Syrie: and the winner is… Bachar el-Assad!
Publié le 15/09/2013 à 22h18 | accord, armes chimiques, Bachar, Guerre de l'image, Hollande, Pouttine Obama, Russie, syrie, USA, vidéos | 3 commentaires
Une victoire diplomatique à la Pyhrrus pour l’Occident.
Frédéric Helbert, à Beyrouth
Ainsi donc voila la perspective d’une « offensive punitive et limitée » qui s’évapore. Offensive dont les contours semblaient bien flous et le résultat plus qu’incertain, dès lors qu’il ne s’agissait pas d’aller « casser » le régime syrien , et dont les conséquences imprévisibles, incalculables pouvaient laisser craindre un embrasement régional: Au premier tomahawk tiré, nous aurions reçu l’ordre de riposter sur Israël » certifie un commandant du Hezbollah à Beyrouth où toutes les unités militaires du mouvement ont le doigt sur la gâchette. Depuis plusieurs jours la mobilisation générale a été décrétée au sein du mouvement. « Nous aurions agi sans état d’âme » affirme le commandant qui me parle, même en sachant qu’une Une riposte sur Israël venue du Liban, aurait déclenchée immédiatement une contre-attaque sans retenue de l’état hébreu contre le Hezbollah et la Syrie.
Alors aujourd’hui, dans les rues de Beyrouth, ou le souvenir de l’offensive ayant ravagé le pays en 2006, sans pour autant faire capituler le Hezbollah, est présent partout, on respire. Car le Liban tout entier, caisse de résonance du conflit syrien s’attendait au pire. « Mais rien n’est réglé se lamente le dirigeant d’un hôtel, vidé de ses clients par la menace. Nous sommes à la merci de n’importe quel nouveau soubresaut. Tout le monde se souvient de l’offensive d’Israël en 2006, qui avait dévasté le pays. Au Liban, longtemps occupé par la Syrie, toutes les composantes, toutes les parties du bourbier syrien sont représentées. Et ça peut exploser à chaque moment. Plusieurs voitures piégées ont explosé à Beyrouth, ou à Tripoli. Il y a eu des assassinats ciblés, des clashs armés entre différentes factions. Nous payons déjà un prix lourd. Et restons en permanence sous la menace d’une implosion du pays ».
Mêmes sentiments confus au sein d’autres pays auraient pu être ciblés directement ou non par Damas: La Turquie, la Jordanie, les monarchies du golfe…. Ces pays ont pour la plupart des accords bilatéraux de défense avec les Etats-Unis, qui auraient été obligés dès lors de s’engager bien plus massivement qu’en envoyant des salves de Tomawaks. « Et l’ improbable frappe punitive et limitée, non destinée à viser directement Bachar el-Assad comme l’ont répété sans cesse Barack Obama où François Hollande aurait à coup sur estime un haut-gradé français de la FINUL, peu enclin à voir l’armée française engagée dans une opération de ce type déclenchée une série de catastrophes en chaine« . D’autant que le régime syrien est loin d’être isolé: « Les Russes et les iraniens, alliés indéfectibles de la Syrie, avec le Hezbollah libanais apportent un soutien de poids à Bachar assure un analyste d’un service de renseignement arabe. Leurs hommes sont partout en Syrie, leurs conseillers militaires et stratèges ont été intégrés à l’état-major de l’armée syrienne« . Une donne confirmée à plusieurs reprises par un ancien colonel du ministère de la Défense syrien, Abou Daoud (nom d’emprunt), officier sunnite qui a déserté, et est passé clandestinement au Liban, lorsque l’Armée a commencé à tirer sur le peuple. Après 8 mois de révolte pacifique. « A une époque, je croisais tous les jours des russes. Ce sont eux affirment-ils qui fournissaient le régime en vecteurs de tirs d’armes chimiques, et entrainaient notre armée à s’en servir » .
