Attentat Beyrouth. Retour de boomerang sanglant de la guerre de Syrie pour le Hezbollah.
Publié le 18/08/2013 à 17h22 | attentat, Bachar, Beyrouth, chiites, Dahieh, guerre civile, Hezbollah, jihadistes, Liban, Nasrallah, Salafistes, sunnites, syrie, terrorisme | Écrire un commentaire
Le Liban au bord du gouffre.
Jamais le Hezbollah n’avait été attaqué ainsi. Un attentat au coeur de son fief de la banlieue Sud à Dahieh. Une voiture piégée, près de 50 kilos d’explosifs surpuissants- lancée non contre une « cible militaire » mais de façon voulue au coeur de la foule dans un quartier commerçant, une veille de vendredi, à l’heure ou les magasins sont bondés. Une attaque visant à faire le maximum de victimes, quelles qu’elles soient. Une méthode, une stratégie, une volonté de faire couler un maximum de sang qui désigne les « auteurs »: Les Salafistes jihadistes, les ennemis jurés de l’organisation. qui se battent contre le régime de bachar el-Assad en Syrie. Et se confrontent donc directement sur ce théâtre de guerre confrontés en Syrie aux offensives désormais opérées sans s’en sans cacher par les hommes de l’aile militaire du Hezbollah, apportant lui un soutien de poids aux unités de l’armée syrienne, et à Bachar el Assad, l’allié stratégique.
Pourtant, dans les heures qui ont suivi l’attentat, dans une unanimité qui en dit long sur l’inquiétude quant à une explosion généralisée au Liban, tant les dignitaires de l’organisation que des membres d’un gouvernement-fantôme, jusqu’au chef de l’état, ont pointé du doigt le coupable idéal: Israël. Mais de Beyrouth à Jérusalem en passant par Washington où les capitales arabes, personne n’y croit.
« Désigner Israël ocnfie un ancien cadre de l’armée libanaise, c’est bien évidement plus facile, et rassurant, pour ceux, proches du Hezbollah ou non, qui savent que les jihadistes, les salafistes combattants, qui règnent maitres à Tripoli au Nord du pays près de la frontière syrienne sont désormais capable d’allumer un front de l’intérieur, et de mener au coeur même de Beyrouth des attaques terribles. En utilisant les mêmes méthodes que celles « brevetées » par la Syrie de Bachar el-Asad. Et ainsi implanter La guerre de Syrie peut s’implanter au coeur de Beyrouth. Une action comme celle menée jeudi dernier est imparable, et cela peut recommencer demain, quelle que soit la toute puissance militaire du Hezb ».
Israël a par le passé frappé durement le pays du cèdre, comme lors de la guerre de 2006, bombardant à outrance et souvent sans discernement. Mais les israéliens aujourd’hui, très isolés, confrontés à leur difficultés internes, voyant l’Egypte s’effondrer, et ayant toujours l’Iran dans le collimateur n’avait aucun intérêt stratégique à orchestrer une « manip » pour mener une telle opération. Israêl veut la peau de Nasrallah. Son état-major raisonne en termes de gains militaires immédiats. Les avions de Tsahal ont frappé épisodiquement en Syrie ces derniers mois, pour détruire des armes supposément destinées au Hezbollah. Pour se faire, ils ont survolé à plusieurs reprises le territoire libanais sans y larguer la moindre bombe.
Le massacre de jeudi dernier ramène à une réalité bien plus inquiétante pour un pays toujours au bord du précipice en raison de ces divisions internes. De ses fractures que la guerre de Syrie rend dangereusement béantes. Les salafistes aux ardeurs guerrières, et les jihadistes qui combattent en Syrie, se sont désormais solidement implantés au Liban. Le courant salafiste rallie à son drapeau de nombreux libanais sunnites. A Tripoli, bastion de leurs mouvements, les salutistes sont « rois ». ils sont partout. leur influence s’étend sans cesse. Et les clashs « limités » qui enflamment épisodiquement la ville ont dévoilé les ressorts d’une haine farouche entre sunnites soutenant la rébellion syrienne et chiites, alliés indéfectibles du régime de Bachar. « Depuis la grande bataille de Qussair en Syrie, emportée par Bachar grâce à un soutien de masse du Hezbollah, la pseudo-neutralité du Liban qui était une farce a volé en éclats » dit un politique nationaliste. Depuis, les haines se sont renforcées considérablement au pays du Cèdre. Les affrontements sporadiques mais violents, opposant chiites et sunnites, et assassinats ciblés ont gagné Saïda au Sud, ou à Erzal, enclave sunnite au coeur du pays chiite, qui borde la frontière syrienne. Une ville ou la tension ne retombe jamais.
