Syrie: infernal « casse-tête » pour le Congrès US. Trouble dans l’US ARMY
Publié le 10/09/2013 à 04h56 | armes chimiques, Congrès, djihadistes, doutes contestations militaires, France, frappes punitives, Incertitudes politiques, Irak, Libye, Marines, Obama, ONU, Poutine, projet russe, syrie, US army, USA | 2 commentaires
Les questions, les doutes, les oppositions, les états d’âme des politiques et des militaires US.
Version mise à jour
C’est donc entre les mains des représentants du peuple américain que Barack Obama a remis la décision, de lui permettre de décider, (avant un éventuel retour par l’ONU…) de mener ou non les fameuses frappes de rétorsion. Des femmes et des hommes venus de tous horizons d’un vaste continent, de tous les états désunis d’Amérique, où dans certains d’entre eux on ne sait même pas (je le jure!) que la Syrie existe, vont plancher plusieurs jours sur un « quizz » infernal avant de se prononcer en leur âme et conscience. Et peut-être pour rien,
Deux tiers des sénateurs, ne savaient pas encore aujourd’hui à l’heure de l’ouverture d’une séance décisive, quelle serait leur décision finale. Ceux qui savent déjà qu’ils vont voter non sont majoritaires. Tous vont se retrouvent confrontés à une multitude de paramètres contradictoires, multitude de questions dont certaines resteront sans réponse à l’heure du vote final.
Ils ne sont pas rares les membres du congrès américain qui l’avouent: Il y a quelques semaines encore, la Syrie était le cadet de leurs soucis. La Syrie, c’était loin! Certains ont confié qu’ils ne savaient même pas la situer sur une carte. « Déjà dit l’un d’entre eux que notre diplomatie s’y perd, alors imaginez ce que cela peut être pour les représentants de la population de coins perdus de l’Amérique, une population pour laquelle la vie, la survie est aussi une guerre ».
L’infernal « casse-tête » à la chinoise
Les membres du congrès américain ne pensaient jamais avoir à statuer sur une éventuelle intervention américaine en Syrie, ce pays nébuleux, dont on sait qu’il est un ennemi juré d’Israël, mais de là intégrer tous les paramètres de la guerre civile. Le combat à mort entre chiites et sunnites. Qui est qui au sein du clan alawouite d’Assad? Qui sont donc ces alawouites (branche dérivée du Chiisme) minoritaires, mais qui ont si longtemps régné d’une main de fer sur la majorité du peuple syrien, sunnite, matant sans aucune retenue toute velléité d’opposition? Qu’est ce donc que ce pays étrange ou cohabitent musulmans et minorités chrétiennes, et mêmes juives? Quels sont ces liens avec les USA, qui pourraient justifier une intervention de leur pays ou des millions de gens si durement touchés par la crise ont été emporté comme dans une tempête?
Les femmes et les hommes du Congrès ont juste une certitude ancrée au fond d’eux-même quand à un paramètre est essentiel: Barack Obama, Joe Biden le vice-président, et John Kerry le flamboyant secrétaire d’état (ministre des affaires étrangères) ont beau jurer que ce ne serait pas une guerre, mais juste quelques jours de frappe chirurgicale pour « punir » le régime de Bachar el-Assad d’avoir utilisé de façon massive des armes chimiques, que cela n’aurait rien à voir avec l’Irak et l’Afghanistan, ces bourbiers de guerres « asymétriques » qui ont couté tant de vies, bousillé tant d’autres pour rien, les congrressmen ont pour beaucoup de mal à y croire, et peur que l’Amérique ne soit entrainée à aller beaucoup lus loin.
« Nous dit une femme sénateur démocrate (donc du parti d’Obama), nous sommes au contact des américains de toutes couches, toutes souches, de conditions moyennes ou modestes, voire misérable hélas, des gens qui vivent aux antipodes de Manhattan, de New-York, de la Maison-Blanche, du Capitole, ce que vous appelez ‘Amérique profonde, ceux qui font que Barack Obama a été obligé de décaler son discours télévisé à la Nation d’un jour, parce que hier soir c’était l’ouverture de la saison de football américain, et qu’il n’est pas question qu’Obama prenne une casquette à l’audimat! Et ces gens-là, ne veulent plus d’une Amérique « gendarme du monde », ces gens là savent désormais qu’on leur a menti sans vergogne sur l’existence des armes de destruction massive en Irak! Ils ne l’ont pas oublié, et aujourd’hui se retrouvent confrontés à une « histoire » d’armes chimiques sur laquelle des camps différents en Syrie, dans la région, dans le monde, s’affrontent à coups de versions et d’analyses totalement contradictoires et antinomiques! La seule chose qui leur apparait à peu près clairement, c’est que les jihadistes, des hommes d’al Qaida, qui leur ont fait tant de mal, se battent aussi en Syrie contre celui que Barack Obama leur demande de châtier!
Une intervention militaire en Syrie reviendrait-elle à faire le jeu des jihadistes qui combattent aussi, de leur coté, avec une puissance de feu supérieure à celle des rebelles, le régime de Bachar el-Assad?
C’est la confusion dans les esprits et cette équation dit la sénatrice, les américains ne la comprennent pas, quand ils ne la rejettent pas violemment. Proche des milieux militaires, elle a vu même le malaise s’installer: Entre eux, ils en parlent beaucoup. Mais certains ont même porté, sous couvert de relatif anonymat le débat sur la place publique. On a même vu sur des blogs, des forums, apparaitre des réactions d’officiers ou de simples soldats d’active, ou d’anciens militaires outrés disant: Nous n’irons pas nous battre pour soutenir ces salopards de jihadistes! »
Et il est de quoi s’inquiéter au sein de la nation américaine quand le fameux « No more war! » qui, pour toutes sortes de raisons, ratisse la majorité des suffrages aux Etats-Unis jette un trouble sérieux dans les rangs de l’US Army.
