Retour des otages d’Arlit. Ils n’auraient jamais être du enlevé. L’incroyable faute d’AREVA
Publié le 30/10/2013 à 14h29 | Abou Zeid, Affaire d'état, AQMI, Areva, Arlit, Bajolet, DGSE, Gadoulet, kidnapping, Lorenzi, otages, Plainte famille Legrand, Rançon, risque ignoré, Sécurité défaillante, Vinci | Écrire un commentaire
Les otages d’Arlit n’auraient jamais du être enlevés. Un « audit » en 2010 avait pointé d’incroyables lacunes en matière de sécurité autour du bassin minier, lacunes ayant permis le kidnapping. Les mines sombres, les visages fermés les têtes basses, de ces ex-otages et leur silence, sur le tarmac de Villacoublay, derrière un François Hollande vibrant d’éloquence étaient ils le signe d’une colère froide visant les plus hautes autorités de l’état, et la compagnie qui les employait? Enquête.
Les otages d’Arlit sont libres. Et de retour. Heureux dénouement qui donne lieu sur le tarmac de Villacoublay à des scènes déjà vues mais toujours émouvantes. Cris de joie, étreintes folles, embrassades, sourires éperdus, et soudainement éteints lorsque les 4 derniers otages libérés se retrouvent derrière le Président Hollande qui fait un bref discours.
Etrange fond derrière François Holande soudain que quatre hommes, dont les visages se sont figés, qui regardent leurs pompes, semblent trouver le temps long, n’écoutent guère et ne bougent pas lorsque le Président de la République les invite à prendre le micro. La bande des quatre déclinera l’invitation. Pirouette de François Hollande pour se sortir de cette séquence sonnant comme un couac. C’est une première dans le genre. On en a vu tant d’autres depuis 1986 défiler et s’abandonner à leur joie en dansant la ritournelle avec des chefs de l’état et ministre, quel que fussent les bords politiques des uns et des autres. Entre les otages, les ex-otages devrait-on dire et le Président, le courant ne passe pas, où ne passe plus… L’invitation pour un déjeuner le lendemain à l’Elysée a aussi été refusée! Un couac et Une claque pour François Hollande et son staff qui jusqu’à présent avaient orchestrée une médiatisation devant redonner une stature, de la hauteur à un président otage des sondages les plus calamiteux de la Vème République…
Et voila que là, où n’y aurait du avoir que de la joie, les otages font franchement la grise mine! Ont-ils une dent ontre le Président qui prône officiellement en matière de rançon, une doctrine dure, mais clandestinement a toujours négocié? Estiment-ils, savent-ils que des erreurs en la matière ont été commises? Que différents « canaux » ont été sollicité? Que rivalités et cafouillages se sont multipliés coté français, faisant de fait le jeu des preneurs d’otages d’AQMI, et retardant de fait une libération qui aurait pu intervenir beaucoup plus tôt, en étant échelonné par étapes et couter bien moins cher?
Entamée sous la Présidence Sarkozy, la, les négociation(s) vont se poursuivre sous celle de Francois Hollande. Et même après la guerre menée par l’armée française au Mali, et la mort du chef d’AQMI Abou Zeid. La France va « missioner » trois négociateurs successifs, d’abord Guy Debrel, qui très vite s’efface, et est remplacé par Jean-Marc Gadoulet, homme de terrain, ancien de la DGSE, qui ira au contact direct d’Abu Zeid. Et obtient la confiance du chef jihadiste. Jusqu’à parvenir à « sortir » 3 premiers otages. Et a recueillir un document relatif à la possible libération d’un 4ème otage, signé par Abu Zeid de son empreinte digitale.
Mais une autre équipe dirigée par Pierre-Antoine Lorenzi, directeur d’une société de sécurité privée « Amarante » va rentrer dans le « jeu ». Lorenzi est aussi un ancien de la DGSE, proche notamment de l’ancien patron de la DCRI, Bernard Squarcini. Les deux équipes ayant chacune, leurs intermédiaires, et leurs appuis au sein de l’appareil gouvernemental, vont s’opposer farouchement. Les enjeux électoraux français (l’élection présidentielle), puis les divergences de vue au sein même du gouvernement Ayrault, et de l’appareil de défense français, vont peser leur poids, et être pour partie à l’origine de retards et de manœuvres intempestives insensées, prolongeant inutilement le calvaire des otages. Dont la vie sera clairement menacée lors de l’intervention française au Mali qui conduira à la mort d’Abu Zeid. C’est son successeur qui « finalisera » un deal couteux, donnant lieu jusqu’au bout à de sombres querelles au sein du gouvernement français. Les rôles joués à ce titre par le chef d’état-major du Président de la République, le général Benoit Puga (ayant, fait exceptionnel, conservé son poste-clé d’une présidence à l’autre, joué à ce titre par Bernard Bajolet, patron de la DGSE, sont extrêmement controversés. La version officielle validée par l’état français, selon laquelle, le service a écarté les négociateurs privés, pour reprendre la main dans une ambiance délétère… Gadoulet exècre Lorenzi et l’accuse d’avoir détourné des fonds destinés aux paiements des rançons, et Bajolet déteste cordialement Lorenzi!
