Syrie: OIAC. Le Prix nobel de la paix qui n’arrêtera pas la guerre…
Publié le 14/10/2013 à 05h31 | destruction armes chimiques, Diplomatie impuissante, Etats-Unis, Genève II, Guerre sans fin, iran, Liban, OAIC, ONU, Prix Nobel Paix, Russie, syrie | Écrire un commentaire
Un Prix Nobel pour le nouvel acteur d’une paix introuvable.
Qui donc connaissait l’OIAC il y a 6 mois? et son président, l’obscur diplomate de formation turc: Ahmed Üzümcü? A vrai dire franchement pas grand-monde. Une organisation aux capacités et moyens limités, si loin des grosses machines onusiennes, organisation modeste au budget annuel de moins de 80 millions d’euros, et au personnel limité (500 personnes), ridicule au regard de son ambition globale et des moyens nécessaires. A titre de comparaison l’AIEA, agence internationale pour l’énergie atomique dispose de plus de 330 millions d’euros par an… L’OAIC, organisation internationale pour l’interdiction des Armes Chimiques, qui n’a pas encore atteint l’âge de la majorité, (fondée en 1997) a pourtant raflé la mise à Oslo: le prix Nobel de la Paix. La surprise a été forte au sein de la petite organisation basée à la Haye. Personne ne s’y attendait.
C’est la donne syrienne qui va en quelques semaines a fait braquer les projecteurs sur cette organisation modeste , dont nul ne pourra contester que ses anonymes soldats font autant qu’ils peuvent avec ce qu’ils peuvent au service de la paix dans le monde. Puisqu’il leur revient, bien au delà des frontières d’un Orient compliqué, de mettre en oeuvre la convention internationale sur le projet d’interdiction, d’éradication des armes chimiques, partout dans le monde adoptée en 1993. 189 états avaient signé la Convention, jusqu’à » l’adhésion » soudaine et forcée de la Syrie.
Une Syrie qui en la matière (fabrication à grande échelle et stocks) n’est pas le « bad boy » numéro un. Parmi les Etats signataires de la convention, des pays qui ont été un temps les plus gros producteurs et fabricants de ces « saloperies aux effets ignobles » dit un expert de l’OAIC. « ironie du sort », au premier rang de ceux là, on retrouve les Etats-Unis, loin encore d’avoir éradiqué tous leur stocks. la Russie également, dont nombre d’experts disent qu’elle a supervisé tout le programme de développement des armes chimiques syriennes… La Russie a encore elle aussi dans son arsenal militaire du chimique à tout va. « Russes et américains sont en retard sur leur calendrier de destruction tempête un des boss de l’OAIC ». Ils ont signé en 1993. La date butor était 2012. Et il en reste du stock à détruire dans les deux pays, qui ont pourtant supervisé l’accord accepté par les syriens.Mais détruire armes et installations chimiques, cela demande tu temps et beaucoup d’argent. Alors ça traine un peu chez les grandes puissances. Qui sont les plus mauvais exemples de la planète, puisqu’ils disposent déjà d’arsenaux nucléaires sans limites » .
Les Russes ont d’ailleurs été souvent « pointés », par des sources fiables, pour avoir été les « mentors » et pourvoyeurs de vecteurs lanceurs d’armes chimiques à la Syrie.
L’OIAC cumule ainsi rôles politiques et techniques. L’organisation rappelle à l’ordre les pays qui trainent la patte. Et si officiellement, c’est pour son rôle joué vaillamment aux quatre coins du monde, avec si peu de moyens, qu’elle a reçu le Nobel de la Paix. Mais c’est sans aucun doute, son implication soudaine en Syrie a fait de l’OAIC un challenger de dernière minute ayant rassemblé la majorité des suffrages à l’heure du vote. Implication dont on a pu voir les première images avec ces hommes aux gestes calmes et maîtrisés, opérant dans de véritables pétaudières ou s’aligner quantité de « citernes » contenant gaz moutarde, VX, mélanges en tous genres, et des tonnes de Sarin, cette terrifiante arme chimique, dont une seule goutte, dès lors qu’elle est en contact direct avec la peau, peut provoquer la mort de celle ou celui qui aurait le malheur d’y être exposé. Comme ce fut le cas à la Goutha, à Damas, ou dans d’autres lieux syriens précédemment , lors de combats sans aucune pitié, ou les crimes de guerre sont légion.
Les destructeurs d’armes chimiques de l’OIAC, face un défi géant, en pleine tourmente guerrière
L’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques « joue » aujourd’hui une partie ô combien sensible et délicate. La Syrie possède un stock chimique colossal (voulu au départ comme l’équivalent de l’arsenal nucléaire israélien pour entretenir une forme d’équilibre de la terreur), avant que Damas ne recoure à l’utilisation de cette arme contre son propre peuple. Jamais pareil stock n’a été dans le collimateur de l’OIAC pour une opération majeure de destruction alors que la guerre fait rage partout en Syrie, y compris dans des zones où ont été construites des unités lourdes de stockage en quantité d’agents chimiques en tout genre. « Dans ces conditions explique un expert de l’organisation, il sera impossible de tenir les délais prévus par l’accord qui a écarté le risque de frappes militaires. Nous n’avons pas les moyens en hommes et matériels de le faire. Et sur le terrain, il est évident que nous allons nous retrouver face à des obstacles de taille. Tout détruire d’ici le premier semestre 2014 relève d’une vue de l’esprit. c’est mission impossible. Et ce n’est pas l’attribution d’un Prix Nobel qui changera quoique ce soit. D’autant que nous sommes lucides. La destruction de l’arsenal chimique syrien n’empêchera aucunement la guerre de continuer ». Une guerre qui, nous le sentons sur le terrain, redouble d’intensité actuellement. Notamment pour le contrôle d’axes stratégiques ».