La méfiance dans cette affaire vis à vis de l’administration Obama s’est répandue jusque sein du Pentagone (ce qui a incité le chef d’état-major des armées à suggérer à Barack Obama de solliciter le congrès: Nombre de mltiaires américains trouvent bien bancale ce projet de frappes punitives et limitées, Les hommes de la Maison Blanche ne cessent de le répéter: Aucune troupe au sol, aucun boy de l’US Army ne seront engagés. Mais la Marine avec la 6ème flotte, elle le serait, oui! Et ça, ça passe mal. Un vétéran de l’Irak s’interroge « Q’adviendra t-il si ces frappes sont sans effet réel? Si Bachar en ressort parfaitement intact et « grandi », comme étant l’homme ayant résisté au géant américain? Qu’adviendra t-il si les jihadistes, qui sont les mieux armés, les mieux équipés, en profitent pour pousser leurs pions sur le terrain? Si l’Etat-major estime qu’il faut frapper à nouveau? Que se passera t-il si les syriens ripostent à d’éventuelles frappes en ciblant les intérêts, citoyens, moyens ou personnels militaires US, directement ou indirectement? Bachar n’a t-il pas menacé froidement devant les caméras de la chaine CBS, lâchant un bien peu énigmatique, encas de frappes: « Vous devez vous attendre à tout »?
Poussant le propos plus loin le militaire, ex-officer desMarines grince des dents: Imaginez que Bachar réplique vers la Turquie, la Jordanie, ou les monarchies du golfe avec lesquels nous avons desaccords de défense bi-latéraux, pire imaginons qu’il aille jusqu’à frraper Et regardez en Libye, dit l’homme , en Libye, les USA n’ont fait que lâcher une salve de tomahawk, laissant les français et les anglais faire le reste du job. Les USA n’ont ils pas payé le prix lourd? Notre ambassade a été attaquée, notre ambassadeur tué? Et combien coutera cette initiative au final dit le vétéran blasé? combien de milliards à dépenser pour quel résultat alors que notre pays souffre aussi. Le soupes populaires, ce n’est pas qu’à Damas! Les gosses qui crèvent faute de soins, ce n’est pas que du coté des rebelles syriens! Nous aussi on connait. Si encore on était sur que cela apporte bonheur et prospérité au peuple syrien mais regardez ce qu’on a fait en Irak. Moi je ne suis pas fier. Beaucoup d’entre nous (les soldats) y ont perdu leur âme. ou un morceau d’eux même! Regardez dans quel état est le pays aujourd’hui? C’est l’empire de la voiture piégée. Ca pète tous les jours, et le monde entier s’en fout! » .
Le militaire, qui aujourd’hui fait partie de ces vétérans abandonnés, ayant le sentiment d’appartenir à une nouvelle génération « Vietnam » ajoute. « Mes camarades obéiront aux ordres si Obama, chef suprême des armées ordonne ces attaques. Mais l’US Army a déjà payé un lourd tribut, dû aux « conneries » de Bush et de sa clique de « faucons » n’est pas convaincue loin s’en faut. Et on se demande pourquoi Obama bouge seulement maintenant! Si on avait agi dès que la révolte s’est militarisée en Syrie, à coups d’opérations clandestines, et en prenant sérieusement en mains une rébellion qui alors était un mouvement profondément civique et laïc, on en serait pas là. Et les jihadistes n’auraient pas infesté le terrain. Ce sont nos politiques, qui par leur inertie, ont laissé le conflit pourrir et basculer vers une guerre confessionnelle ».
Qui votera quoi? Pour qui, pour quoi?
Alors? Alors c’est le bazar! Des représentants conservateurs qui jusqu’à l’attaque de la Ghouta réclamaient à corps et à cri une intervention américaine vont voter contre ce projet de frappes limitées qui ne correspond à rien selon eux. Ou simplement par opposition systématique. Des démocrates voteront aussi contre parce qu’Obama ne les a pas convaincu. Des conservateurs comme John Mac Cain, eux, suivront la voie hasardeuse tracée par le Président US. Et la grande majorité ne sait pas encore ce qu’elle va faire, perdue dans le labyrinthe de ce « kriegspiel » si complexe.
Le résultat n’interviendra pas avant Jeudi prochain.Peut-etre même plus tard. D’ici là tractations, manoeuvres, débats, vont se poursuivre en coulisses. Ou publiquement. Des coups de théâtre ne sont pas à exclure comme cette initiative russe, un coup magistral du maitre des échecs, allié stratégique de Bachar, Vladimir Poutine, qui ôterait une épine du pied des politiques US, et offrirait une improbable porte de sortie: Proposer à Damas de placer son stock d’armes chimiques sous contrôle international, et de le détruire! On se demande bien comment un projet pareil peut être réalisable, mais il réunit déjà des suffrages en haut-lieu aussi bien aux USA, qu’en Grande-Bretagne , à l’ONU où Syrie! Seul pays à imposer des conditions drastiques qui rendraient irréalisables le projet: La belliqueuse France de François Hollande, qui après trente mois d’inertie, s’accroche à son idée de punir Bachar el-Assad… (Mais ceci fera l’objet d’une prochaine enquête!…) .
En attendant le Congrès planche. Mais quoiqu’il advienne des armes chimiques et de leur usage, des agitations et circonvolutions diplomatiques et politiques, la guerre continue, et (que les frappes aient lieu ou non) elle continuera en Syrie.
Frédéric Helbert*
* « vétéran » au rayon reporter sur le terrain des guerres d’Irak, et de Libye. (entre autres)