Opération « Serval » Mali. La France en guerre totale. Jusqu’où? jusqu’à quand? Une guerre sans images.
Publié le 13/01/2013 à 23h39 | Armée française, buts de guerre indéfinis, décès pilote hélico Damien Boiteux, engagement total, guerre sans images, Mali, quid des otages? | 1 commentaire
François Hollande élu pour relancer l’économie, mû en chef de guerre contre les islamistes du Mali. Pour quel engagement? Jusqu’où? Une guerre totale obligée? Improvisée dans l’urgence? La France s’apprête t-elle à faire l’essentiel? Questions et éléments de réponse…
La posture était droite, le ton ferme et assuré à la fois, chaque mot choisi. Il n’y en eut pas beaucoup lorsque François Hollande a fait sa première allocution de chef de guerre. Courte allocution. 4 minutes 27 secondes. Pour un exercice nouveau: le Président de la lutte contre le chômage, mû soudainement en chef de guerre, devant évoquer 2 missions différentes, mais à la fois associées. L’opération « Serval » décidée dans l’urgence avec l’engagement direct des forces françaises au Nord-Mali dans les combats contre les troupes islamistes qui avançaient dangereusement vers Bamako sans rencontrer de résistance efficace. Et une autre opération, murement décidée elle, et planifiée: la tentative de libération d’un otage. Pas n’importe lequel, le plus ancien détenu, un membre du SA (service Action) de la DGSE. Qu’un commando du même Service Action usant de ses proposer moyens militaires et tactiques ont tenté en vain de libérer. Comme l’a dit François Hollande, cette opération (qu’il a voulu et décidé en rupture avec la politique de son prédécesseur), « n’a pas selon ses termes « abouti », terme faible ( mais cela sera développé dans une autre enquête). Car la mort probable d’un otage, celle d’un militaire, et la disparition d’un autre, 45 mn de combats(!), (là ou tout doit se jouer en une paire de minutes) tous les Shebab lourdement armés sur le dos ayant entendu les hélicos « Tigre » arriver, cela mérite débat sur la faisabilité réelle d’une telle opération, le timing, la marge opérationnelle de la DGSE dans la prise de décision,et le sens politique donné…
Mali: les frappes, la mort du pilote de Gazelle, le Lieutenant Damien Boiteux, le déploiement en masse de troupes terrestres, l’engagement de plus en plus loin… prévu?
L’exercice était périlleux face à un bilan opérationnel qu’aucun homme de l’art ne saurait glorifier. « Rentrer dans le chou des islamos par voie aérienne, taper leurs colonnes ou bivouacs en plein désert, et leur caches découvertes grâce au renseignement tétait une opération qui ne pouvait que s’annoncer gagnante. La France possédait dans la région une armada aérienne conséquente et complète dans la région. (Mali, Tchad, Sénégal, Cote d’Ivoire, Niger, Mauritanie). Chasseurs, chasseurs-bombardiers, hélicoptères d’attaques, Avions de guidage et de brouillage électronique. « Tout ce qui avait déjà largement fait ses preuves lors des engagements décidés par son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, en Libye puis en Cote d’Ivoire signale un ex-général de l’armée de l’air. On avait les renseignements. On savait ou taper. les islamistes étaient à découverts sur leurs pick-up en rang d’oignon. Et les caches qui abritaient leurs armes, on savait ou les trouver. Donc de ce point de vue Les objectifs ont été atteints ». Mais là ou aucun aviateur n’avait été touché lors de semaines, de mois de campagne en Libye et en Cote d’Ivoire, un pilote a été tué. Un pilote d’une gazelle du 4ème RHFS (Régiment d’hélicoptère de combat-Forces Spéciales). Grace à leur légèreté, leur maniabilité, leur vitesse d’exécution, leurs canons et missiles « Hot », les gazelles restent malgré leur ancienneté (ces hélicos étaient déjà de l’opération Daguet lors de la première Guerre du Golfe) de formidables atouts de combats, mais vulnérables face à des adversaires d’une détermination implacable et les islamistes du Mali le sont plupart, ( ce dont on doutait à l’Elysée) portés par leur foi religieuse, leur connaissance du terrain, et leur expérience du combat.
Les « Gazelles » ont pour spécificité de savoir voler à très basse altitude (vol tactique), de frapper à très basse altitude. Parfois pas plus d’une dizaine de mètres du sol. Mais cette fois un homme, un seul équipé d’une arme légère, a fait face à un des hélicoptères et a fait feu sur lui. Arme légère, pas de gros dégât pour l’hélico mais l’artère fémorale du Lieutenant Damien Boiteux décédé de ces blessures après son retour de mission, l’appareil ayant réussi à regagner sa base. Une balle, un mort, lors de la première journée de frappe. Y a t’il eu un défaut de couverture?
« Quand on s’engage ainsi à basse altitude, dit un ancien de la première Guerre du Golfe, face à des fondus, même légèrement armés, on est très exposés ». Je me rappelle de ce pilote de Jaguar, (chasseur-bombardier spécialisés aussi dans les frappes à basse altitude) engagé dans la deuxième vague d’attaque lors de la guerre du Golfe. Il avait miraculeusement échappé à la mort dans des conditions similaires. Un irakien pour le moins déterminé avait vidé le chargeur de sa « kalach » sur l’avion. Un projectile avait fendu le cockpit et s’était fiché dans le casque du pilote à quelques centimètres de son visage. Il avait frôlé la mort par miracle. Après cet épisode, les jaguar avaient tiré les enseignements de ce risque, abandonné le bombardement à basse altitude et choisi une option plus onéreuse mais avec sécurité garantie de bombes à guidage laser, « Fire and Forget ».
