Liban: ITW Exclu à Beyrouth d’un leader de la branche militaire Hezbollah.
Publié le 03/09/2012 à 06h35 | Hezbollah, Israel, Liban, syrie | Écrire un commentaire
Exclusif: Entretien-choc avec un chef logisticien de la branche militaire du Hezbollah
Il aura fallu plusieurs jours de négociations pour avoir un accès direct à cet homme du Hezbollah. Il n’est ni ministre, ni député, ni politique, Il est homme-clé de la machine militaire du mouvement. Un des chefs de la logistique. Un secteur crucial. Sa mission: Veiller à ce que rien ne manque aux hommes de terrain. De l’arsenal du Hezbollah, des capacités opérationnelles du mouvement, il sait tout. De la situation de son pays, celle de la Syrie, de la perspective d’une guerre entre Israël et l’Iran, il va parler sans détour, dans un lieu secret, quelque part dans la banlieue Sud de Beyrouth. Pour des raisons de sécurité, aucun nom, aucune indice ne permettant de l’identifier, de le localiser ne seront donnés. C’étaient les seules conditions -non négociables- posées par notre interlocuteur, pour que cet entretien puisse avoir lieu.
C’est dans une « safe-house », une maison sûre, qu’après deux jours de négociations ardues, je me retrouve enfin face à celui que je voulais interroger. Un homme proche de ceux du terrain. Un homme sachant de quoi il parle. Un homme n’ayant aucune habitude face aux médias. Le lieu où nous nous retrouvons est sécurisé de la manière la plus simple… C’est une maison comme tant d’autres, que rien ne distingue, perdue au cœur du labyrinthe de la banlieue-sud de Beyrouth, là ou personne ne rentre sans autorisation du Hezbollah. L’armée et la police libanaises elles, n’y sont jamais présentes… L’homme que je rencontre, et que je ne pourrai décrire, parle à visage découvert, mais se refuse à le montrer à l’image… Il est tranquillement assis dans un vieux canapé défoncé. Aucune restriction ne m’a été imposée dans mes questions. Seule demande et « aimable » recommandation: reproduire fidèlement les propos de mon interlocuteur… Rien qui ne puisse là me déranger, puisque tel est mon cap, où que j’aille et quelles que soient les personnes, de quelque bord qu’elles soient, que je rencontre. Ce sont donc ses « vérités » que le chef logisticien du Hezbollah expose sans détours. ses vérités et ses convictions sur la situation en Syrie, la menace d’une guerre Israël/Iran, sur la position du Hezbollah, sa force actuelle, sa détermination à faire face à l’ennemi de toujours: Israël, et pour finir sur ce que le Hezbollah pense de « l’action diplomatique française ».
Le Hezbollah et l’avenir du régime syrien
L’homme que nous appellerons « Hassan » se montre très confiant quant à l’actuel contrôle du régime de Bachar el-Aassad sur le pays.
« Le régime tient toujours affirme t-il, et solidement à l’heure qu’il est. Pas plus de 2% de sa puissance réelle n’a été affectée ». Y croit-il vraiment ? ou est-ce un propos de propagande ?
« La propagande est dans les médias du Golfe et ceux de l’Ouest, des Américains et d’Israël, anti-Bachar »rétorque t-il. Nous, nous avons le contact, nous avons les informations, nous nous savons. En l’état, c’est comme çà, et en l’état la guerre peut durer des années. Et l’équilibre des forces changer. Mais nous sommes persuadés au fond que la principale cible de l’opération orchestrée contre la Syrie, vise en fait le Hezbollah, sa puissance et sa capacité déjà démontrée de tenir Israël en échec. Attaquer le Hezbollah directement de front est impossible pour ses ennemis. Alors on vise la Syrie, pour tenter de nous affaiblir. En 10 minutes Bachar el-Hassad pourrait devenir un « héros » pour le Pentagone, la Maison-blanche, et l’Amérique. Il lui suffirait de dire deux choses: Plus d’armes, plus de soutien au Hezbollah, et ouverture des négociations ensuite sur le Golan (occupé par Israël) . Hassan peut s’en aller loin dans l’art de la provocation sans rire: Bachar serait prix Nobel s’il disait cela!!! Quand on lui demande qui seraient ceux qui orchestreraient la guerre en Syrie, la réponse fuse: « Israël, les USA, et des pays du Golfe comme la Qatar, l’Arabie Saoudite, et d’autres pays arabes qui n’ont d’autres choix que de suivre « l’agenda américain ». Nous au Hezbollah, on est préoccupé, parce que cette stratégie tente de nous pousser à la guerre confessionnelle entre nous au Liban. Nous ne sommes pour rien dans les derniers événements qui ont secoué le pays et déclenché des violences. Notre intérêt est à l’apaisement. »
Des problèmes logistiques au Hezbollah?
