Déraillement TGV Espagne: Un conducteur fou? freinage défaillant? les deux? Enquête
Publié le 26/07/2013 à 10h15 | catastrophe, Compostelle, conducteur, Déraillement, Espagne, Garzon, Renfe, système alerte, système freinage, TGV, vitesse folle | 1 commentaire
Autopsie d’une catastrophe.
Accusée n°1: la Vitesse
Quelques secondes après la catastrophe, apparait une première certitude:. Le TGV qui entrait dans une zone à vitesse limitée (80 km/h), et une courbe, connue pour sa dangerosité, roulait à une allure folle: Plus de 190 km/h. Une allure qui le condamnait à immanquablement à l’accident. Un déraillement effrayant, filmé par une caméra de sécurité.
La vitesse apparait dès lors comme le facteur essentiel, majeur, le seul pouvant expliquant le déraillement. Le TGV espagnol, n’a pas freiné comme il l’aurait dû. A près de 200 kilomètres/heure, le pire était inévitable. Le pire est advenu.
Pourquoi le train n’a pas freiné?
C’est toute la question. Et c’est là, qu’en l’état des investigations, la responsabilité du conducteur en chef apparait comme engagée pleinement. Car sur cette portion de ligne, il n’y avait pas de dispositif technique de freinage automatique en cas de vitesse excessive (comme il en existe un sur le réseau TGV français), imposant sans manœuvre opérée par le conducteur un ralentissement et un arrêt immédiat d’une rame dépassant les limites pour une raison où une autre. » le système existe en Espagne, explique un enquêteur, mais par mesure d’économie, sur la portion de l’accident, la RENFE (SNCF espagnole) a estimé que l’on pouvait s’en passer au profit d’un système d’alerte non contraignant, placé à l’intérieur de la cabine de pilotage de la motrice, mais aussi à l’extérieur, le long des voies, grâce à un système de balise et de panneaux. Il appartient alors, lorsque le système visuel et sonore se déclenche au conducteur d’engager les manœuvres de freinage. Dans des portions d’entrée en gare, ou le ralentissement est une figure imposée, la RENFE a jugée qu’elle pouvait faire l’économie d’un système automatique couteux…mais qui aurait évité la catastrophe ».
Un conducteur à double visage?
Pourtant le conducteur en chef (2 hommes à bord) était expérimenté, (52 ans, 30 de métier). Il connaissait bien cette ligne sur laquelle il travaillait depuis un an. Il ne pouvait ignorer la dangerosité réputée de la courbe imposant un ralentissement rapide de 200 à 80 km/h. Il savait qu’il devait freiner. Il ne l’a pas fait. Que le système d’alerte dans la cabine ait fonctionné où, le conducteur ne pouvait ignorer la vitesse s’affichant sur son compteur. Ni l’obligation de la manœuvre qu’il avait à engager. Or il a continué à rouler, à une vitesse folle, comme si tout allait bien. Quelques instants à peine avant l’accident, l’homme, qui y a survécu, a lancé un curieux message radio. « Je suis à 190, je vais dérailler ». Quelques instants après l’accident, il lâche des propos confus toujours par radio, donnant des vitesses différentes au moment de l’accident (180, 190), puis disant: « J’ai déraillé, qu’est ce que je peux y-faire? », « On est humain, on est humain », Ensuite cette déclaration édifiante: » J’espère qu’il n’y a pas de morts, sinon, je les aurais sur la conscience ».
A l’hôpital hier, ou il était soigné pour de légères blessures, il a subi des tests d’alcoolémie, et de dépistage de drogues qui se sont révélés négatifs. Quoiqu’il ce soit passé exactement, il était en pleine possession de ces moyens, et parfaitement maître de lui-même.
En se penchant sur le profil de ce conducteur, très vite, les enquêteurs vont découvrir un élément plus que troublant. Sur son compte Facebook, aujourd’hui bloqué, et considéré par la Justice comme une pièce à conviction, l’homme avait affiché publiquement sa passion pour la vitesse, et son « plaisir » à en dépasser les limites,en ironisant sur le sujet. Voilà une photo qu’il avait « posté » (en direct) précédemment.
Le compte Facebook du conducteur, vitrine de ces « exploits » antérieurs:
Le « fait d’armes » dont il se glorifiait: Un compteur bloqué à 200km/h apparemment très au delà de la limitation de vitesse…
Le dialogue (‘Il « tchate » donc en pilotant) associé aux photos est accablant:
Un ami – Mais tu vas à toute vitesse! Freine!
Conducteur – Je suis à la limite, peux pas aller plus vite, où c’est l’amende!
Ami 1 – Putain, tu vas passer les 200!
Conducteur – Et le compteur est pas truqué!
– Ami 2: – si les flics te chopent, tes points sautent!, hé, hé!
– Conducteur: Quel Pied ce serait de faire la course avec la Garde Civile et de les dépasser en faisant sauter leur radars! Ha, ha! quelle amende pour la RENFE!
Un « Pirate du rail » qui passe au travers?
Les éléments sont là, terribles pour le conducteur. Puisque c’est lui-même qui en est à l’origine de leur diffusion publique. Aucun soupçon de bidouillage quelconque, ou de « manip ». Le conducteur a reconnu que c’était bien son compte Facebook. qui a été fermé hier matin subitement. Le dialogue qui en dit long, et date de 2012 pose ainsi des questions quand à l’absence de réactions de la RENFE. Comment expliquer que l’un de ces conducteurs, se présentant sous son identité réelle, pilote d’une des plus rapides machines du rail, affichant sa photo, et celle de ses « exploits », des excès de vitesse » assumés, revendiqués, reste alors sans suite? Comment-se fait-il que personne n’ait donné l’alerte? Qu’il n’y ait pas eu d’enquête interne? de sanctions? d’explications? Mystère pour l’heure.
Le conducteur aura à répondre de son attitude. Il est actuellement sous surveillance policière, mis en examen pour imprudence. Mais la responsabilité du management de la RENFE apparait aussi engagée. Ses choix économiques également sont mis en cause. L’idée d’avoir, faute de budget adéquat, (ce TGV performant a été un gouffre financier), de ne pas installer de système automatique de freinage dans certaines zones, à l’approche des gares, pour y laisser un dispositif d’alerte non contraignant, est critiqué.
L’enquête…
Seule, une communication transparente des autorités espagnoles permettra de comprendre la, les failles ayant conduit à la catastrophe. Le dévoilement complet des résultats de l’analyse des boites noires effectuée dans la nuit, permettra sans doute, d’y voir plus clair, et de savoir si « la folie de vitesse du conducteur est seule en cause » où si d’autres facteurs, se conjuguant, peuvent expliquer le déraillement tragique. L’hypothèse d’une défaillance du système de freinage d’urgence est évoquée, bien que le train ait subi une inspection technique le matin même, et que, sorti vivant et seulement légèrement blessé de sa cabine, quelques minutes après l’accident, le conducteur se soit effondré en répétant: « j’ai déconné, j’ai déconné »….
(A suivre)
Frédéric Helbert