Affaire Merah: Effets pervers sur la lutte anti-terroriste
Publié le 08/09/2012 à 11h46 | Jihad, Merah, terrorisme | Écrire un commentaire
Des magistrats tirent la sonnette d’alarme. Attention Danger!
Ce sont les enquêteurs spécialisés, notamment les juges d’instruction dans la lutte anti-jihadique, qui se plaignent aujourd’hui. « Dans l’affaire Merah explique un proche du pole anti-terroriste, on les a volontairement ignoré. La DCRI a tenté de faire de Mohamed Merah une source, en jouant avec le feu, pensant qu’il était « prenable ». C’était leur choix. Respectable à l’origine. Cela a débouché sur la perte de contrôle, les cafouillages en série, les tueries puis les mensonges ou savantes omissions désormais mises à jour par la déclassifcation. Les juges ne jettent pas la pierre à des gens avec lesquels ils bossent depuis des années. Ils savent bien pour l’avoir éprouvé, le poids des hiérarchies internes, des volontés politiques, et la difficulté de la mission même si en prenant Merah que certains connaissaient comme le « loup blanc » en temps utile peut-être, je dis bien peut-être, auraient-ils pu faire quelque chose »…
Des candidats au Jihad en légion. Un stratégie judiciaire déréglée après l’affaire Merah
« Le problème grave que rencontrent aujourd’hui les magistrats spécialisés dit un ancien juge qui a gardé la fibre, c’est l’effet pervers induit par les « enseignements » de l’affaire Merah. Là ou avant, et c’était une tendance lourde sous l’ère Sarkozy, le Parquet n’ouvrait que très peu d’instructions, et gardait sous son contrôle dans le cadre d’enquêtes préliminaires, donc sous le contrôle direct de Beauvau et du Château, la peur d’une nouvelle affaire Merah fait que des instructions ont été données à plus haut niveau pour que systématiquement désormais les juges soient saisis, au moindre soupçon, à la moindre détection d’un embryon de filière d’envois de combattants au Jihad comme en Lybie, Syrie, et dans un autre genre au Pakistan toujours, en Egypte, en Tunisie… ». Une légion de candidats au Jihad. Une tactique de contre-terrorisme judiciaire détraquée.
« Résultat dit l’un d’entre eux, on ouvre des procédures à la chaine, on voit défiler un nombre de gens dingues en ce moment, parce qu’en ce moment, les candidats au Jihad, depuis l’affaire Merah et les évènements de Syrie et de la région, ils sont un paquet! A peine l’un bouge, rentre d’une « formation », que les policiers ont ordre de lui sauter dessus et de nous refiler le bébé »… Dans ces conditions impossibles de faire une enquête correcte, de s’installer dans la durée, de traquer une éventuelle filière potentiellement dangereuse. On intervient à la racine. Trop tôt en amont donc. Alors que nous n’avons pas assez d’éléments. Du coup on prévient des gens qu’on est parfois obligé de relâcher qu’ils sont passés dans le collimateur, on incite les gens à renforcer les méthodes clandestines, on ne peut pas monter sérieusement un dossier avec des écoutes,des surveillances, des filatures, et tout l’attirail d' »armes » particulières que seul les juges d’instruction peuvent actionner pour démasquer et casser des filières, groupes opérationnels, ou « loups solitaires ». C’est dangereux aussi, très dangereux et improductif. On ne peut pas désormais réviser nos méthodes de travail et tout calculer à l’aune de ce qui s’est passé dans l’affaire Merah, ou alors on va dans le mur ».
Rectifier le tir d’urgence, avant le pire
« L’appareil de lutte anti-terroriste français a longtemps été l’un des, si ce n’est le meilleur du monde estime un des bâtisseurs du système. Aujourd’hui, il est déréglé, déséquilibré. De la méfiance anti-juges et la volonté de tout contrôler du trio Sarkozy-Gueant-Squarcini, on est passé après l’affaire Merah et ses développements qui n’en finissent pas à l’attitude inverse. Le politique doit rectifier le cap et donner des instructions en ce sens. Il faut rééquilibrer, que chacun fasse son job, et qu’il y ait une synergie efficace. Sinon à termes, prévient cet homme qui a connu les rues de Paris ensanglantées, la menace qui est au top du top aujourd’hui, ne sera plus seulement à quantifier sur une échelle. Mais elle se traduira par de nouveaux attentats. C’est maintenant qu’il faut tirer la sonnette d’alarme. Et que cela se traduise dans les faits. Après cela sera trop tard ».
Frédéric Helbert