Vie et mort de Moez Garsallaoui, formateur de Mohamed Merah. Révélations.
Publié le 18/10/2012 à 11h47 | califat, drone, islamisme, Jihad, Jund al Khilafah, Merah, pakistan, recrutement, Whaziristan, Youssouf le français | Écrire un commentaire
Un tir de drone US met fin à la vie de Moez Garsallaoui, le formateur de Mohamed Merah. Celui qui avait au nom du groupe jihadiste des « soldats du calife » revendiqué les actions terroristes de Merah.
Ce sont ses proches qui l’ont annoncé rendant hommage au commandant Garsallaoui, mort en martyr, selon l’expression rituelle. Garsallaoui a été tué par l’un des 25 drones envoyés la semaine dernière, au cours d’opérations dites ciblées. Miranshah au nord du Pakisan, quartier-Général de Garsallaoui et de son organisation était spécialement dans le collimateur des drones de combats américains . C’est le groupe SITE, spécialisé dans la détection et l’analyse des messages publiés sur les forums spécialisé qui a vu les « hommages » rendus au commandant Garsallaoui par ses proches. La date exacte du décès n’y est pas prononcé, mais un vibrant éloge de ce jihadiste venu d’Europe jusque dans les zones AFPAK, pakistano-afghanes, spécialisé dans la formation des combattants étrangers et notammentdes français puisque il était d’origine tunisienne. Peu après les tueries de Montauban et Toulouse, une mystérieuse organisation « Jund al Khifalah » (l’armée du Califat) revendique les actions et rend hommage à un certain Yussuf al Fransi qui n’est autre que Mohammed Merah.
Le temps de la rencontre
Dans un texte attribué sans contestation à Moez Garsallaoui, le formateur expliquera, avant de périr à son tour, le temps de la rencontre, alors que Merah était parti seul, en routard du jihadisme, « à la recherche des frères ». Le texte est signé el Andalousi, un des autres pseudos de Garsallaoui. Il y évoque un garçon presque timide ayant du mal a s’exprimer en arabe. « Quand je l’ai interrogé sur sa langue maternelle, Il m’a dit qu’il était français. Je lui alors parlé dans sa langue maternelle. Son visage s’est illuminé, j’ai pensé qu’il était de Marseille, il m’a dit qu’il venait à la Toulouse. C’est là qu’a commencé le rite initiatique de celui qui allait devenir le tueur à la moto.
Enquête exclusive. Moez Garsallaoui, terroriste sans frontières. formateur de Mohamed Merah. Son itinéraire de l’Europe au Pakistan. La rencontre avec Mohammed Merah dont il va faire « youssouf al fransi », le tueur du Jihad.
Son nom est connu par tous les appareils de lutte anti-terroriste occidentaux. Et particulièrement des services de renseignements et des task forces judiciaires françaises et belges. L’homme s’appelle Moez Garsallaoui, tunisien d’origine. Vivant aujourd’hui dans les zones pakistano-afghanes, il y est chargé du recrutement et de la formation idéologique et technique des apprentis-jihadistes venus notamment de pays francophones. Le terrain d’entraînement: Ces « zones grises » entre l’Afghanistan et le Pakistan où les disciples de Ben Laden sont légion. Là-bas, Garzallaoui est considéré comme un jihadiste de haut-rang. « Ici, en France, il est connu comme le loup blanc, pour notamment avoir reçu et entraîné plusieurs francophones au Jihad » confie un homme du Renseignement français. Son nom apparaît dans des dossiers judiciaires à Paris, comme à Bruxelles. Moez Garzallaoui est le second mari d’une « passionaria » du Jihad: Malika el Aroud, (Ouma Obeida) qui fut l’épouse d’un des deux kamikazes marocains ayant tué le commandant Massoud en 2001, 2 jours avant les attentats du 11 septembre. Toute la structure logistique de cette opération fut démantelée peu après l’attentat par le contre-terrorisme français,la DST agissant sous les ordres des Juges Bruguière et Ricard. Le QG se situait dans une ferme à la frontière franco-belge.
