Le « massacre » de Kevin et Sofiane à Echirolles, les secrets de l’enquête: Récit exclusif d’un policier.
Publié le 03/10/2012 à 02h00 | double homicide, Echirolles, enquête, Kevin, Sofiane | 2 commentaires
Grenoble: Les circonstances de la mort de Kevin et Sofiane, les secrets de l’enquête, l’opération policière. Révélations.
Par Frédéric Helbert et Karim Hacène
En face de nous, un policier fatigué. « Depuis vendredi nous avons été à bloc raconte t-il. Pour certains d’entre nous, pères de familles, trouver les auteurs, les complices, de ce « massacre », le mot n’est pas trop fort, est presque devenue une affaire personnelle. On a en arrêté la majorité des participants au double assassinats mais l’enquête est loin d’être finie. Il y a ceux qui chiquent (nient). Et ceux qui ont réussi à disparaitre. Ils sont au nombre de trois. Ont des casiers judiciaires long comme le bras… Mais on lâchera rien ».
Le policier allume une cigarette. Devant lui, des notes, un rapport lié à l’affaire, mais il n’en a pas besoin. Impliqué depuis le début dans la traque des assassins de Kevin et Sofiane , tués pour rien, il se souvient de tout. Et d’éléments jusqu’à présent non révélés à la presse ou au grand-public.
Une bagarre initiale à un arrêt de tramway pour un mauvais regard
– Tout a commencé vendredi dernier raconte le policier. Il est alors Sept heures du soir environ. Une bagarre initiale débute dans le quartier chaud , sensible disent les politiques, de la Villeneuve à Grenoble. Très précisément à l’arrêt de tramway » Marie Curie « . Une simple bagarre au départ juste pour « un mauvais regard ». Il y avait plusieurs jeunes mais la bagarre a essentiellement opposé le petit frère de Kevin à un inconnu, Mohamed Amine E., lui cherchant querelle et finissant par faire usage d’une bombe lacrymogène, contre le frère de Kevin.
Personne n’a été blessé sérieusement lors de cet affrontement. Nous, on a été prévenu qu’à 19h45. Quand une patrouille est arrivée sur place, il n’y avait plus personne. Tout était calme. il n’y avait rien à faire alors. On a quitté les lieux qui étaient déserts. Mais l’affaire ne s’est pas arrêtée là. Vers 20h, prévenu par son frère, Kevin N. réunit quelques amis, et retourne sur les lieux de la bagarre pour obtenir une explication. C’est là qu’une deuxième altercation va éclater. Kevin N. va contraindre par la force son adversaire Mohamed el Amine E. à présenter des excuses à son jeune frère.
L’expédition punitive: Des batons, des couteaux, des marteaux et… un pistolet à grenaille!
Et l’engrenage fatal va se déclencher. Car Mohamed el Amine E., n’entend pas en rester là. Devant les jeunes du quartier, il s’est senti humilié, et va monter une véritable expédition punitive contre Kevin et ses amis. Il réunit un vrai commando. Il sont armés de manches de pioches, de marteaux, de couteaux et d’un revolver à grenailles.
Kevin et ses amis sont cueillis par surprise vers 21 heures, alors qu’ils sortent d’un fast-food ou ils viennent de dîner. La troisième rixe se produit très exactement dans le parc Maurice Thorez dans le quartier chaud de la Villeneuve à Echirolles, commune jouxtant Grenoble. l’agression nous dit dans un soupir d’incompréhension le policier est d’une sauvagerie inouïe. Les agresseurs s’acharnent et lynchent véritablement Kevin et l’un de ses amis Sofiane, 22 ans et s’enfuient.
Très vite alertés par des témoins, les secours interviennent. Mais en vain. Aux environs de 22h, Kevin battu à morts et atteint de 7 coups de couteaux décède sur les lieux même de l’agression malgré tous les efforts des médecins d’urgence. Le lendemain, son ami Sofiane, sur le corps duquel 27 plaies par armes blanche ont été relevé, malgré un transfert à l’hôpital et une opération de la dernière chance succombe a ses blessures.
Le rôle décisif des caméras de surveillance du quartier
C’est un jeune de 19 ans, initialement placé en garde à vue, parce que désigné comme présent au moment du drame, qui va en fait se révéler un témoin précieux. Rapidement on a déterminé raconte le policier qu’il faisait partie du groupe tombé dans le guet-apens sanglant. Sa garde sera donc levée sans bien sur aucune suite judiciaire, d’autant plus qu’il va nous aider à identifier les suspects de l’agression sanglante.