Désormais, la donne a changé: Il y a quelques mois c’était les partisans de Bachar qui, avec l’aide du Hezbollah(?), où de ses soutiens directs, les alawouites (la branche chiite à laquelle appartient Bachar el-Assad et son clan) du Liban, frappaient au coeur de Beyrouth avec une voiture piégée. Attentat terrible qui avait détruit une rue tout entière, mais qui visait précisément un homme: le général Wissam el Hassan, un as du renseignement, pilier de la lutte contre les projets de déstabilisation du Liban par le régime syrien. Il avait ruiné le projet d’une campagne d’attentats à la voiture piégée que devait mener l’ancien ministre chrétien Michel Smaha, devenu (sic) « conseiller personnel du Président Assad », aujourd’hui sous les verrous. Il avait aussi supervisé l’exfiltration de plusieurs hauts-responsables de Syrie, comme le général Manaf Tlass. Il était la bête noire de Damas. Il l’a payé de sa vie dans un attentat ayant semé la dévastation et l’effroi au coeur de Beyrouth.
Là encore, Israël avait été désigné coupable, mais tout indiquait que Wissam el-Hassan avait été victime de la vindicte syrienne, et des « experts » à la solde de Damas, qui pour éliminer un homme, « affectionnent » la stratégie de la voiture piégée, bourrée d’explosifs, dont les « dommages collatéraux » sanglants et spectaculaires servent aussi d’avertissement… L’enquête sur l’assassinat de l’ex n°2 des FSI s’est depuis perdu dans les limbes…
Mais au fur et à mesure des semaines, des mois, à Dahieh, dans le fief du Hezbollah, la crainte de voir aussi le quartier frappé par une voiture piégée est apparue. Le Hezbollah qui a des yeux et des oreilles partout, a renforcé tant qu’il l’a pu son système de surveillance et de sécurité. Mais sans renseignements ultra-précis, il est impossible de parer ce type d’attaque. Une attaque revendiqué par un groupuscule anti-Bachar jusque là inconnu. Mais peut-importe cette revendication et l’existence réelle où non dudit groupuscule. Au Liban, tout le monde a compris que l’attentat était une « première réplique de grande envergure menée par des « opérationnels » prêts à tout, pour défier le Hezbollah qui soutient pleinement le régime syrien. Et c’est le spectre d’une guerre civile qui ressurgit. Une guerre entre musulmans dans un pays ou les chrétiens sont devenus minoritaires, après la première guerre civile des années 70-80. La cristallisation est désormais là, entre sunnites radicaux et chiites tout aussi radicaux. Le Hezbollah n’entend en aucun cas cesser de soutenir l’allié syrien. Les salafistes et autres jihadistes ont prouvé qu’ils étaient désormais capables de rendre les coups sur le sol libanais. La diplomatie internationale est parfaitement impuissante, comme elle l’est en Syrie, ou en Egypte, à s’opposer aux ardeurs guerrières des uns et des autres.
Selon un général d’active, l’armée libanaise n’en a guère plus les moyens. Et l’homme voit l’avenir en noir: « La haine entre chiites et sunnites ne cesse de grimper au Liban. La machine infernale tourne à plein. La guerre de Syrie est devenu un conflit sectaire et inter-confessionel. Et ce poison a naturellement contaminé le Liban, ou chaque camp s’est retrouvé impliqué d’une manière ou d’une autre dans le conflit syrien. L’opposition entre chiites et sunnites dans la région, est une spirale qui ignore les frontières. Au Liban, elle y trouve un écho particulier. Dans un pays sans état digne de ce nom, chaque organisation, chaque clan, chaque famille est entrain de s’armer et de se préparer à une explosion généralisée. Le Hezbollah a ouvert la boite de pandores. Il avait déjà été attaqué en son fief à deux reprises au cours des mois derniers, mais des attaques mineures, presqu’insignifiantes au regard de l’attentat-monstre de jeudi dernier. Désormais le tout puissant mouvement chiite sait qu’il n’est plus à l’abri d’attaques majeures, visant n’importe qui, n’importe quand; comme les victimes de l’attentat à la voiture piégée, qui étaient pour une immense majorité de simples civils allant faire leurs courses, ou préparant simplement leur soirée chez eux dans les buildings défraichis de la banlieue Sud ».
Hassan Nassrallah, le tout puissant leader du Hezbollah se retrouve confronté à une donne « casse-tête ». Attaqué en son fief que l’on considérait comme une forteresse, et par d’autres musulmans, ayant les moyens de mener des actions imparables. Pour l’heure, il a appelé ses « troupes » au calme. Et dans les rangs du Hezbollah, la discipline règne. Mais que se passerait-il si de nouvelles attaques survenaient? Des voix au sein de la population chiite se sont déjà élevées cette semaine, critiquant la politique « boute-feu » du Hezbollah. Le conflit syrien peut durer des mois, des années. Rien en l’état ne permet d’en prévoir la fin. Rien ne permet non plus de penser que le Hezbollah va « lever le pied » en terre syrienne. Or chaque jour les atrocités qui se déroulent dans le pays animent le brasier des haines confessionnelles, et ces haines sont palpables au Liban voisin, par ailleurs totalement incapable de faire face à l’afflux de centaines de milliers de réfugiés dont la présence sur le sol libanais attise les tensions.
Le risque d’une nouvelle guerre civile est plus présent que jamais affirment tous les experts. Chacun semble s’y préparer. D’aucuns la considèrent déjà comme inéluctable Et si cette guerre devait éclater, nombreux sont ceux qui pensent qu’elle pourrait déboucher sur le conflit le plus sanglant que le Liban n’a jamais connu.
Frédéric Helbert.