Sans doute, sur le tarmac du Bourget, ont-ils déjà eu vent des « manipulations et contre-manips clandestines françaises contre-productives, mais ce qu’ils savent avec certitudes ces ex-otages, c’est qu’ils n’auraient jamais du être enlevés. Ils ont été des proies bien faciles pour les hommes d’Abu Zeid. La connaissance du risque était alors pourtant bien connue, dans une région ou sévissaient à la fois rebelles touaregs, bandes de brigands en tout genre, et les islamistes d’al Qaïda au Maghreb Islamique. Areva et Vinci (le groupe Vinci ayant pour filiale Sogéa-Alsthom touchée par le kidnapping) n’avaient pris aucune des mesures de sécurité évidentes s’imposant. La menace a été sous-évaluée, et le dispositif de protection était « insignifiant » dit un expert du genre aux regards des risques encourus, et ce dans un contexte particulièrement sensible. Au lieu de faire appel à de grandes sociétés françaises, spécialisée dans la protection des sites sensibles et des personnels y travaillant, la sécurité des français travaillant sur le bassin minier d’Arlit, fut confiée à une société locale « recyclant » d’anciens rebelles touaregs, ayant déposé les armes, et à qui l’on en confia aucune dans leur mission de protection. Areva et Vinci ont considéré que la présence de l’armée autour du site pouvait suffire à dissuader les velléités terroristes. Mais l’armée nigérienne ne pouvait pas tout contrôler. Elle concentrait ses moyens sur la sécurisation du bassin minier lui-même. et les installations d’extractions de l’uranium. Hors le site d’Arlit, qui fonctionne toujours, s’étend sur une zone extrêmement vaste. Comme le soulignait alors après la prise d’otages un militaire français: « Sans vouloir faire insulte à l’armée nigérienne, ni leur formation, leur entrainement, leurs équipements lourds, ne pouvait permettre de faire face à une opération commando légère, menée de nuit, au pas de charge, minutieusement préparée et coordonnée ». En moins d’une heure, Le commando envoyée par Abou Zeid, a pu pénétrer à travers les failles d’un cordon sécuritaire extérieur perméable, et « oeuvrer » tranquillement à l’intérieur d’un périmètre, là où se trouvaient les compounds résidentiels, où la sécurité était quasi-nulle. Devant les maisons des expatriés, juste un garde, un seul et non armé!
Quelques jours après l’enlèvement, AREVA faisait un tardif méa-culpa en expliquant que l’entreprise craignait surtout une attaque lors d’un déplacement ou visant les matériels d’extraction. Aucun expert n’avait été sollicité, un expert qui aurait pu pointer le risque d’une attaque audacieuse au coeur du quartier résidentiel. Au point que les hommes d’AQMI ont alors « fait leur marché » tranquillement, sans même faire usage de leurs armes. pas un coup de feu tiré!
Dans son enquête menée après la prise d’otages, la DGSE a considéré qu’il était fort possible que des complicités aient été achetées au sein de l’équipe des hommes, non équipés, et peu payés, chargés de veiller sur la sécurité des personnels. Pour AQMI et son trésor de guerre, des euros par millions, obtenu notamment grâce à l’encaissement de rançons perdues après l’enlèvement de plusieurs occidentaux, pas besoin de regarder à la dépense.
On peut se demander par contre, s’interrogeait alors le patron d’une grande société privé spécialisée dans la sécurité des français à l’étranger quel fut le budget alloué par les grandes entreprises françaises, pour assurer la sécurité de leurs employés »... L un des experts de la grande société de protection qui gérait alors plusieurs sites sensibles en Algérie, et que j’avais interviewé, s’était emporté estimant qu’aucun « audit » sérieux n’avait été mené pour détecter les failles et mettre en place les parades adéquates. « Si une analyse de risque correcte avait été réalisée, le kidnapping aurait certainement pu être évité. Un compound ultra sécurisé aurait du être bâti pour les français, cibles numéro1 d’AQMI, avec plusieurs lignes de défense. La sécurité dans ce type de configuration n’a pas de prix ». Areva, présente depuis des dizaines d’années au Niger, et dégageant des bénéfices considérables de l’exploitation de la concession minière, aurait du dégager des fonds pour durcir au maximum le système de sécurité pour parer une menace largement connue. Déjà, il eut été judicieux de ne laisser sur place que les personnels strictement nécessaires, sans leurs familles. La légèreté incompréhensible pour les experts des grandes sociétés d’exploitation a couté, humainement le prix fort.