Garsallaoui n’est encore à cette époque qu’une petite main d’al Qaida, mais qui va monter en puissance, jusqu’à devenir le patron du recrutement des candidats à la » guerre Sainte contre l’Occident » au Wazhiristan. En 2004, il épouse Malika el Aroud. En 2007, ils sont en Belgique, où les réseaux islamistes opérationnels sont puissants.
Le couple infernal du Jihad…
Au firmament de la nébuleuse al Qaida
Puis Garsallaoui disparaît, seul. En 2008 on retrouve sa trace au Waziristan où il va devenir le formateur de jihadistes venus d’Occident.
Décembre 2008: La police belge agit préventivement. Démantèlement d’un réseau soupçonné de vouloir frapper lors d’un sommet européen à Bruxelles. Malika el Aroud, et 13 autres personnes dont des volontaires d’une vingtaine d’années formés au Wazhiristan sont interpellés. Des écoutes démontrent que le feu vert à une opération-suicide avait été délivré, et font état de contacts avec des islamistes basés en France et en Italie.
Moez Garsallaoui apparaît alors comme un personnage central de la nébuleuse Al Qaida. Un planificateur d’opérations en Europe, et le recruteur-formateur n°1 des candidats issus du vieux-continent et voulant se battre « contre » l’occident impie « . en 2010, il est condamné par défaut à 8 ans de prison par la Justice belge (comme sa femme qui elle est toujours emprisonnée) . Il poste alors sur un site jihadiste une lettre ouverte, véritable déclaration de guerre signée sous son nom de combattant de » l’émirat islamique d’Afghanistan « : Moezzedine al Kayrawaki. Les analyste du renseignement en déduisent que l’homme a pris une importance considérable au sein d’al Qaida. La CIA le place sur la liste des hommes à abattre à coups de drones, sans autre forme de procès.
- Moez Garsallaoui « sur le terrain ». Photo de propagande.
Waziristan, Garsallaoui, La rencontre avec Merah, la DCRI, et l’enquête…
En croisant toutes ces données, celles qui sont dans les dossiers français, avec les informations et explications fournies par Mohammed Merah, lors de la négociation avec le RAID, et l’homme de la DCRI qui le connaissait si bien… (enquête à suivre), ceux qui conduisent les investigations sur l’itinéraire du tueur jihadiste de Toulouse ont acquis la conviction que Merah a été pris en main directement par Garsallaoui. » Tout concorde dans son récit » confie l’un d’eux. Le récit de sa rencontre « avec les frères » qu’il a longtemps cherchés, jusqu’à son arrivée au Pakistan, à Miranshah, la manière dont il a été d’abord isolé, testé, puis formé… Le lieu de la rencontre initiale (Miranshah, la base de Garsallaoui)…
Récit qui est croisé avec le communiqué troublant, non authentifié, rendu public le 31 mars dernier, par un groupe jusqu’alors inconnu:
« Jund al Khilafah », (les soldats du Califat) qui donne des détails très précis sur le séjour, la formation délivrée à Mohammed Mérah, et qui lui rend « hommage », et où le rédacteur du communiqué -qui se dit francophone- explique comment, il a pris sous son aile, ce français qui parlait si mal l’arabe, et donne le nom de guerre de Merah, « youssouf le français ». Le frère de Merah confirmera qu’au son retour de son dernier voyage, Mohamed aimait bien se faire appeler Youssouf… Il avait même créé une adresse mail commençant par ce prénom: youssouf@...
Autre point déterminant: Outre l’accueil , la formation, l’instruction, Garsallaoui s’est fait une spécialité de rédiger les hommages posthumes de « martyrs » tués au combat ou dans des opérations spéciales. Comme cela a été fait avec Merah.
Garsallaoui et Les questions de l’enquête Merah…
Mais vient alors à nouveau un flot de questions…
– Comment se peut-il que Merah, en contact avec un des personnages aussi important de l’organisation al Qaida et si bien connu en France, soit demeuré officiellement » ignoré » jusqu’aux tueries?
– Comment se peut-il que Merah, ayant téléphoné, et envoyé des e-mails depuis sa zone d’entrainement soit passé au travers des mailles du filet?