Pour les islamistes, sous-estimés à tort militairement, c’est la Guerre Sainte.
Le lieutenant Damien Boiteux, un vétéran expérimenté n’aura connu ni miracle, ni temps de réviser la tactique. « être touché, perdre la vie fait partie des risques, on les connait, on les prend dit un autre pilote, mais dans une configuration pareille, on l’on disposait d’une supériorité aérienne totale, et de tout le temps qu’il fallait pour « aligner » les islamos, cette perte d’une vie d’un soldat exemplaire et rodé à tous les combats n’aurait pas du se produire ». Elle démontre en tous les cas un paramètre dont il faudra tenir compte. Pour un islamiste pur jus, mourir n’est rien, résister tant qu’il peut est une mission sacrée. Il est capable de faire face à n’importe quel engin ennemi. L’idée, plutôt en vogue du coté des politiques à Paris, avant le début des combats était que les islamistes étaient des bandes de « soudards », peu aguerris. Mais ces guerriers du désert, parfois d’anciens touaregs, ou d’anciens mercenaires qui ont fait leurs armes en Libye, quand ce ne sont pas des hommes qui ont affrontés l’armée algérienne, sont pour l’essentiel rodés. Ils ne « lâcheront » rien facilement. Quelque soit la puissance technique qu’on leur oppose. « C’est une guerre sainte, et nous nous somme préparés à mourir, même en nombre, nous n’avons pas peur de mourir pour notre cause a déclaré un porte-parole d’al Qaida. Il faudra venir nous tuer un par un, mais nous tuerons alors aussi« . En clair pour les français: « Viendra le moment ou Il faudra aller les chercher à terre. Grotte par grotte, dune par dune » dit un ex des forces spéciales et « entre nous murmurait un un soldat français en faisant son paquetage, tout le monde le sait, l’armée malienne, d’une faiblesse insigne, est incapable de faire le job seul. Sinon on aurait pas besoin de nous » Se pose maintenant pour les huiles gradées, et les politiques, avec en tout premier lieu le chef des armées et de l’état, le problème d’un engagement direct de troupes à terre, et de savoir jusqu’où on va. Paramètre qui n’était pas prévu dans le contrat initial, en tous les cas officiellement, hormis le déploiement de quelques équipes des forces spéciales… déployées secrètement pour guider des frappes aériennes de précision. La donne a changé, même si enfin les armées africaines, qui devaient faire le job commencent à bouger doucement et à envoyer des détachements.
Les plus rapides, et les plus volontaires sont les français constate avec une joie compréhensive un officiel malien. On le voit bien. Sur le terrain c’est un contingent entier capable de mener la guerre à lui seul qui est déployé. Les forces arrivent de partout. Des rafales ont été envoyés de France, pour durcir le système aérien et ont commencé à frapper (le Rafale est un avion multi-fonctions chasseur, chasseur-bombardier, avion de recco, de protection d’autres appareils plus lourds ou moins armés, etc…). Mais ce sont surtout des régiments de fantassins qui se déploient sur l’aéroport de Bamako. Marsouins, légionnaires, détachements de forces spéciales, et autres, avec tout leur armement. Et les objectifs sont à peine dissimulés. Certains resteront à Bamako pour sécuriser une ville ou tout est calme pour l’heure, mais où demeurent des milliers d’expatriés français, et où des intérêts français sont à protéger. Mais le gros de la troupe s’apprête à marcher vers le Nord. Pour encadrer les détachements africains officiellement. Hormis les nigérians réputés pour être des combattants solides, ayant autrefois su payer le prix lourd en Somalie lorsqu’ils y évoluaient en tant que casques bleus, pour faire face à des kathibas d’islamistes n’ayant plus rien à perdre, les français seront obligés de mettre les « mains dans le cambouis ». Jusqu’où? Comment? En acceptant de subir des pertes? d’infliger des dommages co-latéraux? Silence dans les rangs pour l’heure.
Guerre sans images
C’est aussi l’une des raisons essentielles du déficit quasi-absolu d’images, et de l’interdiction que subissent les envoyés spéciaux de la presse internationale de rejoindre les terrains de combats au Nord. A 70km de la capitale malienne, les militaires français et maliens ont érigés des check-points infranchissables. Les journalistes rongent donc leur freins à Bamako. La France ne veut ni qu’ils fassent de mauvaises rencontres et ajouter des otages au otages. Elle ne veut pas non plus lever le voile sur ses opérations de bombardement aériens. La maitrise de l’information est aussi une arme. Surtout si des images dures pouvaient servir de propagande indirecte aux islamistes ou à leurs relais en Occident. Les télés et autres médias doivent donc se contenter de quelques images du service d’informations des armées distillées au compte-goutte, ou de celles de l’arrivée de militaires français sur le tarmac de l’aéroport de Bamako, ou de confidences distillées par les politiques. Quant aux islamistes, réputés pour leur capacité à se servir du net pour diffuser des vidéos de propagandes, comme celles de leurs oeuvres à Tombouctou ou Gao (application de la charia, châtiments corporels, destruction statues et mausolées…) , ils ne sont pas plus généreux en images, peut-être, trop occupés à essayer d’éviter les bombardements français, à moins que leurs centres névralgiques de diffusion d’infos aient été repérés et détruits.
C’est donc l’incertitude qui règne, sur la réalité des combats, des pertes infligées, de celles éventuellement subies, de dommages collatéraux civils. Incertitude aussi quant à l’étendue des buts de guerre que définit le chef de l’état François Hollande, après conseils de défense et debriefings. Incertitude totale quant au sort des otages aux mains d’AQMI, et au fait de savoir s’ils seront sacrifiés sur l’autel d’une guerre apparemment sans merci.
Frédéric Helbert