Syrie: Damas dit la Russie accepte l’abandon de son arsenal chimique. Eclaircie de courte durée?
Publié le 11/09/2013 à 01h25 | accord Damas, Destruction Arsenal chimique, diplomatie, Fabius, Hollande, Lavrov, Obama, ONU, Russie, syrie, TPI | 2 commentaires
Une surprise éclair suivie d’une douche froide. Récit et décryptage
Elle est arrivée hier alors que le Congrès américain avait commencé à se réunir, à la demande du président Obama pour délivrer, où non, un permis de frappes punitives, après le massacre à l’arme chimique de Damas. Une proposition que personne n’attendait. Et surtout pas venant de Vladimir Poutine, l’intransigeant, l’allié indéfectible de Bachar el-Assad. Poutine qui n’a cessé de s’opposer systématiquement à Baravk Obama, et à toutes les initiatives de la diplomatie internationale. La Russie qui a toujours brandi son veto au Conseil de Sécurité. La Russie « booster » de guerre en faisant parvenir incessamment par les airs, par mer, toutes sortes d’armes et notamment des missiles balistiques de haute technologie. La Russie qui dispose d’une base navale en Syrie, et qui n’est pas avare selon un déflecteur de haut rang, qui en a croisé un paquet au Ministère de la Défense à Damas, de conseillers militaires apportant un soutien de poids à l’armée syrienne. Et pourtant c’est elle la Russie, et Poutine, qui tel un étrange sorcier, a sorti de son chapeau, la proposition quasi-miraculeuse, en ce sens qu’elle recueille l’assentiment de toutes les parties les plus importantes concernées.
Cette proposition, placer l’ensemble de l’arsenal chimique syrien sous contrôle international, puis le détruire, (simple à énoncer, mais paraissant très dure à réaliser) a pourtant immédiatement changé la donne, reçu (presque) partout un écho favorable et apaisé, pour un temps au moins quelque peu les esprits qui chauffaient durs: C’est lSerguei ïLavrov, le ministre des affaires étrangères russe qui en fait l’annonce. Rapidement Damas a fait savoir par la voix de son premier Ministre, que la Syrie l’acceptait. « Rien d’étonnant explique un habitué du labyrinthe onusien: Tout avait été arrangé d’avance. Les russes en avaient vaguement parlé avec Barack Obama au G-20. John Kerry avait du coup a évoqué l’idée sans y croire alors qu’il était en tournée diplomatique à Londres. Bachar n’acceptera jamais pensait-il. C’était sans compter le pouvoir de persuasion des russes. Et l’influence dont ils jouissent en Syrie. Ils ont même haussé le ton, et se sont montrés très fermes expliquant à l »‘homme fort » de Damas qu’il n’avait pas le choix, qu’il ne pouvait refuser une telle opportunité. L’arrangement de principe a été conclu en coulissses, avant l’annonce« .
Encore fallait-il que la sauce prenne à l’échelle internationale. Sitôt l’annonce faite, et l’acceptation de Damas rendue publique, les russes ont contacté les américains pour les informer de l’accord de Damas et leur donner des garanties. Les syriens ont accepté l »accord en toute connaissance de cause et sans la considérer comme une possible manoeuvre dilatoire. Alors l’emballement a saisi les chancelleries occidentales et arabes. Barack Obama le premier concerné a estimé qu’il s’agissait dune avancée importante, qui si elle était suivie d’effets, permettrait d’éviter ces fameuses frappes punitives dont personne ne sait où elles pourraient mener. Le Président des Etats-Unis, dans l’attente de discussions plus poussées a demandé au Congrès de suspendre ses travaux de « réflexion ». Pour un de ses conseillers, Obama y a vu la une occasion à ne pas rater, d’autant que du coté du Congrès, rien de bon ne semblait s’annoncer quant à un feu vert pour les frappes.Et sous réserve qu’une résolution en ce sens soit approuvée par le Conseil de Sécurité de l’ONU.