– Pourquoi, alors que d’autres français, ayant effectué le même » parcours » que Merah, se sont eux retrouvés devant les juges anti-terroristes là ou Mohammed Merah après avoir montré son « album de vacances » tranquillement à un agent de la DCRI de Toulouse est ressorti libre comme l’air sans que la Justice qui aurait pu faire toutes les connections nécessaires n’ait pas été avisée?
Pour un homme de l’anti-terrorisme, la seule explication qui tienne réside en une seule et simple hypothèse: La DCRI n’a pas voulu « judiciariser » l’affaire, pour garder le traitement du dossier Merah, et tenter d’en faire une » source « .
En bon, très bon jihadiste, adepte du Takfir et de la taquia, (le mensonge autorisé au nom de la juste cause) résume un expert aux affaires, Merah a joué le jeu, et s’est joué de ceux qui ont considéré qu’il était potentiellement devenu une source « fiable »…
Ce n’est qu’à travers cette grille de lecture, et ce prisme, que l’on peut comprendre les cafouillages, lenteurs, et ratés, de l’enquête, et le fait que la DCRI ait a plusieurs reprises tenté de joindre Mohammed Merah, ainsi qu’en attestent un décryptage de » fadettes « , sans succès, alors que les tueries avaient déjà débuté!
La DCRI aurait donc cherché à joindre un éventuel informateur, mais l’informateur qui n’a pas répondu était le tueur…
De fait, la DCRI connaissait donc les coordonnées téléphoniques de Mohamed Merah!
Personne au sein du service n’aurait lorsque les tueries ont commencé émis l’hypothèse que Merah puisse être le tueur?
Le service s’est il alors trouvé dans une impasse, avec une équation impossible à résoudre en pleine campagne électorale?
De telles erreurs d’évaluation seront t-elles un jour établie noir sur blanc?
Des éléments attestant du loupé de la DCRI, croyant pouvoir faire de Merah un » indic » précieux dans les milieux islamistes de Toulouse , figurent-ils dans les documents d’archives estampillés » secret-défense » dont le Ministre de L’intérieur Manuel Valls a autorisé la déclassification? La commission consultative de la défense Nationale qui émet un avis sur le fond estimera t-elle que tous les documents doivent être versés au dossier judiciaire? Le Ministre qui statue en fin de compte ira-t-il jusqu’au bout?
La DCRI a t-elle cru pouvoir faire de Merah, tueur du Jihad formé par Garsallaoui, une taupe, un indic?
Un ex-magistrat spécialisé du service de lutte anti-terroriste s’interroge, tout en rappelant qu’avant l’affaire Merah, une demi-douzaine de candidats au Jihad partis au Waziristan et pris en main là-bas par Moez Garsallaoui ont eux été « récupérés » dès leur retour en France, arrêtés, mis en examen, parfois en détention, pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Merah ne peut être passé à travers les mailles du filet, non à cause d’une erreur de maillage, mais par volonté délibérée de le » traiter » comme source plutôt que de confier l’affaire à la Justice qui connaissaient « le client » et n’aurait sans doute pas manqué de neutraliser immédiatement ses velléités de jihadiste, qui mûrissant tranquillement ont abouti à l’effroi du carnage terroriste de Toulouse et Montauban.
« Encore eut-il fallu dit un familier de ces juges, qu’à cette époque le pouvoir (ndrl: Nicolas Sarkozy) ait confiance en ces magistrats, plutôt que de leur mener une guerre stérile, de vouloir » casser » les juges d’instruction, de se méfier comme de la peste des juges spécialisés de la Galerie saint-Eloi, de ne plus leur confier de dossiers en les laissant sous le contrôle du Parquet, donc de la Chancellerie, donc de l’Elysée… En détournant de sa vocation un appareil centralisateur, permettant de mener une guerre sans merci au x »soldats du Jihad « , le politique porte une très lourde part de responsabilité dans l’enchaînement fatal des événements. Mais répondra -t-il lui un jour, de ses erreurs, et ses errements? «
Frédéric Helbert.
Date de 1ère publication exclusive de la saga Merah/Garsallaoaoui: 3 aout 2011.