Q’un commando d’AQMI puisse aller jusqu’à cogner tranquillement aux portes de leurs cibles, les emmener sous la menace, repartir sans encombres, a laissé pantois bon nombre d’experts alors, et déclenché la colère des familles. D’autant qu’à cette enquête sur les dysfonctionnements accablants du système de sécurité, où son absence s’est ajoutée alors que les otage étaient déjà loin un document confondant, rédigé 10 jours avant l’attaque d’AQMI et qui aurait du servir d’alerte rouge. Il s’agit d’une lettre signée du préfet d’Arlit et adressé à plusieurs directeurs de société travaillant dans le bassin minier de la région dont ceux d’Areva et Vinci.
L’objet indiqué de cette lettre est on ne peut plus clair, puisqu’elle est titrée: « sécurité des personnes et des biens de la région ».
« J’ai l’honneur écrit le haut-fonctionnaire nigérien de vous informer que la sécurité reste hélas très précaire dans la région. (…) Cette situatin est malheureusement entrain de se dégrader notamment dans la région d’Arlit. Le préfet évoque le cas précis d’une attaque perpétrée par un groupe armé ayant surgi à bord de huit pick-up Toyota! Attaque alors repoussée par les forces nigériennes. Selon le rédacteur de la missive, l’objectif des assaillants était évident: « Il s’agissait selon les renseignements obtenus d’enlever (sic) du matériel militaire et du personnel expatrié. Vous comprendrez dans ces conditions que la menace d’AQMI est à prendre au sérieux ». Et le préfet appelle les uns et les autres à une contribution pour créer une dynamique sécuritaire locale.
Mais l’avertissement est resté lettre morte.
Après l’enlèvement, et la révélation de cette lettre, AREVA, en position plus que délicate, se refusera à commenter. Avant que le responsable de la sécurité de la société, ex-légionnaire, ancien militaire de carrière ayant servi au Rwanda, en Somalie, au Kosovo, expliquant qu’en fait AQMI devait viser une mission exploratoire de sécurité justement, qui devait être visée, mais qui ayant changé ses dates de « voyage » au dernier moment « obligea » AQMI à changer ses plans, et à venir se servir au sein du personnel d’AREVA, grâce à un « traitre » au sein de la société! Version ubuesque qui laissa tout le monde pantois! Ce même légionnaire, reconverti en Monsieur sécurité D’AREVA avait lorsqu’il était d’active, fustigé durement le général Roméo Dallaire pour « ne pas avoir su éviter le génocide, alors que l’on sait que Roméo Dallaire a tout fait pour sonner l’alerte, et ne s’est jamais remis de son tragique mandat onusien au Rwanda.
C’est cette lourde responsabilité, ou irresponsabilité qui a conduit, en juin dernier alors que la prise d’otages était encore en cours, le père et le frère de l’otage (ex-otage aujourd’hui) Pierre Legrand à porter plainte contre X (plainte visant de fait Areva et la filiale de Vinci Area-Alsthom) pour enlèvement et séquestration et mise en danger de la vie d’autrui. Il est défendu aujourd’hui par l’avocat Olivier Morice, homme de nombreux dossiers sensibles, restées des énigmes judiciaires, de l’affaire de l’assassinat du juge Borel, jusqu’au dossier de certaines victimes du Bataclan, en passant par un dossier explosif tombé dans les oubliettes, l’affaire Karachi.
La plainte pointait l’ensemble d’erreurs, fautes, manquements en matière de sécurité D’Areva et Vinci, ayant à l’évidence permis où facilité grandement le kidnapping.Elle s’appuyait notamment sur la lettre confondante du Préfet d’Arlit. Elle avait divisé les membres des familles et proches d’otages, dont certains la considéraient comme inopportune.
Aujourd’hui, les otages sont « sortis d’affaires », mais le père de Pierre Legrand semble toujours vouloir qu’Areva et Vinci s’explique devant la Justice. Car il estime la responsabilité des grands groupes pleine et entière dans le fait que 3 ans de vie aient été volés à son fils et aux autre otages, 3 années de souffrances terribles pour tous. trois années qui resteront à jamais sans doute gravées dans les mémoires des otages. Aujourd’hui les conséquences médicales et éventuelles séquelles psychologiques restent inconnues et inqualifiables. Mais l’image saisissante des 4 otages, ayant montré des visages fermés et des tête basses, alors que le chef de l’état s’exprimait, et ayant refusé toute déclaration après lui, alors qu’il les invitait au micro sur le tarmac de Villacoulbay ont semblé par la même, peut-être, rejoindre, la position du père d’un des leurs.
Le dossier, au regard de cette image retransmise par toutes les télés, semble loin d’être clos sur ce sujet.
Affaire à suivre.
Frédéric Helbert