L’accord qui ne résout rien
Aujourd’hui donc, après d’intenses négociations bi-latérales entre américains et russes, les français ayant alors été mis à l’écart, après que le « Tsar » Poutine, par la voix de son habile ministre des affaires étrangères Sergueï Lavrov, ait proposé une solution « à l’amiable » d’abord négociée en coulisses avec Damas (Le renoncement de la Syrie, à son arsenal chimique, l’acceptation qu’il soit détruit, et l’adhésion à l’Organisation Internationale de destruction des armes chimiques) puis mise sur le tapis publiquement. Après plusieurs jours d’intenses négociations à Genève, américains et russes sont donc parvenus à s’entendre et à établir un accord auquel Damas a semblé adhérer sans difficulté.
Le plan établi par les négociateurs repose sur quelques points essentiels: 1- La Syrie doit accepter de placer sous contrôle international son arsenal chimique et a une semaine pour donner une liste précise de ses armes et dire où elles sont stockées. 2- Les autorités syriennes doivent collaborer étroitement et sans retenue avec les inspecteurs qui seront chargés d’un premier examen des centres de stockages. 3- l’accord prévoit un éventuel recours à la force (chapitre 7 de la charte de l’ONU) si la Syrie tente de se soustraire à ses obligations. Pas sur que quant à ce point précis, cette pilule passe pour le régime syrien…
« Excellent sur le papier mais infaisable »
S’ouvre maintenant un abime de questions quant à la faisabilité d’un tel projet. Qui laissent perplexes un « homme de l’art », un expert libanais ayant participé au programme de destruction des stocks d’armes chimiques dont disposait Saddam Hussein. « Comment les inspecteurs, (qui ne sont pas attendus avant la mi-novembre sur le terrain!) pourront alors que le pays est en guerre totale avoir accès aux fameux stocks? Avanceront-ils sous les bombes? Personne ne pourra garantir leur sécurité. Rapportez-vous au propos des chefs de la rébellion (qui ont rejeté cet accord en bloc) : Ils affirment que les inspecteurs ne seront pas des cibles, mais qu’en zone de guerre, les risques seront là. Comment voulez-vous que ces hommes travaillent sereinement alors qu’ils seront en terrain « miné »? Que se passerait-il si un obus venait « malencontreusement » frapper un convoi d’inspecteurs? Le territoire syrien est immense. Les stocks sont disséminés partout. Même en temps de paix il faudrait des mois et des mois pour atteindre chaque point sensible, et détruire les armes chimiques et leurs vecteurs de lacement! Et puis les islamistes, dont on tant brandi la menace pour ne pas intervenir, ils n’ont bien sur pas été invité à une quelconque négociation! Et ils pourraient se faire un plaisir de torpiller l’accord en frappant où bon leur semblera les experts onusiens! Quand j’entends que tout devrait être fini à la mi 2014, je me demande si ceux qui ont négocié cet accord savent de quoi ils parlent. La guerre fait rage, plus que jamais en ce moment, et elle ne va pas s’arrêter pour que ce plan totalement bancal se réalise. Non vraiment, quand je vois les difficultés auxquelles nous nous sommes heurtés en Irak, je dis qu’au vu de la situation, cela me parait infaisable, injouable »…
Un plan qui ne résout rien
« Et pourtant ‘s’étonne un syrien exilé (plus de deux millions de personnes ont fui le pays), un homme aisé qui s’est installé à Beyrouth avec toute sa famille mais refuse de montrer son visage, « tout le monde semble se féliciter de cet accord, comme s’il allait permettre de ramener la paix dans un pays, dévasté en plein chaos. Mais Bachar ne renonce pas à ses avions, ses canons, ses missiles, ne s’engage pas à faire rentrer ses soldats dans leur caserne, et de leur coté les hommes de la rébellion en Syrie, se battront jusqu’à la mort. La « victoire ou la mort« , c’est le mot d’ordre dans chaque camp. Où le sang appelle le sang, où exactions et crimes de guerre sont commis de tous coté, où l’on ne fait pas où si peu de prisonniers. « Et vous imaginez dans un contexte pareil, se mettre en place un continent d’inspecteurs et d’experts chargé de détruire les stocks chimiques?. Vos diplomates sont nuls et versent dans le surréalisme ».
