouvernement turc combat depuis des années. Donc pas question pour le gouvernement turc d’une alliance de circonstance, où d’une intervention de ses chars présents en masse à quelques kilomètres de Kobané, sur la ligne-frontière. Voila qui illustre tragiquement les failles d’une coalition des plus hétéroclites, faite de bric et de broc, où de nombreux états poursuivent leurs propres buts de guerre. « Il n’y a pas de stratégie globale, commune à tous se désole un général occidental de l’OTAN. La coalition voulue par Obama est un conglomérat de pays différents ne partageant pas les mêmes points de vue, même pas capable de se réunir autour du but majeur affiché « Détruire Daesh où l’état Islamique, où à tout le moins lui porter des coups sévères, décisifs, pour stopper une machine de guerre et de terreur islamiste, comme l’Histoire n’en a jamais connue auparavant « .
Ainsi la Turquie, qui a fini -officiellement- par rejoindre les rangs de la collation n’agit que selon ses propres intérêts stratégiques. Là où d’autres estiment qu’il faut concentrer toutes les forces contre Daesh, les turcs estiment eux que la principale cible doit rester Bachar-el-Assad et son régime. Engagé depuis de longues années contre une guerre sans merci contre les forces du PKK, La Turquie reste donc indifférente au martyre programmé de Kobané, assiégée par plusieurs milliers de combattants islamistes qui selon certains témoignages sont déjà rentrés dans plusieurs faubourgs de la ville où se déroulent des combats de guérilla urbaine.
Quant aux frappes aériennes, alors qu’une formidable armada d’avions de chasse est réunie, elles montrent leurs cruelles limites. Manque de coordination, manque de renseignements, manque de cibles clairement définies, ou repérables, manque de stratégie concertée, manque de professionnalisme pour certaines armées de l’air, comme celle de l’Irak, autant de manques qui font que l’armada n’est même pas parvenue en plus de trois semaines à délivrer la ville de Kobané de l’étau islamiste. Daeshle sait et met à son profit toutes ses lacunes pour continuer à progresser militairement. « Nous serions intervenus il y a deux ans, où il y a un an en soutien de l’armée syrienne libre qui avait réussi à mettre à mal l’organisation islamiste, c’eut été une toute autre histoire » confie un politique. Aujourd’hui certains pays, comme la France, hésitent à y aller franchement, car chacun sait que des milliers dec combattants étrangers venus d’Europe comme des pays voisins, sont sur le terrain, brandissant la kalachnikov et le sabre. Et la menace de mesures de rétorsions terroristes jusqu’au coeur de l’Europe est là désormais. Alors on y va s’en vraiment y aller. et la collation est tenue en échec. Il y a trop d’atermoiements, de divisions internes vaguement planquées sous le tapis. Mais le résultat est là. Fanatisés, les combattants islamistes ne craignent plus rien, pas même les F16 d’Obama, où les Rafale français, bien peu mis à contribution depuis le début de la campagne aérienne. On condamne, on assure que tout sera fait, on confie son horreur à chaque décapitation, où devant les récits de ceux qui ont survécu au rouleau compresseur islamiste, mais on ne s’engage pas au sol. On soutient seulement les kurdes d’Irak. Quelques poignées d’hommes des forces spéciales sont déployées, mais tout cela est totalement insuffisant face à une organisation qui continue à engranger de nouveaux soutiens jours après jours ».
De fait, les vidéos de décapitation sont bien loin de soulever l’indignation de tous. Elles sont non seulement une arme de terreur, mais aussi une arme de propagande utilisée délibérément par l’état islamique . Le fait que le bourreau, soit toujours probablement toujours le même, un anglais converti au Jihad est une tactique délibérée pour attirer de nouvelles recrues. Et ca marche!
Dans ces conditions, les jours, les heures peut-être de Kobané sont comptés. A moins d’un miraculeux revirement de dernière minute des turcs. Et encore, les appels déchirants lancés par ceux qui résistent de toutes leurs maigres forces à l’intérieur de la ville semblent bien indiquer que la partie soit déjà perdue. Hier, dans un geste désespéré, une femme-soldat kurde a lancé une attaque-suicide contre une position de l’état islamique. Quelques heures plus tard, les drapeaux noirs pointaient dans des quartiers de la ville.
Si Kobané tombe définitivement, ce sera une victoire énorme pour les islamistes. Et la coalition sera alors comptable, (coupable?, complice?) des massacres qui ne devraient manquer de survenir, tant la rage des hommes de Daesh ne devrait manquer de s’exprimer, avec toute la cruauté dont on les sait capables, contre ceux militaires où civils, hommes, femmes, enfants, vieillards, qui auront survécu à l’assaut final.
Frédéric Helbert