La Chine, qui elle aussi jusqu’à présent faisait de l’obstruction systématique a salué et soutenu le projet russe. Même accueil en Iran. Soutien total de la ligue arabe plaidant depuis longtemps en faveur d’une introuvable solution politique. Coté européen, Londres et Berlin se sont déclarés favorables, faisant quand même valoir qu’il faudrait être toujours vigilant et que le processus ne devrait durer éternellement, qu’un ne laisserait pas Danas jouer la montre.
La France aux ardeurs toujours aussi belliqueuses s’est retrouvée à nouveau en porte à faux,débordée par la proposition russe, mais Laurent Fabius, d’un ton très ferme, et apparemment agacé a en fin d’après-midi dressé les grandes lignes d’un projet de résolution à mettre sur pied et rédiger de toute urgence pour qu’il soit présenté dans la nuit à l’ONU pour des discussions informelles avant présentation au Conseil de sécurité.
Et Fabius de dérouler les conditions drastiques d’un projet de résolution « contraignante », c’est à dire supposant le recours possible à la force si la Syrie tentait de se soustraire à ses obligations:
Ainsi le Ministre desAffaires étrangères a évidement exigé que la Syrie « fasse toute la lumière sur son programme d’armes chimiques, qu’il soit placé sous contrôle international et démantelé, que le régime syrien accepte la mise en place d’un système de contrôle de ses obligations,sous l’égide de l’Organisation internationale d’interdiction des armes chimiques. Mais là ou l’affaire s’est corsée c’est que Laurent Fabius a ajouté qu’il fallait prévoir des conséquences extrêmement sérieuses en cas de violation par la Syrie de ses obligations. Et que une condamnation du massacre commis par le régime syrien sit prononcée! Ce donc par le même régime, (!) et que les « auteurs » du massacre chimique du 21 aout soient sanctionnés par la justice pénale internationale!
A l’évidence, les 3 derrières exigences formulées sèchement par Laurent Fabius, n’ont pas la moindre chance d’être accepté par Bachar el-Assad. « Imagine t-on simplement dit un diplomate libanais que Bachar, qui n’a jamais cessé de tout nier, accepte d’aller à Canossa, de se mettre la corde autour du cou, d’accepter d’endosser la responsabilité du massacre, de s’auto-condamner, et de livrer les hommes qui auraient été à la manoeuvre? Et pourquoi ne pas lui demander d’aller se livrer lui-même à la Haye? Est ce que la France est vraiment sérieuse en énonçant de telles exigences? »
A l’ONU, tout a « cafouillé très vite. La demande de réunion du conseil de sécurité a tourné cours. Pour les russes, pas question dans leur projet dont ils livreront les détails précis demain ou après-demain, de menaces d’un recours à la force, ou d’obligation pour les syriens, de passer à de quelconques aveux d’une quelconque culpabilité. Encore moins d’accepter d’être placé sous l’oeil justicier du TPI. Faut-il si mal connaitre Bachar disent les russes pour exiger cela de lui?
Du coup les russes ont décidé de « squizzer », de zapper la France en l’état, à l’ONU pour mener des négociations directes avec les diplomates américains. De leur coté, les syriens par la voie de leur Premier ministre ont réitéré ce qu’ils estiment être leurs meilleures intentions: Accepter le placement de l’arsenal chimique sous contrôle international et à rejoindre l’organisation internationale pour l’interdiction des armes chimiques. Ni plus, ni moins…
On en est là, c’est à dire en pleine confusion. A l’ONU ça discute. Entre Moscou et Washington ça négocie. A Paris, « Toutes les options restent ouvertes » a tenu à préciser Laurent Fabius. Et François Hollande garde sa posture guerrière. Il réunit ce mercredi à nouveau un conseil de Défense restreint. Celui chargé de mettre au point les plans français de la « punition » militaire…
Frédéric helbert