Merah: Ce que dit le Rapport du RAID, ce qu’il ne dit pas… Décryptage.
Publié le 27/05/2012 à 22h13 | Merah, RAID | Écrire un commentaire
Décryptage du rapport d’opération contre Mohammed Merah. Premier chapitre: L’assaut de nuit raté.
Ce ne sont pas les gendarmes, ainsi que l’avait demandé le général commandant du GIGN, qui ont reçu les premiers, les « meilleures pages » du rapport du RAID rédigé par son patron Amaury de Hautecloque… Pour en avoir connaissance ils ont dû, comme tout le monde, lire « le Point« , qui révèle des extraits du rapport établi le 23 mars dernier, soit deux jours après l’opération, alors que la polémique sur les conditions du double assaut commençait à enfler.
Pour ma part, quelques heures après le premier assaut, je à m’interrogeais déjà avec des experts, des « hommes de l’art », d’anciens membres du RAID, des hommes du GIGN, et d’autres sources, quant aux conditions dans lesquelles le premier assaut a été lancé, dans un climat lourd, sans contrôle judiciaire, mais sous haute pression politique… Une action drivée directement par deux Hommes: L’ancien président de la République, Nicolas Sarkozy et le ministre de l’Intérieur Claude Guéant.
Alors, penchons nous maintenant sur le document auquel « le Point » a pu avoir accès :
Le 1er extrait se rapporte au premier assaut lancé à 3h15 du matin le 21 mars: le patron du RAID y raconte la colonne d’intervention progressant silencieusement aux abords de l’immeuble, les policiers chargés de mettre en place le système d’ouverture forcé de la porte, puis soudain la surprise de voir la porte s’ouvrir, une main brandissant un pistolet automatique, l’ouverture du feu du « mis en cause », tirant à l’aveugle, deux policiers blessés par le feu nourri, puis le RAID ripostant pour couvrir sa retraite.
C’est là où les premières interrogations, évoquées à l’époque sur Twitter, ressurgissent: le patron du RAID ne dit rien de ce qui a motivé la décision de lancer ainsi un assaut en pleine nuit, dans des conditions périlleuses, dans un immeuble habité, alors que rien ne justifie techniquement cette précipitation. Mohammed Merah ne sait pas qu’il a été repéré. Et pour frapper il doit ressortir de chez lui. Une opération « surprise » de « saute-dessus« , en milieu ouvert, aurait été, à l’évidence, plus facile à mener indiquent tous les experts que j’ai interrogés, dont l’adjudant Prungnaud ex du GIGN, héros de l’attaque visant à libérer l’Airbus rempli d’otages détourné par un commando du GIA en 1994. Ce dont Amaury de Hautecloque ne fait pas état dans son rapport, c’est de l’intense pression du politique qui a sans cesse pesé. Selon les infos que j’ai pu obtenir, l’opération nocturne a été décidé après deux réunions convoquées dans la soirée à la Préfecture de Toulouse, réunions tenues sous l’autorité de Claude Guéant, répercutant les ordres du PR Nicolas Sarkozy, qui a donné le top, tout en spécifiant qu’il voulait Mohamed Mérah vivant. A ce moment là dit un ancien RAIDman, toute latitude aurait du être laissée au RAID afin qu’il puisse décider de choisir telle option plutôt que telle autre. Mais le RAID n’a pas eu le choix. L’ordre impérieux d’une opé. de tous les dangers, est tombé. Les hommes de l’unité ont agi sous pression dans un environnement très délicat. Si Mérah ouvre le feu le premier, c’est qu’il a été alerté de la présence du RAID. Il n’est pas le seul, tout le monde dans l’immeuble a entendu ainsi que je l’ai révélé sur mon compte twitter le bruit fait par la chute d’un bouclier d’un des hommes du RAID alors que la colonne avançait. Une erreur due à la pression. D’autres habitants de l’immeuble ont passé « une tête à la fenêtre » et vu d’autres policiers qui leur ont ordonné de rester bouclés chez eux… Bref, l’avancée du RAID a été un échec. Et Mohammed Merah, a pu bloquer sa porte avec un frigo ou un lave-linge, avant d’ouvrir le feu lorsqu’il a senti que la colonne d’assaut était devant chez lui. Par ailleurs, on peut s’interroger sur l’absence d’équipe dite « fenêtres » lors du premier assaut. C’est sans doute pour éviter d’être repéré de l’extérieur, mais contraire à la doctrine, qui veut que lors de ce type d’assauts, il y ait deux points d’attaques, pour désorienter la cible… Seulement comment le RAID aurait pu installer un dispositif complet, sans périmètre de sécurité, et en intervenant dans un immeuble habité? Là encore, c’est contraire à la doctrine, puisqu’aucune urgence ne guidait, il n’y avait pas d’otages à sauver, pas de menace imminente ni de nécessité d’agir dans un appartement ou d’ailleurs nul ne savait si Mohammed Merah possédait des explosifs. On n’ose imaginer ce qui se serait passé si son domicile avait été piégé, et s’il avait fait « sauter » l’immeuble, avec les hommes du RAID, et les habitants à l’intérieur…
Le rapport est donc lapidaire, quant à une première phase, ou le politique a imposé ses « diktats », et où le RAID, n’a pas pu se préparer correctement, décider de la stratégie la mieux appropriée, pour capturer Merah vivant, et éviter la casse dans les rangs de l’unité spéciale d’intervention de la police. A partir de là un constat: l’opération éclair, et « surprise » est un échec notoire. La donne a complètement changé. Mais du rapport du boss du Raid, rien de cela ne ressort… Les extraits publiés par « le Point » ne font qu’accréditer une V.O (version officielle) sans poser les questions qui fâchent.
Dans les chapitres suivants, je reviendrai sur la phase de négo, où Merah a berné les négociateurs, puis sur la phase d’assaut final, celle de toutes les zones d’ombres… (ITW complète de l’adjudant Prungnaud ex GIGN sera jointe). Enfin je me pencherai sur l’enquête, qui elle n’a pas dépendu du RAID, mais où des erreurs, des fautes, aussi ont été commises: l’absence de judiciarisation du dossier, et de collaboration pleine et entière de la SDAT et la DCRI ont, peut-être, empêché d’arrêter Mohammed Merah avant qu’il ne commette la tuerie de l’école juive de Toulouse, alors que cela eut pu être techniquement possible.
A suivre…