JO de Londres: les « soldats » de la délégation syrienne.
Publié le 25/07/2012 à 12h35 | jeux olympiques, Moyen-Orient, syrie | Écrire un commentaire
Ils sont 28. 28 syriens dont 10 athlètes arrivés à Londres pour défendre les couleurs d’un drapeau, d’un régime, d’un pays en guerre. Ils se disent fiers de participer aux JO. Fiers d’avoir pu continuer à s’entraîner, fiers à l’idée d’entendre résonner à Londres l’hymne national syrien… et de défendre le drapeau de leur pays pourtant en proie à la déchirure, et à une guerre civile sans pitié. De politique, ils ne parlent pas. Des ordres ont été donnés. Juste quelques allusions du type: » Nous voulons montrer une image différente de celle donnée par les chaînes satellitaires (NDRL: arabes et occidentales qui montrent la répression sanglante d’un mouvement qui avait débuté pacifiquement il y a près d’un an et demi).
Néanmoins, personne n’est dupe. Signe des temps et du fait que les sportifs de haut niveau en Syrie sont « les enfants du régime ». Comme dans tout régime ou les militaires sont aux commandes partout, le chef de la délégation nationale olympique syrienne est un général de l’armée de Bachar el Assad. En retraite, mais général quand même, Mowafffak Djoumaa, s’est vu refusé l’attribution d’un visa par les autorités britanniques. Traduction politiquement correcte d’un des responsables de la délégation engagés: » Certains dirigeants ont décidé de ne pas venir. Cela permettra d’éviter les problèmes.« .
Il faut dire, que le général en question avait déclaré le mois dernier: « être fier d’appartenir à son armée », ajoutant que les athlètes syriens allaient à Londres pour -sic- « manifester leur attachement au pays et à sa direction. « . Verdict des britanniques immédiat: Pas de visa pour le général considérant la délégation olympique comme une représentation du pouvoir. Et n’ayant jamais manifesté une quelconque volonté de condamner une féroce répression orchestrée par ses pairs. Le militaire avait alors déclaré sans ambages qu’il était victime d’un « complot » et avait dénoncé une violation des conventions olympiques dénonçant en prime » La démocratie factice de l’Occident « . Propos qui prêterait à rire si la Syrie n’était pas à feu et à sang. Ce même général avait procédé lui-même au choix des athlètes, « fiables », dignes selon le régime de participer aux JO. Il a aussi écarté de la sélection syrienne plusieurs sportifs jugés coupables de s’être opposés à haute voix aux exactions pratiqués par le régime syrien. Et n’a rien trouvé à redire lorsque l’armée s’en est allée recruter quelques supplétifs, au sein mêmes de clubs sportifs, pour participer au maintien de l’ordre, façon syrienne, en intégrant les rangs des redoutables » Chabbibha « .
Mais certains regrettent à voix basse, que ce sunnite, ne disposant pas de réels pouvoirs, et ayant lui-même perdu plusieurs membres de sa famille lors d’opérations de répression, ait été ainsi écarté. Ils pensent que le Général Moffawaq Joumaa, aurait pu profiter de son « séjour » à Londres, pour faire à son tour défection et rallier l’armée libre syrienne… On ne le saura jamais…
Avant de décoller pour Londres, les athlètes de la délégation ont été soigneusement briefés et reçus lundi dernier par Bachar el Assad. Et ils ont bien appris leur leçon: » Nous ne sommes pas là pour parler politique « , dit une nageuse: » Nous allons faire tout ce qui est possible pour donner une bonne image de la Syrie « . Un autre, porte-drapeau, engagé dans l’épreuve de saut en longueur affirme vouloir faire de son mieux pour faire honneur à la Syrie….
Bref, le refrain est bien rodé. Et la délégation a emmené avec elle, le cavalier Mohamed Hamchco, 19 ans, fils d’un d’un puissant homme d’affaires qui est l’un des principaux soutiens au régime el Assad, et proche du spectral Maher el Assad. Il a fallu pour cela résister aux pressions et aux dénonciations qui ont fleuri sur Internet. Mohamed Hamcho est un cavalier qui dispose de moyens hors-normes pour s’entrainer, dont personne ne nie les talents indéniables dans sa discipline, mais qui a déclaré il y a peu au « Times », apporter son soutien à Bachar el Assad qui selon lui » n’a commis aucune faute dans sa lutte contre la violence croissante en Syrie ». Plus fort encore, le jeune cavalier a estimé que » le gouvernement syrien protégeait les civils contre les terroristes, et affirmé qu’il se présenterait aux Jeux « comme le représentant non seulement du peuple syrien, mais également du Président Bachar el Assad en personne ».
Voila qui en dit long sur la façon de dissocier sport et politique, et d’afficher une neutralité chère aux tenants de la charte olympique, mais qui depuis bien longtemps n’est plus qu’une chimère…
Pour brosser un tableau complet, il faut rappeler que ces athlètes triés sur le volet ne représentent pas, loin s’en faut, un mouvement sportif touché par la guerre civile et confessionnelle en Syrie. Plusieurs dizaines de sportifs s’étant engagés dans les rangs de la rébellion ont été tués, blessés, ont disparu ou ont été emprisonnés. D’autres ont simplement payé le fait de refuser de se ranger au coté du régime, un régime considérant qu’ils lui devaient tout. Restent ceux qui continuent à se battre sans se cacher aux côtés des insurgés comme le gardien de l’équipe nationale espoir de football, Abdel Bassel Sarout, devenue une icône de la révolution.
Quant aux athlètes syriens filant apparemment doux et ayant gagné leurs billets pour Londres, le régime s’en méfie quand même, et a pris toute disposition pour éviter une « défection » et un passage à l’occident. La délégation syrienne comprend plus de cadres que d’athlètes. Des hommes qui seront plus là pour surveiller sévèrement qu’encadrer sportivement. Certains de ses « cadres » n’ayant que peu de liens avec le sport, mais étant des obligés du régime, dissimulant sous la casquette d’une étiquette sportive quelconque d’excellentes dispositions à se muer en véritables » moukhabarat « , les hommes de la toute puissante et très redoutée sécurité d’état en Syrie.
Frédéric Helbert.