A plusieurs reprises il a été fait état publiquement de problèmes logistiques pour le Hezbollah, ne pouvant plus recevoir d’armes de Syrie, ni y récupérer ses stocks… Là encore, il réfute:
« Les armes, les missiles, dont nous avons besoin arrivent toujours, nous avons nos canaux. Aucune difficulté de ce coté là. Aucune rupture. Et je sais de quoi je parle. C’est mon domaine. Vous seriez surpris de voir nos réserves, la diversité et la puissance de notre arsenal. Ca c’est que nous disons, et nous savons mieux que les médias. Vous vous souvenez de 2006, de notre victoire face à Israël. Eh bien aujourd’hui, nous sommes deux fois plus forts qu’en 2006 assure « Hassan » sans plastronner. Son ton reste calme, posé, mesuré. Il affiche une confiance sans faille. Nous aussi, nous avons tiré nos enseignements propres de ce conflit. Nous ne sommes pas assis sur nos lauriers. Nous avons travaillé sans cesse pour renforcer nos capacités militaires propres, mais aussi nos réseaux de communication secrets, ultra-modernes. 85% de nos efforts financiers récents sont allés vers l’hyper-technologie. Il y a quelques temps nous avons fait un grand exercice de guerre souterraine au Liban-Sud, d’opérations clandestines au Liban Sud. Il a fallu 15 jours aux services de renseignements militaires israéliens pour qu’ils soient au courant. Parce que nous l’avons fait savoir dans nos médias! Il y a une blague qui circule dans nos rangs, mais qui symbolise notre confiance: la terre est ronde, mais le Hezbollah peut creuser un trou au milieu pour arriver plus vite d’un bout à l’autre! Nous avons les armes, la logistique, le savoir et la foi. Personne ne peut nous vaincre. Un jour viendra ou c’est Israël qui déposera aux Nation-Unies une résolution demandant le retrait du Hezbollah de son territoire! »
Et si le régime syrien venait à être attaqué par des forces occidentales sous mandat de l’ONU?
« Pour l’instant les Syriens n’ont pas besoin de nous. Mais si la question se posait, alors nous aviserons et nous prendrons nos dispositions. La Syrie est un pays-frère. Nous ferons ce que nous aurons à faire dit-il sans livrer plus de détails. Une précision toutefois: Avec ou sans mandat, des forces étrangères ont déjà envahi illégalement la Syrie. Les Libyens, les Tunisiens, les Mauritaniens, les Saoudiens, les Tchétchènes, les légions d’al Qaida, des occidentaux aussi. Et un des courants politiques libanais fournit secrètement des armes aux rebelles. Nous avons observé soigneusement et vu des Libanais amener des paquets d’armes, qui sont réceptionnés de l’autre coté de la frontière en Syrie par ceux qui combattent contre le régime. C’est un gros trafic. Un bateau amenant des armes a été intercepté du coté de Chypre. Le président libanais Sleimane a été avisé. Il n’a rien dit. On a un vrai problème avec lui. Ce n’est pas un bon Président pour le Liban, il trafique dans notre dos avec les Américains, les Saoudiens, les Qataris. C’est à nous de préserver la stabilité du Liban »
Et si Israël frappait l’Iran?
« Nous sommes prêts. En 2006, nous avons créé la surprise en frappant Haifa en territoire israélien. Nous étions déjà prêts à frapper plus loin. Aujourd’hui, nous pouvons mettre le feu à Israël tout entier. Ce n’est pas une parole en l’air. Nous en sommes capables. L’ensemble du territoire israélien est à portée des missiles du Hezbollah. Et je sais de quoi je parle. Je ne suis pas un politicien du mouvement, je suis un technicien. Maintenant quand le Sheihk Nassrallah parle, lui aussi sait parfaitement ce qu’il dit. C’est un leader religieux, politique, et militaire. Tout passe par lui. Il est au courant de tout, reçoit des rapports quotidiens. Ses déclarations ne sont pas à prendre à la légère. Israël, s’il frappe l’Iran, tentera de nous neutraliser aussi, alors nous répliquerons de toutes nos forces. Nous savons que depuis l’élection d’Ahmadinejad, Téhéran et nous, sommes dans le collimateur des Israéliens. Je le dis tranquillement, nous attendons la confrontation. Nous nous y sommes préparés encore et encore. Au point de la souhaiter même parfois. Nous prévenons: Si Israël fait çà, il ira au suicide. Nous avons nos plans pour des incursions en Israël. Je vois que vous souriez, mais croyez-moi, nous ne sommes plus à l’époque de la guerre des 6 jours. Aujourd’hui, je vous le garantis. en cas de guerre, nous rentrerons en Israël. Le Hezbollah ne connaitra jamais plus la défaite. Et si Israël attaque, toute la population libanaise sera unie. Vous savez, les Israéliens en ce moment sont faibles et divisés. D’habitude, ils frappent d’abord sans que personne ne le sache, et s’expliquent ensuite. Cette fois, ils parlent, ils parlent, ils menacent, un point c’est tout. Cela veut dire qu’ils sont faibles. »
Que pensez-vous de la diplomatie française, très offensive, en paroles, sur le conflit syrien?
« Rien. Il n’y a rien à penser, c’est du vent… De l’agitation sans aucun effet. La diplomatie française compte pour du beurre. Elle n’a ni pouvoir, ni influence. Tout se jouera sans elle. Je peux dire aux Français – qui le souhaitent si vivement – que si le régime syrien tombe, vous verrez alors deux nouveaux conflits surgir : une guerre civile au Liban et une guerre avec Israël. »
Entretien dans la banlieue sud de Beyrouth.
Propos recueillis par Frédéric Helbert.