Mali: Une guerre avec images now, mais images aseptisées, « soft », maitrisées, « propres »…
Publié le 25/01/2013 à 04h51 | aseptisées, guerre, Images soft, Mali, nettoyées, une guerre sans images de guerre | 2 commentaires
La Guerre au Mali? des images soigneusement filtrées pour les journalistes
Les premières images de frappe aériennes diffusées, rappellent une vieille époque, et une jurisprudence établie par les USA lors de la première Guerre du Golfe. Des images tournées des airs lors de frappes aériennes visant une base logistique et des picks-up attribués aux islamistes et qui auraient été volés à l’armée malienne selon les informations de Pascal Dupont, auteur-réalisateur, ancien parachutiste, ayant été le tout premier à diffuser ses images sur le web.
Que montrent ces images?
Elles ne font que rappeler celles de ce qui fut baptisé la « guerre propre ». Pas de combats, pas de cadavres, pas de sang, des images de loin, des explosions, avec juste le passage d’un hélicoptère d’Assaut Tigre…. Le tout en noir et blanc. Un vieux classique. Lors de la « guerre du Golfe » je me souviens que nous avions droit aux commentaires des pilotes. En Irak furent diffusées des images assorties des échanges entre pilotes et centres de commandement délivrant les autorisations de tir. Sans compter que dans l’immense désert, les « wild cat », non embedded pouvaient eux tout filmer… Là c’est silence total. Et quelques plans à peine. Quant aux reportages, ils sont ce qu’ils peuvent être… Ce que l’armée leur permet d’être… Montée en puissance du dispositif terrestre français qui roule vers le Nord. Acclamé par les foules locales, les chefs de villages. Soldats qui se disent encouragés quant à la justesse de leur mission, confortés et soutenus… Qui viendrait hormis les soutiens des islamistes, qui ont commis tant d' »horreurs, contester de tels propos? De tels plans qui rendent « la guerre ainsi ou en tous les cas cette avancée de libération belle à l’image à la lumière de l’Afrique« dit un cameraman vétéran des théâtres de combats. Mais de la réalité de la guerre, picks-ups, corps carbonisés, prisonniers éventuels, ou de ses dommages collatéraux, exécutions sommaires, vengeances expéditives menées par une armée malienne, dépareillée, mal équipée, qui ne connaît ni discipline ni rigueur (un vrai problème pour l’armée française), rien où quelques reportages courageux comme ceux de Dorothée Olliéric ayant soulevé les façons peu démocratiques où régulières de l’armée malienne, récupérant des positions libérées. C’est aussi l’une des raisons qui amène les français à « durcir » leur dispositif, comme celui de parvenir à rendre étanches les frontières poreuses du Mali.
Que ne montrent pas les images?
La réalité de la guerre, les résultats des frappes, les corps des hommes tués, les combats les plus rapprochés… en conditions réelles. Parfois des dommages collatéraux dénoncés par certains habitants du Mali, dont les troupeaux de chèvre, ou des zones de culture, ont pu faire les frais des frappes. « Compte-tenu de la dimension de cette guerre qui place la France en tête de gondole, seule force de frappe sur le terrain face à des islamistes, dont il ne faut pas mésestimer la capacité à riposter un jour ou l’autre durement à leur manière par des contre-frappes terroristes, la France veut éviter de faire bouillonner les esprits des apprentis-jihadistes, ou jihadistes chevronnés, dit un expert qui surveille les forums informatiques, mais de ce côté là, la mèche est déjà allumée, certains chefs islamistes ont promis de frapper bientôt, dès qu’ils le pourront, partout!, de Bamako à Paris« . Mais tout est si sensible, que l’état-Major, et François Hollande, chef des armées, ont fait leur choix… Montrer des images propres, « nettoyées ». Ne pas montrer ce qui pourrait choquer… Laisser inexploitées nombre d’images tournées notamment par les cameramen de l’armée. Qui ne ménagent pas leur peine. Mais le politique drive. le terrain n’est pas la Libye. La dimension religieuse est là. « C’est assez complexe comme çà, dit un gradé du service de communications aux armées qui se passerait de toute caméra« . D’autant que la France va devoir gérer le contingent parfaitement hétéroclite de la MISMA, recadrer l’armée malienne. Et doit faire face aux menaces réitérées des islamistes du Jihad global maintenant.
Auto-censure utile? Inutile?
Les experts de la lutte anti-terroriste estiment que cela ne changera pas grand-chose. « La France est l’ennemi, le seul ennemi des islamistes » dans cette guerre rappelle ici-même sur le blog le juge le plus qualifié en contre-terrorisme islamiste, Marc Trévidic. Même sans images, les infos circulent, et circulent à vitesse grand V. Le net est là, vecteur essentiel de communication, de propagande, de recrutement, d’organisation de filières nouvelles qui se mettent en place. Les islamistes sont devenus maîtres en la matière. Et ceux qui sont sur le terrain, les vigies de cette guerre asymétrique, le confessent sans ambages. La France est au Mali pour longtemps. Et chaque jour le risque que le conflit malien s’invite d’une manière ou d’une autre sur le sol français, ou contre les ressortissants ou intérêts français d’autres pays s’accroit.
L’absence de « vraies » images de guerre n’y changera rien.
Frédéric Helbert