Merah agent double, Indic DCRI? La bataille des familles de victimes contre le secret-défense.
Publié le 01/02/2013 à 02h06 | agent-double?, DCRI, Merah, questions sans réponses, secret-défense, Version officielle | 2 commentaires
L’énigme Merah, taupe, indic, agent double? Avant le Jihad sanglant. La conviction d’experts. Les familles dans le doute. Le secret-défense toujours-là.
Le débat manqué…
Mercredi 30 janvier, c’est à un débat dans le « grand-journal » que j’avais été invité par Michel Denisot et son équipe. Devaient être présents sur le plateau de l’émission Latifa Ibn Ziaten, mère-courage du premier militaire tué par Mohamed Mérah, et l’avocate Maitre Maktouf qui comme d’autres défenseurs des victimes de Mohamed Merah bataillent pour une vérité encore introuvable dix mois après les faits qui ont ensanglanté Toulouse et Montauban.
Le matin-même, deux possibles complices de celui qui n’a jamais été qu’un loup solitaire dans l’action, mais pas dans sa formation ni la préparation de ses actions terroristes avaient été interpellés…. Mais surtout le vendredi précédent, ici même sur ce blog, dans une interview qu’il m’avait accordé, le juge Trévidic, magistrat anti-terroriste hautement qualifié, non saisi du dossier à l’époque pour raison politique (cf. « Affaire Merah, les confidences du Juge Trévidic ») et ce malgré son expérience et sa connaissance des filières Toulouse/Artigat et du passé des frères Merah. Lors de notre entretien le juge livrait sans détour tout haut une hypothèse agitée par nombre d’hommes de terrain tout bas, (et que de troublants éléments de l’enquête semblent accréditer): Mohamed Merah avait selon lui été la cible d’un recrutement tenté mais loupé par la DCRI, et avait, avec maîtrise consommée de la Taqiya, le droit au mensonge légitimé par les radicaux religieux dans le cadre du Jihad) dupé tout son monde, en particulier ses agents traitants. Hypothèse toujours formellement niée par ceux qui étaient alors aux manettes du service.
(Précision à l’attention de l’agence Reuters : Je ne suis blogeur, ou utilisateur de Twitter et autres, que dans le cadre de mes fonctions de journaliste d’investigation ou de reportage).
Révélations embarrassantes pour les autorités
Au lendemain de la publication de cette ITW inédite, le journal le Point, publiait une enquête reprenant les propos de Marc Trévidic, et révélant en exclusivité, que les 3 juges saisis officiellement du dossier s’étaient justement heurtés à un refus de déclassification de documents « secret-défense », concernant justement l’épisode de « l’évaluation » de Mohamed Merah, et de son utilisation éventuelle comme source infiltrée dans les milieux islamistes… De quoi heurter encore davantage les familles et leurs avocats, ce qui avait amené la rédaction du grand-Journal de Canal+ à organiser un débat avec la mère du maréchal des logis Ibn Ziaten, et l’avocate Samia Maklouf. Lesquelles n’ont pu répondre à cette invitation, opportunément retenues par une réunion survenant après l’arrestation de deux complices éventuels du « tueur au scooter » que les familles avaient demandé, par le Ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, lequel doit jongler et conjuguer deux objectifs contradictoires: Permettre aux familles de savoir la vérité, toute la vérité, tout en rebâtissant un service de renseignements intérieurs, la DCRI, à l’image abîmée sous l’ère Sarkozy, et aux dérives inédites sous la direction de Bernard Squarcini, ex-flic de haut-vol, très proche de l’ancien président, limogé depuis et ayant été remplacé par un nouveau « taulier » à la réputation sans tâches, Patrick Calvart, premier policier à avoir présidé auparavant aux destinées de la direction du Renseignement à la DGSE, chargé désormais de redorer le blason de la « boutique » DCRI.
C’est donc bien seul que je me suis retrouvé sur le plateau du grand-journal de Canal+, les familles des victimes de Merah et leurs défenses, se retrouvant retenues au Ministère de l’Intérieur. Et donc le débat n’a pas eu lieu. Regrettable puisque Latifa Ibn Ziaten et Samia Maktouf ne sont pas ressorties totalement convaincues, c’est le moins que l’on puisse dire, par la volonté du Ministre de l’Intérieur de faire la transparence, toute la transparence, notamment sur l’épisode décisif d’un possible recrutement, « retournement » de Mohamed Merah par la DCRI, après que celui-ci ait acquis une formation secrète notamment au Waziristan, sous la direction du (défunt) grand pédagogue du Jihad et de la Taqiya, le chef terroriste francophone Moez Garsallaoui, (voir enquête du blog), tué depuis sans autre forme de procès par un drone de combat américain. A la sortie tardive de la réunion de la place Beauvau, Latifa Ibn Ziaten, qui aimerait bien savoir si Merah fut oui ou non « ciblé » pour devenir un agent double a déclaré, très émue: « Je n’ai pas eu de réponse satisfaisante. Y’a rien de nouveau« . Même son de cloche chez Samia Maktouf, l’avocate expliquant que « l’hypothèse de Merah agent double faisait son chemin, et qu’il faudrait avoir le courage de le dire yeux dans les yeux aux familles« .
Si d’autres participants se sont dits satisfaits d’avoir été, ainsi qu’ils le souhaitaient, reçus par le Ministre de L’Intérieur, et d’avoir noté son souci de faire avancer la vérité, l’idée d’ une satisfaction unanime a été battue en brèche, notamment par Latifa Ibn Ziaten et Maitre Maklouf, avec lesquelles le débat était prévu à Canal+.
A l’heure qu’il est, le « secret-défense » verrouille toujours des réponses essentielles qui permettraient de comprendre les graves dysfonctionnements de l’enquête avant que Merah ne passe à l’action, l’absence de judicarisation alors de son dossier, (d’autres se sont retrouvés mis en examens et « embastillés » pour bien moins que ce que Merah n’a fait lors de sa série de déplacements sur de multiples terres de Jihad), puis de son fameux rendez-vous à l’antenne de Toulouse de la DCRI, dont il était ressorti parfaitement libre de ses mouvements, après avoir selon la version officielle convaincu son interlocuteur qu’il s’agissait de simples voyages touristiques…
Toutes les cartes seront-elles un jour posées sur la table?
La vérité est donc toujours fuyante, sur un chapitre décisif, comme elle l’est sur les retards, les loupés, les fausses pistes de l’enquête déclenchée alors que Merah avait déjà entamé son terrible parcours de tueur solitaire… Et ainsi qu’elle le demeure sur les conditions exactes de son identification, de son encerclement, et de l’assaut du RAID, ayant conduit à récupérer un cadavre ciblé par plusieurs centaines de balles(300 impacts relevés)… Là où des experts de terrain ayant participé à ce type d’intervention continuent à estimer que le jihadiste sanguinaire aurait pu, du être capturé vivant. Ce qui eut permis de donner un tour radicalement différent à une enquête rencontrant encore aujourd’hui, -en l’absence d’un Merah définitivement réduit au silence- bien des difficultés.
Frédéric Helbert.