Islam Radical: Petit lexique judiciaire et policier de l’anti-terrorisme
Publié le 11/10/2012 à 10h36 | anti-terrorisme, Islam Radical, Lexique judicaire | 1 commentaire
Le système centralisateur Français
Unique en son genre et d’une efficacité sans pareille dans le monde jusqu’à l’affaire Merah. Les Américains forts de toute leur super-technologie, superstructures, nous l’enviaient… Réaction un jour d’une délégation américaine venu rendre visite à celui que l’on surnommait l’émir, l’amiral, le shérif, le juge Bruguière: « Oh! Vous ête seul dans votre bureau avec votre greffier? Nous on pensait que vous aviez un staff de 50 personnes! ».
Souvenir ému d’un très grand juge d’instruction faisant ses scellés, à21h, tout seul en glissant des pièces à conviction dans des petites pochettes plastiques, maniant la bougie, la cire, et le tampon avec maestria…
Bref , Adage n°1: Le système repose plus sur la valeur des hommes (et des femmes) , leur volonté, leur science de l’anti-terrrorisme que sur les moyens délivrés…
Principe Moteur: la centralisation
Jusqu’en 1986, le judiciaire, (qui est supposé diriger le policier et non l’inverse) ne disposait d’aucun service centralisé. Chaque affaire était traitée par le tribunal territorialement compétent. Autrement dit, il n’y avait pas de système, pas de spécialisation, pas de culture spéciale du terrorisme et de l’anti-terrrorisme…
Or la France était déjà dans l’oeil du cyclone: terrorisme des extrémistes palestiniens, arméniens: attentats de la rue des Rosiers Jo Goldenberg, de la rue Copernic, de l’aéroport d’Orly, Euro-terrorisme: Action directe, ETA, Iperaterak (assassinats ciblés)… 1985/86: Le tournant: la campagne d’attentats diligentée par l’ayatollah Khomeny et les iraniens, donc du terrorisme d’état, avalant sous un faux nez. 86: la semaine terrible de 5 attentats en une semaine jusqu’au carnage de la rue de Rennes chez Tati (7 morts, l’on était pas encore rentré dans l’ère de l’hyper-terrorisme).
Création alors sous la férule d’Alain Marsaud, du SCLAT, le Service Central de la Lutte Anti-Terroriste. Le principe actif: tous les dossiers de terrorisme sont centralisés à Paris. L’articulation est simple: Le SCLAT ou Parquet anti-terroriste est immédiatement, automatiquement saisi des enquêtes de flagrance et préliminaires (donc sitôt une action terroriste commise, et avec l’idée majeure de lutter en amont pour détecter les menaces, les réseaux, et prévenir un risque d’attentats). Le Parquet fonctionne en binôme avec un pôle de juges anti-terroriste eux aussi spécialisés, les hommes de la galerie Saint-Eloi.
Il les saisit en cas de dossiers importants. Les juges sont libres, indépendants, disposent de tout pouvoir dans une enquête. (Ce qui les conduira à se heurter à la raison d’Etat, d’ou la tentation gouvernementale à laquelle on a succombé outrageusement ces derniers temps, voire dernières années, de laisser les enquêtes tant que possible sous le contrôle du Parquet, dépendant de la Chancellerie, donc de l’état, notamment dans l’affaire de la cellule labellisée Islam Radical et d’une dangerosité extrême qui agite l’actualité).
Opérations policières
Elles sont conduites sous le contrôle du Judiciaire (Parquet ou juge). Plusieurs services de polices peuvent être sollicités: La DCRI, (exDST/RG), la SDAT, (sous-direction centrale anti-terroriste), la SAT (section anti-terroriste de la Brigade Criminelle) avec en appui éventuellement des services régionaux de PJ, et les hommes d’unités spéciales (RAID, GIGN, GIPN) et d’unités de sécurité publique. Ces opérations selon la loi sont déclenchées à partir de 6h du matin heures légales, mais peuvent être déclenchée à n’importe quel moment de la journée, y compris, en pleine nuit, une disposition légale et spéciale le permet, en cas d’urgence absolue. L’entrée dans les années 90 de la DST, auparavant exclusivement service de renseignement dans les enquêtes a été une avancée capitale. Devenus à la fois agents de renseignements et officiers de police judiciaire, les hommes de la DST avec leur double casquette, en collaborant étroitement avec les magistrats ont permis au système centralisateur français de parer de multiples menaces, et de casser de nombreux réseaux endogènes (s’étant bâti et structurés en France) ou non. Contrairement à ce qui a été dit par certaines figures politiques ou judiciaires, ce la fait des années (Réseau ali Fouad saleh 86, Réseau GIA 95, réseau islamos-braquuers 96, Réseau Coupe du monde98, Réseau Francfort2000, réseau Beghal 2001, réseau assassins commandant Massoud…. rréseau logistique d’aide à Richard Reid (le shoe bomber), éseau Safé Bourrada 2005, filières Tchétchénnes , irakiennes, afghanes, loup solitaires (Montepllier), affaire Merah bien sur, entre autres et dans le désordre… Cela fait bien longtemps que la menace venue de l’intérieur existe, bien longtemps que la prison est connue comme un vecteur essentiel de radicalisation (cf Khaled Kelkhal en 1995. Il n’est rien de nouveau aujourd’hui en matière de menaces et de méthodes.
