Syrie: en route vers le « merdier »? Inventaire.
Publié le 28/08/2013 à 09h48 | arsenal syrien, ASL, Bachar, embrasement, France, GB, Hezbollah, Hollande Russie, iran, Liban, missiles, Obama, offensive limitée, poudrière, Proche-Orient, syrie, tomahawk, USA | 3 commentaires
Bruits de bottes et déclarations martiales pour buts de guerre très vague.
Une offensive limitée à hauts-risques. Enquête, reportage.
» Quatre destroyers lance-missiles croisent en Méditerranée… Des sous-marins lanceurs d’engins voguent dans les profondeurs. »La Marine américaine est prête » dit le secrétaire d’état à la défense US, Chuck Hagel. Elle serait le pivot de cette offensive devenue soudainement impérieuse pour les « politiques ». On connait l’efficacité et la précision redoutable des(Cruise-missiles) missiles de croisière « Tomahaws » qui seraient utilisés au cas où, des mots, l’Occident passerait aux actes. Sans les USA, leurs armada qui croise en Méditerranée, leur moyens de guerre électronique, Il ne pourrait y avoir d’offensive sérieuse visant installations, sites stratégiques syriens, dépôts d’armes et de munition, centres de commandements, bases militaires…. Car tout le monde en haut-lieu l’annonce: On va y aller! « mais sans y aller vraiment: dit un vétéran de la première guerre du Golfe. L’offensive ne sera pas une guerre. Pas question d’envahir la Syrie, pas question d’aller « chercher » Bachar el-Assad, de casser le régime syrien. Non juste le « punir », pour reprendre le mot étrangement employé par François Hollande ayant endossé un costume « qui lui plait beaucoup » dit un de ses proches, celui de chef des armées.
La nuit dernière encore, le vice-président américain Joe Bidden en a remis une couche: D’ou l’on déduit que ce qui a été longtemps toléré jusque-là, en se voilant la face est soudainement devenu insoutenable. Un opposant syrien qui a milité dès le début de la révolte pour une aide qui n’est jamais venue grince des dents: « Il aura fallu attendre bien plus de cent mille morts, et la dévastation continue d’un pays par son propre chef d’état pendant des mois et des mois pour enfin dire. La « punition » arrive? Mais juste une petit claque pour dire qu’utiliser les armes chimiques çà ne se fait pas! Et après la guerre civile reprendrait son cours avec son cortège d’atrocités en tout genre? Quelle est la finalité? A t-on mesuré les risques de dommages collatéraux de très grande ampleur qui pourrait toucher tout le Moyen-Orient sans changer la situation en Syrie? Qu’est ce qu’on veut aujourd’hui? Se racheter une bonne conscience au prix de trois jours de frappes intensives? Cela n’ aucun sens! »
Hollande bombe le torse, Cameron le britannique a sonné le tocsin, mais dit un diplomate tout dépend désormais du président Obama, dont les ardeurs guerrières contre la Syrie se sont montrées plus que modérées jusque-là. Et qui il y a quelques jours encore assurait qu’il n’y aurait rien sans accord de l’ONU. Exit donc l’ONU pour tout à chacun. Cap sur une expédition punitive plus qu’hasardeuse.
Reste que, si l’on s »en tient à la théorie, et que si une frappe est imminente, forcément limitée est effectivement lancée, face à un homme comme Bachar, et ses alliés, les iraniens, le Hezbollah, et comme pourvoyeurs constants d’armes les plus sophistiquées à jets continu depuis des mois et de conseillers militaires sur le terrain, les russes, il va falloir se « frotter » à un arsenal ultra-puissant dont Bachar ne manquera pas se servir pour répliquer. Immédiatement où dans un deuxième tempsLes cibles d’une contre-offensive ne manquent pas, et les pays voisins de la Syrie ont de quoi nourrir quelques soucis.
Car Bachar el-Assad n’a plus rien à perdre. Et a déjà fait sinistrement ses preuves. Il a fait massacrer par dizaines de milliers (100/200/300 000 morts, impossible de savoir) rebelles, ou civils, où opposants de tout poil, il a rasé des villes entières, et ce en utilisant toutes sortes d’armes, chimiques où non(cf révélations Paris-Match, articles à retrouver sur le site). Bachar el-Assad qui a montré que rien ne l’arrêtait, et qui n’a pas attendu l’attaque de Goutha pour violer allègrement « les lois de la guerre » et la convention de Genève qui ne s’applique que dans le canton de Genève, (ce qu’on fait aussi ses opposants mais dans une toute autre mesure). Et l’homme reste à la tête d’un régime qui n’a jamais cessé de s’approvisionner en armes lourdes, pointues et notamment en missiles de croisières, et n’aurait aucune raison de se « priver » d’une riposte dès lors que l’offensive occidentale serait limitée.
