Frédéric HELBERT, journaliste d'investigation

Notre rôle n’est pas d’être pour ou contre, il est de porter la plume dans la plaie. (Albert Londres)


L’islamique président Morsi en meilleur allié de son armée et d’Israël! Enquête, Décryptage

Publié le 08/08/2012 à 21h57 | , , ,  | Écrire un commentaire

En Israël, c’est la surprise. « Une très bonne surprise », dit sous couvert d’anonymat un chef des services de renseignements militaires. Mohamed Morsi, encore totalement inconnu il y a quelques mois, dont on disait qu’il serait une marionnette des « Frères Musulmans » et un adversaire placé sous haute surveillance par le tout puissant conseil supérieur des Armées, a réagi et imprimé sa marque avec force, détermination, après l’attaque survenue dans le Sinaï, ayant précédé l’incroyable tentative de percée en territoire israélien. Quelques heures après cette double attaque, le Président Morsi faisait une déclaration au canon: « Cette lâche attaque et cette trahison ne resteront pas impunies ». Des mots faisant écho à ceux de l’armée du Maréchal Tantawi, promettant de venger la mort de 16 garde-frontières et de reprendre le contrôle de l’immense désert du Sinaï, démilitarisé depuis son évacuation après la signature des accords israélos-égyptiens permettant la restitution de cet immense territoire à l’Egypte, conquis et occupé depuis la guerre des 6 jours en 1973.

Déploiement dans le Sinaï, ménage à la tête des services de sécurité…

Au lendemain de la double attaque venue du Nord-Sinaï, le président Morsi a convoqué les chefs de l’armée pour une réunion d’urgence. Décision immédiate: déployer, avec l’accord d’Israël, des troupes, de l’artillerie, des blindés, des avions et des hélicoptères de combat dans ce Sinaï devenu depuis des années un repaire de gangs de bédouins, de trafiquants, de réseaux et cellules jihadistes en tout genre. Ce n’était pas pour la parade. Les forces aériennes et terrestres égyptiennes, en collaboration discrète avec les renseignements militaires israéliens ont lancé plusieurs offensives sur des « objectifs terroristes présumés ». Une vingtaine d’activistes auraient été tués. L’offensive ne fait pas, loin s’en faut, l’unanimité au sein de la population égyptienne et même du gouvernement de Morsi, dont plusieurs ministres accusent Israël d’avoir été derrière la double attaque d’activistes armés dans le Sinaï puis en Israël.

Mais le Président Morsi n’a pas changé sa garde, au contraire. Hier on apprenait que les services de renseignement israéliens avait prévenu leurs homologues égyptiens d’un risque d’attaque venu du Sinaï contre le point d’entrée en Israël de Kerem Shalom. L’IDF (Isralian defense Force) et l’AIF (Aerian Defense force) avaient pris des dispositions rigoureuses. Coté égyptiens, rien! Le « tuyau » a été carrément ignoré par le GIS (General Intelligence Service) . Morsi n’a pas apprécié, loin s’en faut, et sa colère s’est traduite par des mesures immédiates: Limogé le chef des services de renseignements égyptiens, Muraf Mofawi!

Nommé à la place d’ Omar Souleimane (aujourd’hui décédé), maître-espion, grand ami des Américains, devenu Président intérimaire après la chute du Raïs, Mofawi, ayant fait toute sa carrière sous l’ère Moubarak, avait pour lui de bien connaître la tentaculaire machine des services égyptiens. A-t-il volontairement, en mésestimant le tuyau israélien, voulu mettre en difficulté le gouvernement Morsi? Avec une incroyable apparente naiveté, il a expliqué qu’il ne pensait pas que des musulmans attaqueraient d’autres musulmans! Ce premier nettoyage n’a pas été suffisant pour Morsi qui a demandé au Maréchal Tantaoui de faire un plus grand ménage d’été après la révolution de printemps. Viré aussi le commandant de la police militaire, et celui de la garde présidentielle...Qui, aussi incroyable que cela puisse paraître, avait demandé au Président égyptien de ne pas assister aux funérailles nationales des 16 gardes-frontières tués dans le Nord-Sinaï, au prétexte qu’il n’était pas capable d’assurer sa sécurité!

Le nouveau chef des services de renseignements s’appelle Mohamed Raafat Shehata, lui aussi cacique du régime Moubarak, ancien boss de la garde présidentielle, connu pour son habileté, ses talents de négociateurs, et ses bonnes relations avec Israël. Il avait été un des principaux intermédiaires dans l’interminable négociation pour obtenir la libération de Gilad Shalit détenu par le Hamas.

Avec le Hamas, justement, les relations se sont brutalement très nettement refroidies. Morsi et les militaires égyptiens se sont retrouvés pour estimer que les assaillants de Kerem Shalom venaient de la bande de Gaza. Le principal point de passage entre Gaza et l’Egypte a été fermé, jusqu’à nouvel ordre.Fin d’une courte lune de miel.

Realpolitik

La gouvernance d’un Morsi, collaborant étroitement avec le Maréchal Tantawi et virant d’un coup d’un seul des responsables importants de l’appareil sécuritaire, rappelle les décisions prises par Hosni Moubarak après le terrible massacre de Louxor perpétré par des islamistes dans les années 90. Près d’une centaine de touristes avaient été massacrés à la kalashnikov et à l’arme blanche. Je me souviens d’alors avoir vu, alors que les touristes quittaient paniqués une des perles du tourisme égyptien, des responsables locaux de la sécurité faire leurs cartons en un temps record.

Le contrôle du Sinaï, ce désert splendide et frontalier d’Israël, débouchant sur la cité balnéaire de Sharm el Sheihk au bord de la mer Rouge, est vital pour l’Egypte, tant au niveau stratégique qu’économique.  Mohamed Morsi le sait et a pris ses décisions en conséquences. Des décisions qui créent une violente polémique jusque sur Twitter, devenu aussi, signe des temps, un outil pour les ministres de la nouvelle administration. Certains dénoncent des décisions hâtives, à courte vue,  prises sous l’empire de l’émotion, humiliantes et désastreuses pour la souveraineté de l’Egypte. D’autres y voient un signe que Morsi a pris la mesure du job, endossé une vraie tunique présidentielle, et que le pays rompt avec une vielle tradition si souvent dénoncée par le peuple:

Si vous êtes mauvais à des postes stratégiques (ou pas), vous ne serez plus protégés par le « clan » désormais, vous serez virés, et remplacés par des gens compétents, jouant le jeu de la nouvelle démocratie sortie des urnes égyptiennes.

Frédéric Helbert


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À propos de l'auteur

Grand-reporter de guerre, (souvent), journaliste d'investigation, multi-médias, tous terrains, membre de l'association de la presse judiciaire, passionné par les phénomènes terroristes depuis le début de ma carrière à Europe11. Tropisme assumé pour le Moyen-Orient et la péninsule arabe-musulmane. Jamais rassasié d'infos,  accro à tous types d'enquêtes et reportages, j'aime explorer le dessous des cartes de dossiers sensibles. En toute liberté. Vos témoignages, vos infos, vos commentaires sont  bienvenus!

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