Gardes à vues
Lorsque un réseau est démantelé, (en amont ou en aval de la commission d’attentats), le délai de la garde à vue peut aller de 24h à 48h. Une disposition ultérieure permettra un allongement à 5 voire 6 jours lorsque une affaire a des ramifications à l’étranger, ou en cas de menace imminente d’un passage à l’action. Cette disposition (un 5eme jour n’avait été utilisé qu’une seule fois (si ma mémoire ne me fait pas défaut) auparavant dans le dossier de la filière de Toulouse/Artigat (liée au dossier Merah. Elle a été utilisé dans l’affaire de la cellule cannoise dans des conditions sur lesquelles je reviendrai… (main mise du Parquet sur le dossier et recherche désorganisée et désespérée d’éléments et de tous acteurs d’un réseau dont la volonté présumée de passer à l’acte précipitamment est très discutée chez les pros.
Déférement
A l’issue des gardes à vues, les suspects contre lesquels pèsent des charges sont déférés devant le Parquet anti-terroriste (aujourd’hui rebaptisé section A8). Le Parquet a charge, si cela n’a pas déjà été fait d’ouvrir une information judiciaire , donc un dossier qui permettra de poursuivre l’enquête. Dans l’attente de leur présentation aux juges du Pôle anti-terroriste de la Galerie Saint-Eloi, le Parquet signifie aux suspects les charges pesant sur eux. Ces suspects attendent leur présentation devant le juge ou Magistrat-instructeur, dans ce que l’on appelle « la souricière », un lieu aux geôles relevant du quart-monde…
Présentation à un Juge d’Instruction
Après avoir été déféré(s), le ou les suspect(s) sont présentés à un ou plusieurs juges d’instructions du pole anti-terroriste. Un véritable bunker désormais, ou il faut présenter patte blanche pour rentrer. Il faut franchir une porte blindée, dont l’ouverture est télécommandée par un poste de gendarmes qui gère l’ouverture d’une seconde porte vitrée. Ensuite, c’est un grand couloir, placé sous surveillance de caméras, qui conduit au bureau des différents juges du pôle. Les suspects de l’affaire de ces derniers jours (7 déféré)s vont être présenté certainement à plusieurs juges que le parquet aura désigné. Cette désignation et la présence de certains magistrats ou leur absence est le signe de choix politiques qui sont fait. En cas de saisine de plusieurs juges, celui qui est désigné en numéro un dirige de fait l’enquête.
En l’éspèce il sera intéressant de voir si le Juge Trévidic, cf articles précédents, grand expert du terrorisme jihadique, instruisant le volumineux dossier des filières afghanes (envoi d’apprenti-jihadistes en terre de Jihad), fait partie des magistrats saisis et si ou i en quelle place, il sera désigné. Considéré comme un « ennemi d’état » (cf; article paru dans Marianne à lire sur le blog), le juge Trévidic qui a repris les cabinets des juges Bruguières et Ricard, la fameuse doublette qui a « décalqué » nombre de vrais réseaux d’une extrême dangerosité, le juge Trévidic instruit les dossiers ultra-sensibles de l’affaire de Karachi, de celles des moines de Thibirine. C’est lui aussi qui a exhumé et relancé les enquêtes sur les attentats anti-juifs de la rue des Rosiers, de la rue Copernic. Il a notamment identifié le poseur de bombe présumé de la rue Copernic aujourd’hui réfugié au Canada. Son entêtement à instruire à charge et à décharge ou que cela conduise, lui a valu de nombreux tracas sous l’ère Sarkozy. Au point d’être exclu de l’enquête Merah, alors qu’il connaissait parfaitement la filière des jihadistes de Toulouse.
Le Juge des Libertés
Le plus souvent, la première confrontation entre un suspect et un juge d’instruction, compte-tenu de l’état de fatigue dudit suspect sortant d’une longue garde à vue porte uniquement sur la forme, et non sur le fond du dossier. Au vu des éléments qui lui ont été transmis le juge d’instruction décide ou non d’une mise en examen, et requiert en cas de mise en examen un éventuel placement en détention ou une remise en liberté sous contrôle judiciaire. Mais la loi ayant évolué la décision appartient à un autre magistrat le juge des libertés.
L’incrimination d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste
C’est un peu l’arme fatale du système. Souvent décriée par les avocats, disant qu’elle permet tout et n’importe quoi… Elle a permis en tous les cas de mettre hors d’état de nuire nombre de terroristes jihadiques ou autres. Puisqu’elle est le pivot des enquêtes ouvertes et conduisant à des frappes préventives avant la commission éventuelle d’attentats. Lorsqu’un dossier d’association de malfaiteurs avec une entreprise terroriste vient devant le tribunal correctionnel, les peines maximales encourues peuvent aller désormais jusqu’a 20 ans.
La possibilité de mener des investigations à l’étranger
Le système français, ainsi que cela été prévu dans la loi de 1986, améliorée en 2006, a permis et permet à la Justice française d’enquêter sur tous faits de terrorisme ayant visé des ressortissants ou intérêts français à l’étranger. La encore une exception hexagonale, qui a fait par exemple que les auteurs de l’attentat contre le DC10 d’UTA commandité par la Libye, a conduit à un procès par contumace contre les auteurs et commanditaires présumés. Nombre de dossiers, comme celui de Karachi, sont toujours à l’instruction, grâce aux dispositions de la loi. De la même manière, Le renseignement français, et la Justice en collaborant étroitement (à l’exception de l’affaire Merah) ont permis de tracer, arrêter, scanner, éventuellement neutraliser s’ils constituaient des menaces potentielles de nombreux français partis s’entrainer en conditions réelles, seuls, ou grâce à des filières sur les terres de Jihad (Afghanistan, Bosnie, Kosovo, Irak, Afghanistan de nouveau, Libye, Syrie, zones pakistano-afghanes…). A ce titre nombre de professionnels du contre-terrrorirsme ne voient pas trop ce que la nouvelle loi récemment adoptée peut apporter de nouveau au plan opérationnel.
A suivre en fonction de l’évolution du dossier….
Frédéric Helbert.