Frédéric HELBERT, journaliste d'investigation

Notre rôle n’est pas d’être pour ou contre, il est de porter la plume dans la plaie. (Albert Londres)


Déraillement sanglant en Espagne: l’étau se resserre autour du conducteur. (MAJ)

Publié le 27/07/2013 à 02h39 | , , , , , , , , ,  | Écrire un commentaire

Déraillement: L’enquête avance. Seul au monde, le conducteur s’est muré dans le mutisme total. Celui qui était avec lui dans la cabine a parlé. Un témoignage accablant.

La vitesse réelle du train à grande vitesse au moment du crash: près de 200 km/h.

capure d'écran photo postée sur Facebook

José Francisco Garzon, photo profil Facebook conducteur.

Le monde entier connait désormais son nom, son visage son passé apparemment sans histoire, mais pourtant non vierge de zones d’ombres. Le monde entier connait José Francisco Garzon Amo.  Et s’interroge sur la terrible responsabilité qui semble peser -de plus en plus lourdement sur les épaules du « conducteur en chef » du « train fou » dont le déraillement à près de 200 kilomètres/h sur une portion limitée à 80, a provoqué un carnage terrifiant. Plus l’enquête avance, plus l’homme fait figure de responsable dans une catastrophe due à un excès de vitesse et une absence de freinage, que rien pour l’heure n’explique techniquement. Selon la reconstitution des dernières minutes qui ont précédé le crash, c’est en toute conscience, que le conducteur en chef a méprisé les règles élémentaires de sécurité, et ignoré volontairement l’alerte apparue normalement sur son tableau de bord. Où plutôt, il l’a vu, appuyé sur un bouton signifiant qu’il avait enregistré cette alerte, qu’i avait bien compris, mais n’a engagé aucune manœuvre (manuelle) de freinage, et l’AVIA 730 a continué sa route comme si de rien n’était, jusqu’au moment fatal.

Les enquêteurs  voudraient encore rester prudents, mais il n’est pas d’éléments  qui puisse plaider apparemment -en l’état- en faveur de celui qui déjà sur son page Facebook avait publiquement affiché son gout pour les « excès de vitesse », affichés en toute conscience, et assumés en toute inconscience.

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La page Facebook fermée le lendemain de la catastrophe est considérée comme une « pièce à conviction » du dossier.

le compte

Le Mutisme soudain de l’acteur/témoin n°1 de la catastrophe

Placé sous surveillance policière à l’hôpital, sur ordre du juge d’instruction, le conducteur en chef s’est muré dans un silence total. Les enquêteurs ont d’abord mis cela sur le compte du choc, attendu, ne voulant pas bousculer un homme au témoignage essentiel. Mais l’enquête a ses nécessités.  Au delà des victimes, de leurs familles, leurs proches, c’est un peuple tout entier qui veut savoir, comprendre, ce qui s’est passé. Plus qu’il ne le veut, il l’exige.  Vendredi après-midi Lorsque les enquêteurs ont décidé qu’il était temps de commencer à vouloir l’interroger, lorsque les questions ont fusé, José Francisco Garzon Amo n’a pas voulu répondre. Il est resté de marbre. Rien, pas un mot. Le mutisme absolu. « pas terrible au rayon défense ou explication » dit un enquêteur.

Le témoignage capital dont personne ne parle: celui du conducteur assistant de la rame à grande vitesse.

D’autant que ce qu’on sait des moments qui ont précédé et suivi l’accident ne sert pas sa cause. Le témoignage de l’assistant conducteur (non mis en cause lui, mais mis à l’abri de la « furia » médiatique par la police) est accablant pour celui qui s’était décrété maître absolu de la cabine de pilotage. Selon les rares informations obtenues, José Francisco Garzon Amo a gardé tout le temps la haute main sur les manettes. Il connaissait parfaitement le parcours, savait qu’à un moment, à quatre kilomètres exactement de la courbe fatale, il devait commencer à décélérer doucement et passer progressivement d’une vitesse tutoyant les 200 kilomètres heure à 80. Or il n’a rien fait de tel apparemment, en toute conscience. Le conducteur-assistant a confirmé que le signal donnant l’alerte d’un excès de vitesse, s’était bien déclenché. José francisco Garzon Amo l’a vu. l’a désactivé. mais  n’a pas lancé, l’opération de freinage manuel, ni un quelconque SOS, ou signal de détresse par radio indiquant qu’il aurait été en proie à un problème technique. Il a maintenu son cap et sa vitesse, comme si de rien n’était. Pourtant, il était en pleine possession de ses moyens, n’avait pas bu d’alcool, ni pris aucune drogue. La seule ivresse qui était alors peut-être la sienne, et semble t-il une addiction ancienne: celle de la vitesse… Dans le tunnel précédant la courbe de Santiago, le TGV allait toujours aussi vite, à la sortie du tunnel pareil. Y-a-t-il eu explication, dispute, entre les deux hommes, le benjamin s’est-til senti impuissant à inverser le cours des choses, a t-il appréhendé la réalité du danger? Mystère, publiquement. Son témoignage capital reste protégé, et les enquêteurs voudraient qu’il le reste tant que José Francisoco Garzon Amo n’a pas parlé… Pour en revenir aux faits  Le train a donc poursuivi sa course. Ce n’est qu’à quelques secondes du crash, qu’il a lancé un curieux message: « Je suis à 190km/h, je vais dérailler« , sans en dire plus alors. Quelques secondes plus tard, c’était la catastrophe. Non pas à 190km/h comme l’a dit le conducteur mais à près de 200!