Le lendemain du drame, des hommes de la sureté départementale vont retrouver abandonné sur la scène du crime, un pistolet à grenailles et deux douilles percutées.Une grande enquête de voisinage est lancée. De témoignage en témoignage précise le policier, nous allons réussir à repérer certains des protagonistes ayant participé à l’opération punitive…
Dans le même temps, même si aucune caméra de vidéo- surveillance ne couvre les lieux du double homicide, les hommes de la sureté départementale de Grenoble vont saisir toutes les bandes de toutes les caméras de banques, commerces, écoles couvrant les alentours immédiats et la périphérie du parc « Maurice Thorez« . Notre objectif dit le policier était de parvenir à repérer tout groupe suspect, se dirigeant vers le Parc avant le « massacre », ou s’en éloignant après. Un véritable travail de fourmi, fastidieux, éreintant, mais qui va porter ses fruits: Il permet l’identification de 9 individus (majeure et mineurs) ayant participé à la rixe mortelle. Tous sont originaires du quartier de la Villeneuve. Toutes sont comme l’on dit dans notre jargon précise le policier » défavorablement connus de nos services ». Ils sont fichés comme étant le noyau dur d’une équipe de petits caïds, multi-récidivistes, qui passent leurs journées à provoquer régulièrement des troubles, des incidents, des violences dans le secteur. A ceux- la s’ajoutent sur notre liste d’autres noms, permettant de cibler un groupe d’une quinzaine de personnes impliquées à des stades différents dans le double homicide. Pendant que l’enquête se poursuit à bas-bruits, des effectifs de sécurité publique sont déployés dans le quartier pour maintenir le calme, surtout la nuit.
Les deux principaux protagonistes de la mortelle randonnée: deux frère, deux militaires de carrière! Interpellés alors qu’ils allaient tenter de fuir à l’Etranger.
Lundi, le 1er octobre, on a continué à bosser dur, pour établir la liste des suspects à « taper », et d’établir les responsabilités des uns et des autres. Il n’était pas question pour nous de se louper sur cette opération ou d’opérer une « raflette » inutile. En fin de journée 14 « objectifs » sont ciblés. Et c’est là qu’on apprend que les deux protagonistes principaux selon nos investigations, les frères E., ( Mohamed el Amine et sid-Ahmed) tous les deux personnages-clés des rixes s’étant terminées dans le sang sont militaires de carrière! Le premier au 54ème R.A ( Régiment d’Artillerie) de Hyeres , le second au 93ème R.A de Varces. Il faut faire vite, car les deux hommes, d’après nos renseignements sont repassés par leur caserne et s’apprêtent à déserter, et s’enfuir en Algérie. A 16H45, on tape le premier à Varces. Une heure plus tard, les gendarmes, on les remercie, nous ramènent le second cueilli à Hyeres. Ils sont aussitôt placés en garde à vue. Ils se murent dans le silence; L’enquête a pourtant démontré qu’à chaque étape, ces deux militaires français sont présents à chaque fois, mêlés à chaque fois, et responsables de la terrible expédition punitive qu’ils ont eux-même organisé et conduite.
L’Opération de terrain: 113 policiers mobilisés. 12 « objectifs » dans le quartier la Villeneuve.
Le lendemain,mardi 2, hier donc, branle-bas de combat à 6h du mat. On met le « paquet »: 113 policiers dont 62 enquêteurs de la sureté départementale, des hommes de la BAC, de la CDI (Compagnie Départementale d’Intervention), de la BST (Brigade spécialisée de terrain), des équipes cynophiles et une quinzaine de super-flics du GIPN de Lyon sont mobilisé pour une vaste opération en plein coeur du quartier de la Villeneuve, afin de mettre la main sur les 12 objectifs (suspects ciblés) restant. Parmi eux 2 mineurs agés de 17 ans. En moins d’une heure, sans difficultés, on interpelle 8 objectifs. Et le frère de l’un d’entre eux, qui sont à leur tour placés en garde à vue. 3 objectifs nous ont échappé mais on les recherche sans relâche. Dans la journée la mère des deux militaires, a aussi été interpellée et placée en GAV. Les perquisitions n’ont pas donné grand-chose. Seul un tournevis a été mis sous scellé.
Pour l’heure aucun des individus interpellés ne reconnaît quoique ce soit, mais nous sommes sur de notre coup dit le policier en achevant son récit. Nous avons réussi à frapper là ou il le fallait et à mettre la main sur les principaux suspects de la mort barbare infligée à Sofiane et Kevin.
F.H et K.H