Le bémol est de taille. Les délais prévus sont intenables. Certains groupes rebelles – qui n’obéissent plus à une direction politique totalement divisée – n’ont livré aucune garantie quant à d’éventuels cessez-le-feu, et l’ouverture de corridors protégés pour que les hommes de L’OAIC parviennent jusqu’à certains sites chimiques. « l’accord dit le commandant d’une katiba est un jeu de dupes. Bachar a lâché en parfaite coordination avec son allié russe. Les occidentaux ont sauvé la face. Mais nous ne serons pas les dindons de la farce. Pour nous, le débat sur les armes chimiques, leur utilisation, leur élimination est désormais obsolète.Une nouvelle fois l’occident nous a trahi alors que les preuves de massacres étaient indéniables. Croyez-vous que la neutralisation du stock chimique de Bachar est le signe d’une possible avancée vers la paix? Avec son arsenal conventionnel, son armée,ses alliés russes, iraniens et libanais du Hezbollah, le régime a tout pour continuer la guerre. Nous on est encore à fabriquer nos armes nous-mêmes dans des fabriques clandestines. Les alawouites ne céderont jamais. Mais nous non plus. La Syrie n’aura pas d’avenir tant que le tyran sera aux manettes »
D’autres zones de l’immense territoire syrien sont sous le contrôle total des jihadistes, qui poursuivent leur propre agendas politico-militaire, rêvent de l’instauration d’un état islamique et n’ont aucunement l’intention de mettre l’arme au pied.
La Guerre plus forte que tout. La paix? Une utopie…
Le tableau est sombre. Les massacres et atrocité continuent. Les civils, quelqu’ils soient trinquent. La liste des crimes de guerre s’allonge. Le kidnapping-business est en plein boom. Journalistes et Humanitaires sont des cibles de premier choix. Et ce alors que les hommes de l’organisation de l’interdiction des armes chimiques sont à l’oeuvre sur le terrain. « Même s’ils obtiennent des résultats, nous ne sommes pas dans une dynamique positive »dit un observateur libanais qui voit avec inquiétude le Hezbollah se préparer à une nouvelle grande offensive sur une « enclave libérée ».
Dans la région, l’idée qui avait été esquissée d’un Genève II (conférence de paix), déjà plusieurs fois repoussé, prévu pour être tenu avant la fin de l’année, amène plus de scepticisme que d’espoir. « Eliminer les armes chimiques, tâche si difficile soit-elle, apparait comme plus réalisable que la réunion des belligérants autour d’une table. Ban Ki-Moon rêve en pensant pouvoir organiser un tel sommet à la mi-novembre affirme un exilé syrien. Personne n’est d’accord sur le casting! La délégation syrienne serait conduite par le ministre des affaires étrangères Wallid Moualem, mais pas question pour Damas que l’on y statue sur le sort éventuel de Bachar el-Assad. Quand à l’opposition, elle est plus divisée que jamais. Ahmed Jabbra, chef de la CNS (coalition nationale syrienne),sa composante majeure, refuse d’aller discuter directement avec un « régime criminel ». L’affaire se complique lorsque l’on sait que cette opposition politique a été officiellement désavouée par les plus importants groupes rebelles luttant armes à la main en Syrie. La participation directe de l’Iran, acteur majeur du conflit, soutien essentiel à Bachar el-Assad, l’Iran sans lequel rien ne peut se débloquer est rejeté tant par les opposants syriens que certaines chancelleries occidentales. Face à cet éclatement de l’opposition, la Russie propose qu’elle se compose de deux délégations différentes. Ce dont l’ONU ne veut entendre parler. Cette cacophonie désole le médiateur Lakdhar Brahimi qui ne voit pas comment on pourrait concilier les positions, et faire avancer où s’engager un vrai débat. Car personne n’est d’accord sur rien, et le concept de la mise en place d’un gouvernement de transition nationale en attendant des élections « libres », élaboré lors de Genève1, apparait comme une pure utopie.
« La vérité soupire un diplomate ayant participé à la première conférence, semble plutôt résider dans le fait q’aucune partie ne souhaite s’engager dans un processus de négociations aujourd’hui, puisque chaque partie pense où espère pouvoir emporter la victoire militairement, ou en tous les cas marquer des points décisifs avant éventuellement de discuter. Si tant est que la discussion soit encore possible, tant le niveau des haines a atteint son paroxysme ».
Frédéric Helbert