Bachar, le grand gagnant
L’exilé syrien est en contact tous les jours avec des membres de sa famille, des proches restés en Syrie. Il a des liens avec des compatriotes engagés dans tous les camps. »Le régime, dit-il on a toujours su de quoi il était capable. Il ne connait d’autre langage que la brutalité sourde et aveugle pour mater toute contestation et n’a jamais régné autrement que par la terreur.La sauvagerie est devenue contagieuse et n’a plus de limite dit-il. Des hommes qui n’avaient jamais touché une arme de leur vie sont capables désormais d’exécutions sommaires, d’actes de barbaries inouïs devenus quotidiens. La faute à qui? A cet Occident qui se pavane d’avoir obtenu un accord sur les armes chimiques, Mais quid des chars, des Kalashnikov, des roquettes, des revolvers, des poignards, des sabres? des tueries succédant aux tueries, des vengeances? L’autre jour on m’a montré une vidéo d’hommes du régime, cassant la tête d’enfants à coups de pierre! Une autre d’exécutions d’hommes du régime, une troisième de jihadsites décapitant leurs prisonniers. Cette « cinémathèque » de l’horreur, c’est la réalité d’une guerre civile. Vous avez connu ça en Bosnie, en Tchétchénie, mais il n’y avait pas Internet, You Tube, les réseaux sociaux, et cette utilisation systématique par les uns et les autres des vidéos et de photos comme autant d’armes de guerre, ou de propagande » . Cette ascension dans l’abominable accessible désormais sans aucun filtre, vous, les nations occidentales en êtes les premiers responsables. Vous vous êtes cachés comme des pleutres derrière le véto russe à l’ONU, et sur le terrain derrière l’invasion jihadiste que vous avez permise en laissant pourrir le conflit, derrière l’éclatement de la résistance en des centaines de groupes armés, dont certains ont versé dans banditisme, le kidnapping et les trafics en tout genre. Là est la réalité. Si vous étiez intervenus dès le début, pour soutenir un peuple désarmé qui levait les mains en serait-on là? Votre président parle d’étape importante avec l’accord entre russes et américains. Mais l’accord n’est qu’une feuille de papier. Sa réalisation sera une autre paire de manches! Et la guerre elle? Elle continue! Quelle est la prochaine étape? Une solution politique??? Mais comment négocier sans vouloir que Bachar soit d’une manière ou d’une autre représenté à la table des pourparlers? Et allez dire à ceux qui se battent à mort sur le terrain que l’on va négocier. Ils vont répondront qu’il n’est plus de négociation possible. Les pourparlers c’est trop tard. La haine et la violence sont allés trop loin. Savez-vous d’ailleurs que Bachar lui, pendant cette interminable période d’agitation politique et diplomatique, d’ardeurs belliqueuses des uns tempérées par la prudence des autres, de navettes diplomatiques incessantes, qui focalisaient les feux des projecteurs, a profité de l’agitation diplomatique pour pousser ses avantages militaires partout ou il le pouvait? Et avec succès »
L’homme d’affaires syrien qui se désole de voir son pays, transformé en tas de ruines et de cendres, « ou coulent des rivières de sang » conclut le point serré:
« Avec cet accord qui éloigne le projet de frappes hasardeuses, et cette assurance sans cesse répétée que l’Occident n’avait surtout pas l’intention de le renverser Bachar, après les interviews qu’il a donné, menaçant les uns et les autres, en cas de frappes, il ressort aujourd’hui avec son allié Poutine qui a négocié pour lui, comme l’unique vainqueur de cette sinistre partie de dominos. Oui, le grand vainqueur de cette incroyable agitation mondiale survenant après trente mois d’inertie, de postures et d’impostures occidentales, s’appelle Bachar el-Assad ».
FH