L’arsenal de la Syrie permet à priori au régime de frapper partout dans la région: Israël qui déjà menace d’une lourde riposte en cas d’attaque et où la distribution de masques à gaz bat son plein, La Turquie l’un des plus fidèles soutiens de la rébellion, la Jordanie ou se réunissent actuellement plusieurs chefs d’état-majors susceptibles de constituer une coalition militaire anti-Assad, le Liban, qui n’échappe jamais aux soubresauts du conflit syrien….
Cet arsenal comprend les fameux missiles de croisière ultra sophistiqué « Yackont » P800, à l’origine des armes anti-navires (portée de 300kilomètres, vitesse: Mach2,5, 200 kilos de charge explosive) associés à un système de guidage radar top niveau, qui pourraient tenter de viser les navires américains, mais aussi des zones stratégiques en Israël, Installations nucléaires ou zones d’extraction gazières, ce qui pourraient déclencher des catastrophes en chaines. La Syrie disposerait de près d’une centaine de ces missiles basés près de Lattaquié, le fief personnel de Bachar el-Assad. Récemment L’IAF, l’aviation israélienne a mené un raid préventif visant ces missiles mais on ignore les résultats réels de l’opération, et si la Syrie n’a pas alors opéré un « réassort » de son stock.
La Syrie possède aussi quantité de fameux missiles SCUD, (déjà utilisés par le régime contre sa population) les SCUD D, (origine russe) pouvant emporter des charges chimiques, gaz moutarde (par tonnes), gaz SARIN, gaz VX (encore plus dévastateur), meuro-toxiques en tout genre). Plusieurs services de renseignement militaires ont repéré grâce à des satellites-espions ces derniers mois, d’impressionnantes zones de stockage, et d’inquiétants déplacements de ces armes au pouvoir de mort terrifiant. La Syrie dispose selon les estimations de SR (services de renseignements), du plus important stock d’armes chimiques mondial, et d’ un stock non mesurable d’armes bactériologiques (peste, charbon et autres virus).
Dans l’arsenal aussi, quantité de SCUD Fatah A-110 ou Zelzal2, développé par l’Iran, pouvant emporter aussi des têtes chimiques, Missiles M600( dérivé du SCUD), aux capacités de pénétration en profondeur en territoire ennemi, et des roquettes anti-aériennes « de qualité ». Le régime affirme aussi disposer de missiles anti-aériens, S-300, qui font partie du « best off » conçu dans les usines d’armement soviétiques, pour contrer de missiles balistiques où des avions à haute altitude. Dont officiellement la livraison est toujours en suspens, mais la Syrie a reçu des batteries de missiles en tout genre ces derniers temps, arrivés par cargo jusqu’à la base navale militaire de Tartous, contrôlée par le Kremlin.
Le dispositif de défense anti-aérien syrien est des plus sophistiqués, monté, et « monitoré » directement par des experts russes. Un dispositif craint, qui justifierait la non utilisation d’avions de chasse, ou alors d’appareils emportant des missiles de croisière comme les Scalps français. Difficile d’imaginer que l’on puisse recourir aux missiles « fire and forget », tirés à distance de leur cible, mais ces armes supposent une assistance à terre pour diriger un guidage laser jusqu’aux cibles visées.
Ancien colonel au Ministère de la Défense, après 25 ans d’armée sur le terrain, Abou Daoud, d’origine sunnite qui a fait défection lorsqu’il a vu ses anceins frères d’armes alawouites commencer à tirer sur une foule désarmée au début de la révolution, que j’ai rencontré à plusieurs reprises au Liban a été dans le secret de plusieurs programmes de constitution d’arsenaux pouvant faire face à tout type de situation. L’arsenal chimique a toujours été frappé du sceau top-secret, mais des unités spécialisées ont sans cesse été entrainés à les utiliser, tout ‘en s’protégeant, aussi bien pour lancer des offensives longues distances que pour les utiliser à l’intérieur du pays en milieu urbain ». Devenu infirmier bénévole dans un centre soignant à Tripoli réfugiés et blessé de guerre en tout genre, Abou Daoud qui répugne à évoquer son passé, a accepté de témoigner dans les colonnes du reportage révélant l’utilisation des armes chimiques pour Paris-Match puis dans un magazine réalisé pour ARTE, affirmant avoir croisé dans le lieu de tous les pouvoirs en Syrie le Ministère de la Défense, des conseillers militaires russes et iraniens de très haut-niveau. Si Bachar est attaqué Abou Daoud qui sait de quoi il parle en est persuadé: l’homme fort de Damas utilisera tout son arsenal pour mettre le feu à la région.
En Syrie, lors de mon dernier reportage, des rebelles de l’ASL que j’ai rencontré ont tous répété que l’Occident avait commis une erreur criminelle en refusant d’armer et d’aider massivement la population lorsque après 8 mois de révolte pacifique, le conflit s’est militarisé après que l’armée ait commencé à tirer sur les foules lorsqu’elles manifestaient. Fabriquant eux mêmes « artisanalement » des armes dans des usines et lieux clandestins, ces rebelles ont insisté sur le fait qu’ils voulaient des armes, notamment des armes anti-char et anti-aériennes, pour mener eux même leur bataille contre le régime, et les islamistes, mais pas d’une intervention occidentale directe, encore moins limitée, qui pourrait conduire Bachar à lâcher tous ses chiens, et à utiliser ces armes les plus puissants pour mettre le feu à la région et rendre la situation parfaitement incontrôlable. « Même une zone d’exclusion aérienne serait inutile disait alors un capitaine d’une katiba, car l’essentiel des combats sont terrestres. C’est une guerre à l’ancienne. Ou l’aviation reste encore en réserve, jouant un rôle mais pas un rôle majeur« .