C’est alors que le conducteur, légèrement blessé, mais conscient a lâché des propos plus que troublants, dans sa radio de bord, avant de s’en extraire, puis aux policiers: « J’ai déraillé, qu’est ce que je pouvais y faire? mais qu’est que je pouvais y faire? » il évoque aussi plusieurs vitesses différentes (entre 180 et 190), puis lâche « J’espère qu’il n’y a pas de morts, sinon je les aurais sur la conscience« , et enfin s’apercevant de l’étendue du désastre, récupéré par un policier: « j’ai foiré, j’ai déconné, j’ai déconné je veux mourir« … et puis, silence radio!

Conduit à l’hôpital, placé immédiatement sous surveillance, en garde à vue, accusé officiellement « d’imprudence » ( qualificatif correspondant en l’espèce, à une sorte « d’homicide involontaire »), le conducteur a alors opté pour le mutisme. Les enquêteurs ont attendu, ne voulant pas bousculer un homme sous le choc, puis comme rien ne venait, ils ont commencé à poser leurs questions, sans pouvoir obtenir la moindre réponse. Désormais, c’est dans les locaux de la Police que se poursuivent les tentatives de faire parler l’homme.  » Lorsque il aura compris que sa position n’est pas tenable dit un enquêteur, nous organiserons une confrontation avec le conducteur assistant »

De leur coté, les responsables de la RENFE (SNCF espagnole) ont commencé à « tirer à vue » publiquement sur le conducteur, l’estimant responsable et coupable. Se déchargeant par la même du fait que par mesure d’économie, le tronçon précédant une courbe considérée dangereuse par les cheminots, (et qui  avait fait « tanguer »  la première rame lors de l’inauguration de la ligne selon les passagers) n’était pas équipée – comme c’est le cas partout en France- d’un système de freinage automatique, qui prend en charge une rame pour l’amener à freiner ou s’arrêter en cas de dépassement excessif de la vitesse prévue.

Quant aux policiers, ils poursuivent leur enquête de « profilage » d’un homme au double visage. Décrit comme sympathique, affable, compétent, professionnel,  par ses collègues, mais ayant dévoilé sur Facebook une face sombre mystérieusement négligée de « fou de vitesse », capable de tous les excès… Des policiers qui  ont entamé une traque discrète pour retrouver et interroger ceux avec lesquels, José  Francisco Garzon Amo échangeait sur les réseaux sociaux évoquant avec une légèreté stupéfiante ses « exploits », ses records de vitesse, sa capacité à mettre en danger les passagers des rames qu’il a conduite, prenant parfois des libertés insensées avec les règles de sécurité.

Quoiqu’il se soit passé, la catastrophe ayant endeuillé un peuple tout entier, et mis la RENFE sur le grill, José Francisco Garzon Amo, désormais sous l’oeil permanent des policiers,  échappera difficilement à une obligation de s’expliquer, d’une manière ou d’une autre, devant la Justice espagnole qui le considère, à l’heure qu’il est, comme le responsable premier de la catastrophe.

Frédéric Helbert


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À propos de l'auteur

Grand-reporter de guerre, (souvent), journaliste d'investigation, multi-médias, tous terrains, membre de l'association de la presse judiciaire, passionné par les phénomènes terroristes depuis le début de ma carrière à Europe11. Tropisme assumé pour le Moyen-Orient et la péninsule arabe-musulmane. Jamais rassasié d'infos,  accro à tous types d'enquêtes et reportages, j'aime explorer le dessous des cartes de dossiers sensibles. En toute liberté. Vos témoignages, vos infos, vos commentaires sont  bienvenus!

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