Dans ces conditions on ne peut que s’interroger sur les buts de guerre, d’une offensive occidentale qui se voudrait limitée, dans son intensité, et dans le temps. « Frapper 2 ou 3 jours des zones stratégiques, centres de commandements ou autres, sans vouloir aller jusqu’au bout et casser le régime de bachar el-Assad est un stratégie qui démontre que l’Occident n’en a pas vraiment » dit un ex-aviateur français de haut-vol, vétéran de la première guerre du Golfe et qui connait bien la Syrie. Cette « option » d’une frappe punitive qui se voudrait un avertissement risque d’allumer l’étincelle qui mettrait le feu à la région et ne rien régler sur le fond » ajoute t-il. En 91, au bout de cent jours de guerre, on s’était arrêté sans aller « chercher » Saddam Hussein à Bagdad. La suite catastrophique, on la connait. De quelle « riposte appropriée » parle aujourd’hui François Hollande, alors que les massacres n’ont cessé depuis des mois, quelles que soient les armes employées, et que se cachant derrière le paravent de la fameuse ligne rouge de l’utilisation de l’arme chimique, l’Occident a laissé le conflit pourrir, laissé les jihadistes venir de partout se mêler au conflit, avec leurs armes plus sophistiquées, leur argent. Cet argument de la présence des jihadistes et de la menace qu’ils représentent pour l’avenir du pays a soudain disparu du discours occidental, alors que c’était jusqu’il y a peu le principal argument invoqué pour ne pas intervenir »…
Les plus inquiets sont les israéliens. Qui seraient selon un observateur libanais avisé la cible « évidente » du régime syrien. Régime qui a toujours affirmé être le seul aujourd’hui à incarner la vraie résistance à « l’ennemi sioniste ». Ali Foda, l’un des chefs de la communauté alawouite de Tripoli n’a cessé de mêle répéter au cours de plusieurs rencontres. Allant jusqu’à marteler qu’Israël était à l’origine du complot originel ourdi avec les monarchies du Golfe et les Etats-Unis, visant à déstabiliser la Syrie. Et l’homme n’est pas du genre à plaisanter lorsqu’il dit que l’armée de Bachar n’hésitera pas à répliquer contre Israël, si l’Occident venait à intervenir directement.
Un combattant du Hezbollah revenu du front syrien le dit aussi avec une détermination qui fait froid dans le dos. Le mouvement chiite est prêt à utiliser sa formidable puissance de feu (alimentée notamment par la Syrie et l’Iran) pour frapper l’état hébreu. Lequel affirme n’avoir rien à voir dans le conflit syrien, mais se prépare de son coté à toutes sortes de frappes pour se prévenir d’une attaque syrienne ou du Hezbollah qui campe à la frontière Nord du pays. La défense intérieure d’Israel s’organise aussi. de multiples batteries anti-missiles sont déployées. Et la population se rue dans les centres de distribution de masques à gaz.
« Bref si on va, on va vers un grand « merdier » lâche un autre militaire français, sous couvert d’anonymat, un merdier aux conséquences imprévisibles à force d’avoir attendu, attendu, et de vouloir se précipiter maintenant. La machine semble être lancée. Il n’et pas sûr qu’elle ne provoque pas des effets contraires, pervers, allant jusqu’à d’éventuelles représailles terroristes chez nous. La France a déjà payé par le passé, le prix d’ un engagement anti-syrien, à l’heure ou le pays occupait le Liban. Les relations avec la Russie de Poutine vont devenir épouvantables. La Syrie n’est pas la Yougoslavie ou le Kosovo, encore moins le Mali. Ce n’est pas la Libye non plus. Le pays dispose du soutien inconditionnel régional de l’Iran et du Hezbollah libanais A moins que des plans secrets de plus grande envergure, et de frappes réellement foudroyantes soient entrain d’être concoctés secrètement, mais je n’y crois pas, L’Occident longtemps resté impuissant, volontairement inactif, hypocrite et sans vision met en route une machine infernale. Bachar n’est pas Milosevic. Une série de frappes limitées ne saurait le faire plier, mais risque plutôt de l’enrager. Et s’il ne s’agit que d’un avertissement, cela ne changera pas fondamentalement le rapport des forces sur le terrain. Le piège de la « ligne rouge » se referme non sur le régime syrien, mais sur tous ceux contre lesquels il pourrait directement ou indirectement se retourner dans son pays comme hors de ses frontières.
Frédéric Helbert.